Dans les montagnes du Rila chez Siméon de Bulgarie

Dans les montagnes du Rila, les terres de son enfance, Siméon II de Bulgarie passe les premiers jours de l’année avec ses enfants et petits-enfants venus des quatre coins du monde. En toile de fond de ces joyeuses retrouvailles, ses soixante ans de mariage avec la reine Margarita, vécus comme un petit miracle.

Par Fanny del Volta - 17 janvier 2022, 07h30

 Le roi Siméon II et la reine Margarita passent une partie de l’année dans leur résidence de Tsarska Bistritsa. Cette demeure érigée à la fin du XIXe  siècle est située à une heure de Sofia, dans le massif du Rila.
Le roi Siméon II et la reine Margarita passent une partie de l’année dans leur résidence de Tsarska Bistritsa. Cette demeure érigée à la fin du XIXe siècle est située à une heure de Sofia, dans le massif du Rila. © Dusko Despotovic

À une heure de Sofia, la neige tombe lentement sur Tsarska Bistritsa, enveloppant le parc d’une atmosphère ouatée. À perte de vue, les sapins en robe blanche ajoutent à la magie de l’instant. Entre deux arbres, une luge surgit, trop chargée pour gagner de la vitesse. Boris de Bulgarie, 24 ans, vient d’embarquer son frère Beltrán et leur cousin Umberto, tous deux 22 ans, pour une séance de glisse à l’ancienne : "Tout droit, fonce !" 

Malgré les encouragements de ses passagers, le petit-fils du roi maintient difficilement son cap, et évite de justesse la chute sous le regard amusé de ses grands-parents. "La dernière fois que nous nous sommes réunis, c’était en 2018", se souvient le roi Siméon en suivant les sportifs du regard. Son épouse, la reine Margarita, en anorak rose et bonnet rayé, prend son bras pour la promenade.

Les petits-enfants du roi Siméon
Les princes Boris, Beltrán et Umberto de Bulgarie font de la luge dans le parc de Tsarska Bistritsa. C’est là que certains petits-enfants du roi Siméon ont appris à skier. © Dusko Despotovic

Réunis pour le Nouvel An, ceux des enfants et petits-enfants qui ont pu faire le déplacement depuis Madrid, Londres ou Lausanne, ont fêté les 88 ans de la reine Margarita, le 6 janvier dernier. Puis viendra le temps de célébrer les noces de diamant du roi et de la reine, le 21 janvier. Pour Siméon II et son épouse, cet anniversaire, exceptionnel dans l’histoire d’une vie, est aussi et avant tout le prétexte de retrouvailles à Tsarska Bistritsa, cet ancien pavillon de chasse cher au cœur du roi. 

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Dans ce domaine perdu dans une vaste forêt, il galopait à cheval, enfant, avec sa sœur Maria-Luisa, ou partait pour de longues promenades en compagnie de son père, le roi Boris III. Les randonnées vers les plus hauts sommets du Rila oriental étaient alors l’occasion de camper, d’observer la nature. "C’est aussi à Tsarska Bistritsa que ma mère, la reine Giovanna, et moi avons reçu les nouveaux régents, après le coup d’État de 1944. J’ai alors compris que le monde changeait." Siméon II, le jeune tsar des Bulgares, n’a alors que 7 ans. Depuis la mort soudaine de son père, en 1943, il règne sous la régence de son oncle Kyril.

"Je suis redevenu le bon vieux roi après avoir été le vilain Premier ministre"

En septembre 1946, un référendum en faveur de la république marque le début d’un exil de cinquante ans pour la famille royale. "La Cour constitutionnelle nous a restitué plusieurs biens, dont Tsarska Bistritsa, en 1998. L’ancien palais de Vrana, à Sofia, a nécessité d’importantes restaurations. Ici, c’est différent. Le président Jivkov avait veillé à l’entretien du lieu car il aimait y passer du temps pour chasser." 

Dans une annexe de la propriété tourne encore un générateur hydraulique de 1912. De loin, la fanfare provoquée par les turbines et compresseurs ravit Siméon de Bulgarie. "Cette machine fonctionne à merveille et paraît tout droit sortie d’un roman de Jules Verne. On m’en a proposé une, dernier cri, pour exposer celle-ci dans un musée. J’ai bien entendu refusé !"

Le roi et la reine de Bulgarie posent pour des visiteurs
En promenade dans le parc, qui renferme encore une ancienne centrale hydraulique et la chapelle qu’ils ont fait construire, le roi et la reine posent pour des visiteurs. © Dusko Despotovic

À deux pas, sous son manteau neigeux, une chapelle attire le regard. "Nous l’avons fait construire au début des années 2000. Mon petit-fils, Siméon Hassan, y a été baptisé et j’y conserve les icônes qui m’ont été offertes : un Saint-Georges pour mes 80 ans, un Christ Pantocrator qui me vient de Viktor Ianoukovytch, lorsqu’il était Premier ministre de l’Ukraine, ou encore cet autre sauvé lors du soulèvement bulgare contre les forces ottomanes, en 1876."

En quittant le sanctuaire, une femme écarquille les yeux en reconnaissant Siméon II. Sans perdre un instant, elle sort de sa poche un téléphone portable et propose un selfie, bientôt imitée par d’autres visiteurs. Souriante, la reine Margarita prend plusieurs fois la pose et échange quelques mots avec de jeunes compatriotes, surpris de l’entendre parler un parfait bulgare. "Tu l’as appris quand tu m’aimais encore !", plaisante le roi. Il lui offre le bras pour poursuivre la promenade.

Le roi Siméon et la reine Margarita de Bulgarie célèbrent leur 60 ans de mariage.
Le couple royal, devant la chapelle de Tsarska Bistritsa, célèbre ses 60 ans de mariage. © Dusko Despotovic

Sur le chemin du retour, le couple royal est à nouveau sollicité pour des photographies. "Je suis redevenu, peu à peu, le bon vieux roi après avoir été le vilain Premier ministre", s’amuse l’ancien souverain. Chef du gouvernement entre 2001 et 2005, il ne cache pas sa fierté d’avoir vu son pays intégrer l’Union européenne peu après son mandat. "Étant donné l’histoire de la Bulgarie, il était important de l’arrimer à l’Union. Et en restaurant le palais de Vrana, j’ai souhaité créer un musée consacré à ce que nous appelons ici le Troisième Royaume, qui couvre la période allant de l’indépendance de 1878 à 1946. Les gens doivent comprendre qu’avant l’ère communiste, il existait une Bulgarie très européenne."

Tsarska Bistritsa, ce petit coin du monde où se créent des souvenirs en famille

Après leur longue marche, Margarita et Siméon de Bulgarie s’installent devant la cheminée monumentale du salon et savourent un Earl Grey de chez Ahmad Tea. Les princes Boris, Beltrán et Umberto, se concentrent sur un puzzle de 450 pièces, activité reposante après les pistes verglacées de Borovets, la station voisine, qu’ils viennent de dévaler à ski avec leur cousine, la princesse Olimpia. Pour chacun d’eux, Tsarska Bistritsa est devenu ce petit coin du monde où ils peuvent se retrouver, se créer des souvenirs en famille. 

Le roi Siméon de Bulgarie et sa famille
Entourant le roi Siméon et la reine Margarita, la princesse Sofia, le prince Boris, la princesse Olimpia, le prince Beltrán, le prince Konstantin et le prince Umberto. © Dusko Despotovic

Boris et Beltrán, fils du défunt prince Kardam et de la princesse Miriam, vivent à Londres, où ils sont respectivement sculpteur et doctorant en sciences du climat. Olimpia, 26ans, fille cadette du prince Kyril et de Rosario Nadal, a travaillé plusieurs années à Paris comme coordinatrice de collection chez Celine et vient de s’installer à Madrid. Umberto, fils du prince Konstantin et de la princesse Maria, vient de terminer ses études en sciences, technologies et affaires internationales, à Washington. D’ici peu, il s’installera lui aussi à Londres, où il vient de signer un contrat avec une banque d’affaires. Et dans la salle à manger, sa sœur jumelle, la princesse Sofia, ne cesse depuis le matin de réviser les examens pour son dernier semestre à l’école hôtelière de Lausanne.

Umberto, Beltrán et Boris de Bulgarie à Tsarska Bistritsa en décembre 2021.
Umberto, Beltrán et Boris sont heureux de se retrouver autour d’un puzzle après une journée de ski. © Dusko Despotovic

Si tous les membres de la famille n’ont pu répondre à l’invitation du roi et de la reine, la princesse Kalina, comme les princes Kyril et Kubrat ont finalement réussi à se libérer à la toute dernière minute et seront de la fête. "Nous nous entendons tous bien et c’est incroyable d’être les témoins des noces de diamants de nos grands-parents", confie le prince Boris. Olimpia n’en revient pas de...

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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