Comment est née l’idée de ce documentaire consacré à Delphine de Belgique ?
Je connais Delphine depuis 2001. Je faisais un reportage pour la télévision flamande sur sa première exposition en Belgique. Un hasard complet puisque je travaille essentiellement sur l’Afrique centrale. C’était après le coup de fil d’Albert au cours duquel il a coupé les ponts. Elle voulait bien répondre aux questions sur son travail d’artiste mais à rien d’autre. J’ai respecté son souhait. Nous sommes restés en contact et nous sommes devenus amis. En 2018, il y a eu une telle pression sur elle pour qu’elle raconte sa version de l’histoire qu’elle m’a appelé et nous avons commencé à travailler. La condition était de ne pas diffuser le documentaire avant qu’elle ne donne son aval. Elle voulait d’abord que la situation se normalise avec sa famille et son père.
Qu’est-ce qui l’a finalement décidée à s’exprimer ?
Pendant toute sa vie, tout le monde a parlé d’elle et de son histoire… sauf elle. Elle n’a d’ailleurs su qu’à 17 ans qu’Albert était son père. Quand l’information est sortie en 1999, elle n’a pas parlé à la presse, elle a continué à protéger le roi. Même après 2001, elle a gardé le silence et cherché pendant douze ans à rétablir le contact avec lui. Elle voulait simplement qu’il dise publiquement qu’elle était sa fille. Pour ne plus être le mouton noir. Maintenant, c’est elle qui donne sa version de sa vie. Une fois pour toutes.
De quelle façon avez-vous conçu votre film ?
Ce n’est pas un documentaire objectif. Les intervenants sont Delphine et ses proches, d’où le titre, Delphine, mon histoire. Sans parler de tous les autres, j’ai eu trois jours entiers d’interview avec Delphine. Il n’y a pas de commentaire, seulement elle qui raconte face caméra. J’ai contacté le palais pour savoir si des collaborateurs, au courant de son histoire, voulaient s’exprimer. Le palais n’a pas souhaité participer mais les responsables ont répondu très poliment et n’ont pas montré d’opposition.
Que révélez-vous de nouveau ?
Il y a beaucoup de choses. Par exemple, le public n’avait pas connaissance de son anorexie. Elle avait 15 ans. Il y avait beaucoup de tension autour d’elle, qu’elle percevait, de plus en plus de gens savaient, sa mère était nerveuse, et s’était remariée avec Michael Anthony Rathborne Cayzer, ce qui a conduit Delphine à quitter Londres pour le château à la campagne de son beau-père. Elle était mal à l’aise, ce n’était pas sa vie. Et elle a développé cette anorexie vraiment grave. Au moment où sa mère lui a dit la vérité sur Albert, elle avait 17 ans, elle a été à la fois heureuse et soulagée. Parce qu’elle n’avait pas de contact avec son père officiel, qui était Jacques Boël, et elle connaissait Albert comme un très bon ami de sa mère, qui était toujours là. Alors elle a repris le cours de sa vie, vaincu l’anorexie.

Autre point que j’ignorais, quand Delphine avait 5 ou 6 ans, sa mère, Sybille, a créé une petite classe privée pour sa fille, avec une seule autre élève, pour cacher Delphine, parce qu’elle avait peur que des amies d’école, en venant chez elle, puissent reconnaître le prince Albert qui était souvent dans leur appartement d’Uccle. On apprend aussi que c’est le communiqué publié au nom du roi Albert, en 2019, après le test ADN, où il dit n’avoir jamais tenu le rôle de père auprès de Delphine, qui la pousse à demander le nom de famille et le titre. Pour cesser d’être considérée comme une enfant au rabais.
Quelqu’un a-t-il déjà vu le documentaire, au palais, avant sa diffusion ?
Oui. Le producteur, Tom De Baerdemaeker, a invité un responsable du palais à le visionner une semaine avant. Il m’a dit que cela s’était très bien passé. Nous y tenions pour qu’ils ne se sentent pas pris au dépourvu et qu’ils puissent constater qu’il n’y avait rien d’agressif dans ce que disait Delphine. Au contraire, il y a des éléments très positifs pour la famille royale. L’histoire se termine bien.
Selon vous, qu’est-ce qui ressort de la personnalité de Delphine dans le film ?
Son honnêteté. Son ouverture d’esprit. Elle a beaucoup souffert mais elle veut reconstruire et développer la relation avec son père et avec sa famille. C’est ce que je trouve touchant. Elle n’a pas eu une vie normale pendant cinquante-deux ans. Ce documentaire est une manière de solder ce passé douloureux pour repartir de zéro avec son père et ses frères et sœur. Ce qu’elle dit sur sa première rencontre avec le roi Philippe est très beau.
Tout comme ce qu’elle dit sur ses retrouvailles avec son père…
C’est vrai. Elle s’est rendue à l’invitation d’Albert II sans rien en attendre. Et dès qu’elle l’a vu, elle a senti ce lien filial, qu’elle croyait brisé, bien vivant en elle. Bien vivant en lui aussi. Comme s’ils s’étaient quittés la veille. Pour elle, c’était un moment magique. Au contraire de ce que j’ai lu dans certains articles, ce n’était pas artificiel mais très profond. De part et d’autre. D’ailleurs, le roi Albert a téléphoné à Delphine très vite après la rencontre pour lui dire combien il en avait été heureux. Qu’ils allaient continuer à se voir, et qu’il allait rencontrer ses petits-enfants, Joséphine et Oscar, qui allaient eux-mêmes connaître leurs cousins.
Croyez-vous que certains puissent reprocher à Delphine de nuire à l’image de la famille royale avec ce documentaire ?
Ce serait injuste. Elle reste très respectueuse. Elle n’attaque jamais la famille royale. Ce qu’elle dit, au contraire, réhabilite le roi Albert. Elle dit qu’elle reconnaît chez lui beaucoup de son caractère à elle.
Que voudriez-vous que l’on retienne de ce film ?
Que Delphine est une femme comme tout le monde. Elle ne voulait pas être princesse, elle voulait juste l’amour de son père. Être la fille du roi a beaucoup compliqué les choses. Pour elle. Et peut-être pour lui.
Delphine, mon histoire, une série documentaire de Chris Michel, produite par Warner Bros ITVP Belgique, trois épisodes de 52 min diffusés à la suite, le 12 janvier 2022 à 19h40 sur RTL-TVI. Et en série hebdomadaire sur la VRT, à partir du 12 janvier 2022 à 20h40.
Connectez-vous pour lire la suite
Profitez gratuitement d'un nombre limité d'articles premium et d'une sélection de newsletters
Continuer
Un journalisme d’excellence, des contenus exclusifs, telle est la mission de Point de Vue. Chaque article que nous produisons est le fruit d’un travail méticuleux, d’une passion pour l’investigation et d’une volonté de vous apporter des perspectives uniques sur le monde et ses personnalités influentes. Source d’inspiration, notre magazine vous permet de rêver, de vous évader, de vous cultiver grâce à une équipe d’experts et de passionnés, soucieux de porter haut les couleurs de ce magazine qui a fêté ses 80 ans. Votre abonnement, votre confiance, nous permet de continuer cette quête d’excellence, d’envoyer nos journalistes sur le terrain, à la recherche des reportages et des exclusivités qui font la différence tout en garantissant l’indépendance et la qualité de nos écrits. En choisissant de nous rejoindre, vous entrez dans le cercle des amis de Point de Vue et nous vous en remercions. Plus que jamais nous avons à cœur de vous informer avec élégance et rigueur.