Pour ses clients, Franz Potisek sait voir grand. En ce moment, il travaille à la décoration d’un château dans le Perche et à des maisons à Londres et dans les coteaux du Lyonnais. Pour lui, il a vu plus petit, mais harmonieux, au 6e étage d’un immeuble du XIXe siècle de caractère comme on les trouve aux abords des Grands Boulevards. "En trois ans de recherche, rien ne me plaisait. Ici, j’ai tout de suite aimé la vue sur les toits, la lumière qui vient de partout, la fluidité de la circulation", raconte-t-il en faisant les honneurs de l’appartement.
Un style avec un "mélange de conformisme et de décontraction"
À son arrivée, tout nécessite rénovation, mais pas la distribution des pièces qui lui convient. Restait à jouer avec la notion de décor qui fait sa marque de fabrique. "Mon style est très français, un mélange de conformisme et de décontraction. Nous sommes les héritiers de Louis XIV. Le grand genre est important, l’organisation aussi tout en sachant s’en libérer", précise-t-il.
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Qui dit grand genre, dit boiseries, que Franz Potisek injecte dans ses projets comme ici dans le salon et la salle à manger, en les rehaussant de couleurs. "Elles permettent d’agrandir les murs. Je leur donne au minimum deux nuances et peux aller jusqu’à quatre, en faisant les mélanges moi-même en fonction de l’apport de lumière naturelle", ajoute-t-il.
L’entrée éclairée d’une grande fenêtre ouverte à l’ouest affiche un esprit joyeux avec son parquet façon carrelage à cabochons et un tissu rose à fleurs tendu aux murs. "La couleur apporte la fantaisie à l’espace le plus formel. C’est la deuxième règle de base de mon travail", précise-t-il encore. Sous la référence Hialta, il a imaginé ce motif, ainsi qu’une dizaine d’autres plus fleuris encore, vendus au mètre dans le département "Tissus choisis par Casa Lopez" des boutiques de son ami Pierre Sauvage.

Depuis une quinzaine d’années, ce dernier compte parmi les fidèles du décorateur. "Il m’arrive de travailler pour trois générations d’une même famille", se réjoui-t-il, reconnaissant voir souvent la vie du bon côté, un bienfait qu’il attribue aux origines picardes de sa mère.
Au fil de rencontres décisives, il se met à la décoration
Il porte pourtant un nom à consonance tchèque, celui de son père arrivé de sa Slovénie natale en France en 1929. À Dunkerque plus précisément, où il devient tailleur pour hommes, comme son père avant lui. Avec son épouse, il ouvrira finalement dans les années 1950 un hôtel-restaurant à Cassel, dans les Flandres. Le cadre classique a sûrement guidé le goût de Franz, petit dernier d’une famille de dix enfants, comme la visite de Versailles et la lecture d’un article sur le château de Groussay décoré à la fin des années 1930 par Emilio Terri, l’un de ses maîtres.

Il est venu à la décoration de façon naturelle, au fil de rencontres décisives. Celle du styliste Jean-Marc Sinan qui lui confie l’aménagement d’une boutique place des Victoires, avant que tout s’enchaîne. Celle de Stéphane Deschamps, comme son deuxième père, discret antiquaire de la rue Guénégaud, spécialiste des arts décoratifs du XXe siècle, chez qui passaient Pierre Bergé, Andy Warhol et Karl Lagerfeld.

Les décorateurs François de Marigny et Jean Hourcade cherchent un assistant, Franz Potisek le sera pendant dix-huit mois, avant de monter son bureau dans le IXe arrondissement parisien. Le Xe n’est donc pas loin à pied, ce qui lui permet de se retrouver rapidement dans ses meubles. Dans le salon, ils sont même signés de sa main comme la console en chêne et placage d’aluminium inspirée de la villa Kérylos ou la paire de fauteuils à oreilles en veau velours disposés de chaque côté de la cheminée. Beaucoup de sculptures ont trouvé leur place sur les meubles ou fixés aux murs. "Plus que les tableaux, confie-t-il, la sculpture permet de mélanger les époques sans heurts."

Doué pour les mélanges détonants, mais soucieux d’éviter l’accumulation, il s’est fixé une règle d’or : "Une chose entre, une autre part." Dans sa chambre, les murs sont tendus d’un autre de ses tissus, référence Neville Roses : de grosses roses jaunes lumineuses sur fond bleu pâle. "Plus flaubertiennes que proustiennes, précise-t-il. Il y a trop de snobisme chez Proust. Moi, je ne le suis pas du tout. J’ai gardé ce côté Nord. D’ailleurs, on dit content comme un Dunkerquois." Tant mieux pour ses clients qui aiment pouvoir compter sur lui pour insuffler de la bonne humeur à leur intérieur.
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