Robes longues et smokings, les invités du dîner donné par le chef de l’ancienne maison royale d’Italie découvrent le palais Colonna. Pour certains, c’est la première fois, à ne pas savoir où en donner de la tête. La grande galerie de cette demeure privée est considérée, à juste titre, comme l’un des chefs-d’oeuvre de l’art baroque italien.

Passé les colonnes de marbres jaunes de Sienne, se succèdent les toiles de maîtres. Tintoret, Véronèse, Carrache… ornent les murs. Chaque pas conduit vers plus de beauté comme le cabinet en ébène et ivoire des frères autrichiens Steinhart, orné de scènes du Nouveau Testament.
La maison de Savoie réunie pour l’ordre caritatif des Saints-Maurice-et-Lazare
Sous les lustres de Murano, datant du XVIIIe siècle, le prince de Venise, Emanuele Filiberto de Savoie et son épouse la princesse Clotilde, radieuse en robe Elie Saab, prennent le temps d’échanger avec quelques uns des trois cent cinquante invités dont la majorité appartient à l’ordre des Saints-Maurice-et-Lazare.
En haut des marches, un pont de pierre mène aux jardins du palais, dont ils sont séparés par une rue. Là sont dressées de petites tables garnies d’amuse-bouche et de champagne. Les invités patientent avant le dîner servi dans une autre salle. Parmi les convives, le prince Serge de Yougoslavie et son épouse la princesse Eleonora, sa soeur, la princesse Hélène, venue avec son fils Léopold et son époux Stanislas Fougeron.

Le prince Victor Emmanuel d’Italie, 81 ans, se déplace maintenant avec difficultés, mais il est pourtant venu de Genève avec la princesse Marina. Le couple retrouve la princesse Michel de Bourbon-Parme, la soeur aînée du prince. Le service peut commencer.
En entrée, tarte au fromage provola et fleurs de courgettes croustillantes; ragoût de crustacés au basilic; suivis d’une longe de veau aux copeaux de noisette au citron et romarin. Pour le dessert: tiramisu Martini pistache et un parfait chocolat, poire meringues. Un dîner d’apparat, point d’orgue de la réunion des ordres dynastiques de la maison de Savoie.
Le prince Victor-Emmanuel d'Italie préside la cérémonie aux côtés de son fils
Le matin même, plus de cinq cent soixante personnes étaient en effet décorées de l’ordre du Mérite civil de Savoie ou élevées en grade dans celui des Saints-Maurice-et-Lazare dans la grande salle Benoît-XVI de l’université pontificale de Latran.
Un lieu idéal, comme nous l’explique le prince de Venise: "Depuis la fin de notre exil, nous essayons de réaliser le maximum d’évènements en Italie. Mais la loi de 1946 ne reconnaît pas les ordres dynastiques de la maison de Savoie, donc nous organisons nos réunions dans des lieux extraterritoriaux, comme ceux du Vatican. N’oublions pas que l’ordre des Saints-Maurice-et-Lazare a été créé par le pape Grégoire XIII dans une bulle papale en 1572. Le souverain pontife a associé l’ordre de Saint-Lazare de Jérusalem et celui de Saint-Maurice, créé par le premier duc de Savoie Amédée VIII, et en a confié la gestion à notre maison."

Sur l’estrade, les lauréats saluent le prince Victor-Emmanuel, grand maître des ordres dynastiques, le grand chancelier, Son Excellence Johannes Niederhauser, avant de recevoir leurs distinctions des mains du président, le prince Emanuele Filiberto. Serge de Yougoslavie, également présent, félicite son épouse Eleonora, élevée à la dignité de dame grand-croix. L’implication de tous les membres de la maison royale permet ainsi de pérenniser le formidable travail que le prince Victor-Emmanuel avait entamé en 1983.

"Lorsque mon père a repris l’ordre des Saints-Maurice-et-Lazare, il était en exil et ne pouvait compter que sur quinze membres. Aujourd’hui, il y a quatre mille membres, dont deux mille cinq cents délégués. Cette année nous avons réuni 870.000 euros, 70.000 de plus qu’en 2017. C’est de l’argent récolté pour des actions précises et visibles. Nous espérons arriver rapidement à un million", s’enthousiasme le prince.
L'ordre soutient de nombreuses initiatives caritatives et humanitaires dans le monde
Parmi les membres distingués, des architectes, des policiers, des scientifiques, des femmes et des hommes de tous horizons. Chacun soutient une action concrète, souligne le prince de Venise: "En Italie, nous avons dix-sept délégations qui chapotent soixante-seize vice-délégués. Chacun d’entre eux me fait parvenir un projet. Cela va de la reconstruction du centre pastoral Madonna delle Grazie , à Norcia en Ombrie, détruit par un séisme en 2016, au soutien de l’association Peter Pan à Rome, qui vient en aide aux enfants touchés par de graves maladies. Autre exemple, cinq jours après la catastrophe du pont Morandi à Gênes, j’étais présent pour lancer la construction d’un centre médical et éviter ainsi aux habitants de faire quatre-vingts kilomètres pour se soigner. Il sera complètement achevé à la fin du mois."

Parmi les nouveaux médaillés se trouvent aussi des Américains, des Français, des Brésiliens et même des Japonais. "Nous avons trente-deux délégations en dehors de l’Italie. À Nice, nous avons fourni deux véhicules de terrain à l’ONG Section d’intervention Feux et Forêts. En Argentine, nous aidons à la mise en place de thérapies à l’aide de chevaux. À Los Angeles, nous avons récolté des fonds pour l’UCLA Medical Center de Santa Monica et au Japon nous avons présidé, avec Clotilde, un grand gala et un dîner de charité de cinq cents personnes, au mois de mai à Tokyo."
Clotilde est l'alliée précieuse du prince Emanuele Filiberto
Présente tout au long du week-end, la princesse de Venise aura été une alliée précieuse pour son époux: "Clotilde est là dès que son emploi du temps le permet. Elle est très impliquée dans nos oeuvres caritatives et ses conseils sont très importants pour moi. Ma responsabilité de président est parfois lourde à porter, je peux douter, me tromper sur mes choix et donc c’est essentiel de pouvoir échanger avec elle. Ma femme est une personne intelligente et très sensée. Elle est rationnelle, alors que moi je suis plus impulsif."
La princesse sourit au propos de son époux et se réjouit de cette complémentarité: "Je suis très heureuse de ces quinze ans d’échanges et parfois de divergences. Car au travers de ce dialogue, nous partageons des valeurs humaines et la même envie de tendre la main à ceux qui en ont besoin."

Ces principes, le prince et la princesse les ont transmis à leurs filles, Vittoria, 14 ans, et Luisa, 12 ans. "Elles sont très intéressées par les ordres dynastiques. Je leur apprends un peu l’histoire de l’Italie, mais elles sont encore un peu jeunes pour les cérémonies. Je fais très attention à les préserver. Le plus important ce sont les études. Nous vivons dans un monde difficile, elles ont besoin de bases solides. Ensuite, à leur majorité, elles feront ce qu’elles veulent, mais en attendant nous les protégeons. Pour vivre heureux dans ce monde où l’image, malheureusement, devient parfois trop importante pour les gens, il faut vivre caché."
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