Il y a la reconnaissance de paternité et ses conséquences juridiques. Ce sont elles qui ont animé les longs débats de la dernière audience de la cour d’appel de Bruxelles, ce jeudi 10 septembre. Depuis le communiqué délivré par les conseils d’Albert II, le 27 janvier 2020, chacun sait que le roi émérite a renoncé à contester les tests ADN démontrant qu’il est bien le père biologique de Delphine Boël. Comme il a renoncé à s’opposer devant la Cour à sa demande d’être reconnu comme son père légal. D’évidence, ce résultat-là est acquis et devrait être signifié par l’arrêt que prononcera la cour d’appel, le 29 octobre.
Maître Marc Uyttendaele, l’avocat de Delphine Boël, auprès de sa cliente, ce 10 septembre 2020 à la sortie de la dernière audience où ont été débattues les conséquences de la reconnaissance de paternité d’Albert II. © ABACA
"La seule chose qui compte est que la filiation soit établie. Le reste, ce sont des demandes plus marginales", précise maître Marc Uyttendaele, l’avocat de Delphine, contacté par Point de Vue. "Elles découlent de façon logique de la reconnaissance de paternité. Une fille est fondée à porter le nom de son père. En l’occurrence Saxe-Cobourg. Ce que Delphine souhaite, c’est ne pas être une enfant au rabais. Elle ne réclame pas le titre de princesse de Belgique comme j’ai pu le lire, elle demande à être traitée comme ses frères et sœur. Nous verrons ce que dira l’arrêt de la cour d’appel sur ce point, mais ils sont tous nés princes et princesse de Belgique. Et la Cour européenne des droits de l’homme ne fait plus la distinction entre les enfants nés d’un mariage ou en dehors. Dans le code civil belge, le terme d’enfant légitime n’apparaît même plus."
Delphine de Saxe-Cobourg, princesse de Belgique?
Alors? Delphine Boël pourrait bientôt devenir Delphine de Saxe-Cobourg, princesse de Belgique, simplement en signe de sa filiation. "Le seul point sur lequel il est possible qu’il y ait discussion est l’ordre de dévolution au trône. Mais la question demeure symbolique. Si Delphine devait devenir successible, elle le serait au 17e rang, derrière le prince Laurent et ses enfants. Concernant la dotation, il n’y a aucun débat. Elle est corrélée à des prestations au service de l’État et ne concerne en rien Delphine."
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Aux yeux de la partie adverse, cependant, la situation n’est pas aussi nette. Maître Alain Berenboom, avocat d’Albert II, considère que le choix du nom est davantage une question administrative que judiciaire et que Delphine aurait aussi la possibilité de prendre le patronyme de sa mère, Sybille de Selys Longchamps. Ce qui serait assez paradoxal après un aussi long combat pour la reconnaissance de sa paternité. Quant à la question du titre princier, maître Berenboom fait valoir l’arrêté royal de 2015 qui le réserve aux descendants du roi Philippe et aux enfants d’Albert II qui le portaient à cette date.
Le roi Philippe, le prince Laurent et la princesse Astrid, ici au palais avec la reine Mathilde, devraient avoir officiellement une nouvelle sœur le 29 octobre 2020, après l’arrêt de la cour d’appel.© Olivier Matthys/2019 WireImage/Getty Images
Tout dépendra là de l’interprétation de la cour d’appel et de son désir, ou non, de faire prévaloir le droit européen. "De l’encre d’imprimerie ne peut apporter l’affection d’un père mais de l’encre d’imprimerie peut rétablir la justice, assure Marc Uyttendaele. À défaut d’un père, Delphine veut de la justice. Nous espérions qu’à un moment une main serait tendue de la part du roi Albert, quelque chose qui ressemble à de la tendresse, à une réparation. Mais il n’a jamais osé croiser le regard de sa fille, ni celui des juges. Il n’a assisté à aucune audience et il a publié ce communiqué de janvier que je laisse chacun apprécier."
Un passage surtout en est glaçant: "Le roi Albert tient à faire observer que, depuis la naissance de Madame Delphine Boël, il n’a été mêlé à aucune décision familiale, sociale ou éducative quelconque relative à Madame Delphine Boël et qu’il a toujours respecté le lien qui existait entre Madame Delphine Boël et son père légal. Plus de quarante ans plus tard, Madame Delphine Boël a décidé de mettre fin à son lien légal et socio-affectif avec son père et de changer de famille…" Des mots comme une gifle, comme un rejet de plus. Sans appel. "Vous comprenez bien qu’il n’y a aucune raison de concéder quoi que ce soit, poursuit maître Uyttendaele. Pour une conciliation, il faut être deux."
Le roi émérite Albert II, ici en juillet 2020, a renoncé à contester les analyses ADN démontrant qu’il est le père biologique de Delphine Boël. © ALAIN ROLLAND/ IMAGEBUZZ/ BESTIMAGE
Une chose est sûre: si, au lieu de ce communiqué, le roi émérite avait alors fait les démarches administratives pour reconnaître sa fille, l’action en justice serait aujourd'hui éteinte. N’importe, la vérité est dite au grand jour, malgré une procédure aussi longue que douloureuse. "Elle reste blessée, mais habitée par le sentiment qu’à travers cette affaire qui ne ressemble à aucune autre la justice puisse apporter de l’espoir à tous les anonymes qui connaissent une situation identique."
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