Exclusif. Le roi Fouad II d'Égypte reçoit Point de Vue en famille

Enfant roi quelques mois après l’abdication de son père, le roi Fouad II d’Égypte a grandi en Suisse avant de faire une partie de sa vie en France. Un destin hors du commun, ponctué d’épreuves. À l’occasion de son 70e anniversaire, le souverain a accepté de se confier à Point de Vue. Rencontre exceptionnelle, chez lui, entouré des siens.

Par Thomas Pernette - 27 février 2022, 06h00

 La famille royale d’Égypte réunie pour l’anniversaire du roi Fouad II. De gauche à droite, au premier rang, la princesse héritière Noal, le prince Fouad, le roi Fouad II tenant dans ses bras sa petite-fille Dounia, la princesse Fawzia et son fils Naël. Derrière eux, le prince héritier Mohamed Ali et sa fille la princesse Farah-Noor, ainsi que monsieur Sylvain Renaudeau, époux de la princesse Fawzia.
La famille royale d’Égypte réunie pour l’anniversaire du roi Fouad II. De gauche à droite, au premier rang, la princesse héritière Noal, le prince Fouad, le roi Fouad II tenant dans ses bras sa petite-fille Dounia, la princesse Fawzia et son fils Naël. Derrière eux, le prince héritier Mohamed Ali et sa fille la princesse Farah-Noor, ainsi que monsieur Sylvain Renaudeau, époux de la princesse Fawzia. © David Nivière

Majesté, vous acceptez de recevoir Point de Vue à l’occasion de vos 70 ans. Pourtant, ce n’est pas seulement votre anniversaire ?

Ce qui est agréable en famille, quand on a des enfants et des petits-enfants, c’est qu’il y a beaucoup d’anniversaires à fêter ! Outre le mien, nous profitons d’être tous réunis pour célébrer celui de ma fille, la princesse Fawzia, et de mon fils, le prince héritier Mohamed Ali. Pour moi, 70 ans c’est une étape importante. Je suis très heureux de cette réunion de famille, surtout après deux années marquées par l’épidémie de Covid- 19. C’est une joie pour moi de voir grandir mes petits-enfants. Seul mon fils le prince Fakhr- Eddin n’a pu être des nôtres aujourd’hui, et nous pensons à lui. Pouvoir recevoir ma famille dans ma maison, cela me touche particulièrement.

Quel regard portez-vous sur les soixante-dix années qui viennent de s’écouler ?

Je remercie Dieu de m’avoir apporté, grâce à mon entourage et ma famille, beaucoup de bonheur, même si par moments ce ne fut pas facile. J’ai traversé des périodes très sombres, avec de graves problèmes de santé, mais cela est maintenant derrière moi, et l’avenir m’apparaît plus serein. Je me réjouis de pouvoir à nouveau voyager, et notamment de retrouver Paris. De revoir tous ces lieux chers à mon cœur, comme les grands boulevards, Saint-Germain-des-Prés, le Quartier latin, la Seine et les bouquinistes, sans oublier l’obélisque de la Concorde, cadeau de mon aïeul Méhémet Ali à la France.

Fouad II
Le roi Fouad II et son fils le prince héritier Mohamed Ali. © David Nivière

Vous avez un lien très fort avec la France et, notamment, avec Paris...

J’ai grandi en Suisse. Mais après deux années d’université à Genève, je me suis installé à Paris pour continuer mes études. J’étais fasciné par la culture et la littérature françaises ; j’ai toujours aimé la capitale des Lumières et son ambiance unique. C’est d’ailleurs dans cette ville que j’ai connu mon ex-épouse. Il m’arrivait aussi fréquemment à cette époque de me rendre au château de Versailles. À dire vrai, la figure de Louis XIV me passionne. Sur des marécages, le Roi-Soleil a fait naître un palais, devenu un modèle dans le monde entier. C’est absolument extraordinaire qu’il ait réuni autour de lui les plus grands : Le Nôtre pour les jardins, Le Vau et Mansart pour l’architecture, Le Brun et La Fontaine... Bien sûr, il avait trop d’orgueil et un goût trop prononcé pour la gloire et la guerre. C’est d’ailleurs ce qu’il a avoué sur son lit de mort à son arrière-petit-fils, Louis XV. Le rayonnement de la France à partir de cette époque est fascinant. Jusqu’à très récemment, on parlait français dans toutes les cours d’Europe. Même en Égypte, la langue de Molière était couramment parlée à la Cour et dans toute la bonne société, avant le coup d’État de 1952 ; et je reste très attaché à la francophonie.

Néanmoins, vous avez décidé de revenir vivre en Suisse ?

La Suisse a été notre refuge quand mon père, le roi Farouk, a été contraint d’abdiquer en ma faveur. Nous avons d’abord vécu en Italie, mais très vite mon père a choisi la Suisse pour mes sœurs et moi. La Suisse et la monarchie égyptienne entretenaient d’excellentes relations. Nous nous sommes installés sur les bords du lac Léman en 1955. J’allais fréquemment voir mon père qui, lui, résidait à Rome. Il voulait absolument que j’aille à l’école du village, comme n’importe quel enfant. Il ne souhaitait pas que je sois éduqué par des précepteurs bien qu’il ait engagé pour moi un professeur particulier égyptien, le docteur Ali Daki, pour l’arabe, la théologie et l’histoire, une façon de ne pas perdre mes racines. Ce fut une enfance heureuse, même si ma mère est repartie en Égypte où elle s’est remariée après avoir divorcé de mon père. C’est difficile pour un fils d’accepter de voir partir sa mère. La mort de mon père alors que j’avais 13 ans a également été un terrible choc. Durant cette triste période, la présence, l’affection et la tendresse de mes trois sœurs furent un véritable réconfort. Je ne peux également oublier ma nurse anglaise, qui s’occupait de moi depuis ma naissance et qui ne m’a jamais quitté. Une femme délicieuse qui m’a inculqué la politesse, les bonnes manières, le savoir-vivre et le respect des autres. Nous avions aussi, mes sœurs et moi, une gouvernante normande qui s’appelait mademoiselle Tabouret. Elle était tellement dévouée et attentive qu’elle aurait bien mérité un fauteuil ! Avec elle, j’ai appris tant de choses, dont des proverbes et des maximes qui m’ont ensuite accompagné tout au long de ma vie. Elle me répétait souvent : "Noblesse oblige." Je n’ai jamais oublié.

Fouad II
Fouad II d'Égypte en Suisse en 1955. © Collection Point de Vue

Vous êtes proche de la famille princière de Monaco, surtout du prince Albert II...

En effet, c’est une amitié de longue date, qui remonte au temps de mon père. Le roi Farouk a toujours été admiratif de cette principauté qui a su garder son indépendance et son identité à travers les siècles. J’ai conservé ce lien avec le prince Rainier et la princesse Grace, et c’est au palais de Monaco que je me suis marié en 1976. Puis, tout naturellement, elle a perduré avec le prince Albert II, dont j’admire l’action pour le rayonnement de la principauté et son combat pour l’environnement. Aujourd’hui, deux de mes enfants, Fawzia et Fakhr-Eddin, y vivent. Nous avons hérité de mon père la nationalité monégasque que le prince Rainier lui avait conférée pendant son exil. C’est une fierté, même si depuis on m’a rendu la nationalité égyptienne à la suite d’un don anonyme que j’avais fait en 1973 pour l’achat d’ambulances militaires durant la guerre d’Octobre. Le président Anouar el-Sadate a eu vent de mon geste et, devant le Parlement égyptien, a dit ouvertement : "Fouad II n’a pas oublié son pays."

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En quelle année avez-vous pu vous rendre pour la première fois en Égypte ?

C’était en 1991, sous la présidence d’Hosni Mou- barak, j’avais 39 ans. Ma mère était souffrante, et j’ai voulu aller la retrouver. Ce fut, bien sûr, une visite bouleversante. Une merveilleuse occasion, comme une rencontre charnelle avec la terre de mes ancêtres. Enfin, après de si longues années, je pouvais voir l’Égypte, ressentir l’Égypte, toucher l’Égypte. C’était aussi la première fois qu’il m’était offert de pouvoir me recueillir sur la tombe de mon père et sur celle de mon grand-père. Et comme vous pouvez l’imaginer, me retrouver avec ma mère en Égypte fut un moment baigné d’émotion. J’ai également profité de ce séjour pour visiter tous les sites emblématiques et faire, pour la première fois, une croisière romantique sur le Nil. Ce furent à la fois des moments de grande joie, mais aussi de grande tristesse. À cette époque, très peu de gens s’intéressaient à la monarchie et à son histoire.

Les choses ont-elles changé ?Depuis plusieurs années, il y a un intérêt nouveau pour l’histoire de notre famille, et même une certaine reconnaissance du rôle que la monarchie a joué dans le rayonnement de l’Égypte. Sous la monarchie, l’Égypte était le pays le plus développé du Moyen-Orient sur le plan culturel, économique, international... C’est notamment grâce au roi Farouk qu’a été créée la Ligue arabe, dont le siège est toujours au Caire. La société d’alors était multiculturelle. Bien sûr, l’islam était prépondérant, mais il y avait une grande tolérance envers les autres religions et les autres communautés. Les coptes jouaient un rôle important dans la société, tout comme les juifs d’Égypte. Il...

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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