"Ne paniquez pas, tout va bien se passer…" Sous le dôme de la cathédrale orthodoxe de la Sainte-Trinité, à quelques minutes du début de la cérémonie, le prêtre rassure – en français – les futurs époux et les invités. Le mot fait rire l’assistance et détend quelque peu le prince Alexandre Mourousy et sa fiancée, Alevtina Nicolaevna Bondarenk, qui se tiennent côte à côte, un brin nerveux.
La veille, le couple a baptisé ici son premier enfant, le prince Fiodor, né en novembre 2020. Mais aujourd’hui, c’est vers eux que tous les regards convergent.
"L’esprit russe est fièrement représenté !"
Si certains parents et amis n’ont pu se joindre à la noce, bloqués en Russie par l’épidémie de Covid-19 et les mesures de quarantaine, tous sont présents par la pensée.
"L’esprit russe est fièrement représenté !", s’enorgueillit le prince Constantin Mourousy, père du marié et éternel optimiste, qui salue à tour de bras, allant de la princesse Maria Pia de Savoie au prince Murat, sans oublier le jeune duc d’Ayen et son épouse, mariés civilement au château de Champlâtreux au début de l’été.
Représentants de la maison de France, le duc et la duchesse d’Angoulême, de leur côté, félicitent Suzanne Mourousy, la mère du marié.
Un mariage selon le rite orthodoxe
Fidèle au rite orthodoxe, la cérémonie débute par l’office des fiançailles à la porte de la cathédrale. Au prêtre qui les accueille et leur demande s’ils s’engagent librement dans la voie du mariage, Alexandre et Alevtina répondent à voix basse et échangent un sourire complice avant de recevoir chacun un cierge allumé, puis d’être guidés jusque dans la nef.
La mariée, très émue, ferme les yeux tandis que le chœur entonne le Kyrie eleison [Seigneur, aie pitié]. Elle a choisi de porter une robe dessinée par ses soins et brodée par un couturier de Gelendzhik, la cité au bord de la mer Noire où ils ont élu domicile. Là-bas, depuis 2016, Alexandre Mourousy veille à la destinée d’un vignoble d’exception. Alevtina, juriste d’affaires, l’a très vite rejoint.
Leur vie est en Russie même si la France est chère à leur cœur, la jeune femme ayant fait une partie de ses études à Toulouse. "Notre vie commune a démarré de manière fulgurante lors de la première vague de Covid-19 où il a fallu faire des choix géographiques immédiats entre les vignes de Gelendzhik, où je travaille, et Moscou d’où Alevtina est originaire", raconte le marié. Uni civilement en Russie, le couple a été contraint de retarder le mariage religieux du fait de la crise sanitaire. "Un mariage orthodoxe et parisien nous paraissait être une évidence, entre modernité et tradition", précise Alexandre.
Les princes Mourousy, une fulgurante ascension
L’histoire des princes Mourousy se confond avec celle de l’Empire byzantin. Originaires d’Asie Mineure, les Moruzi – selon l’une des orthographes de l’époque – sont déjà présents à Trébizonde lors de la prise de la ville par les Turcs en 1461. L’un d’entre eux aurait même été exécuté au côté du dernier empereur.
À la fin du XVe siècle, ils n’ont d’autre choix que de rentrer à Constantinople pour y servir le sultan. Une fulgurante ascension commence alors. Au XVIIIe siècle, ils sont élus princes régnants de Moldavie et de Valachie, mais se voient condamnés à jouer les éternels équilibristes entre la Sublime Porte et la Russie des tsars dont l’influence croissante en mer Noire déstabilise l’Empire ottoman.
Pragmatiques, les Mourousy finiront par choisir le parti des Romanov. En 1855, Constantin Dimitrievich Mourousy est le premier à voir confirmé son titre de prince par le Sénat russe.
Ce vendredi 16 juillet 2021, tandis que les mariés sortent de la cathédrale, un timide rayon de soleil perce enfin les nuages. Alexandre et Alevtina s’offrent une croisière sur la Seine. Les mariés poussent jusqu’au pont Alexandre III – un symbole de plus de l’entente franco-russe – où ils s’embrassent.
Mais c’est en aval du fleuve qu’ils ont décidé de réunir leurs proches, en plein cœur du parc de Saint-Cloud, pour un cocktail champêtre au son des violons tziganes.
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