"Finalement, je suis un collectionneur de collections, reconnaît d’emblée Lorenz Bäumer en ouvrant la porte du grand appartement familial parisien. J’ai dans la tête un musée imaginaire dont les œuvres m’accompagnent chaque jour de ma vie. Ce musée ne comporte aucun département. Tableaux, sculptures, architecture et paysages, livres, voyages, installations, meubles, photographies, bijoux s’y côtoient sans hiérarchie. Ils sont toujours disponibles pour converser avec moi", poursuit le joaillier de la place Vendôme, qui célèbre cette année trente ans de métier et tout autant d’achats compulsifs. Son épouse Géraldine et lui ont emménagé dans ce vaste univers haussmannien du quartier de l’Opéra à la naissance de leur premier fils, il y a seize ans.
L’entrée de belle taille annonce la couleur avec une série de portraits par Philippe Pasqua. Ce sont les enfants de la maison : Arthus, 16 ans, Carl, 15 ans et Alina, 11 ans aujourd’hui, bercés depuis toujours par cette atmosphère forte et inspirée. Entre deux portemanteaux Astrolabe de Roger Féraud, un crâne de crocodile d’eau douce menace sans crainte de ses dents pointues la petite famille. Hors champ, des œuvres emballées s’entassent contre les boiseries, sans que l’on sache si elles attendent leur tour d’accrochage ou un départ pour la salle des ventes.

"J’achète seul le plus souvent, en passant voir les amis galeristes, où que je sois, à vrai dire. Je suis toujours à la merci d’une œuvre, le plus souvent figurative, qui ait du sens à mes yeux, sans idée de spéculation. Soit l’objet rentre après être passé sous le très bon œil de Géraldine, soit il se cache derrière le canapé. Je n’en suis que le dépositaire. Quand le dialogue se tait, il est temps de passer à autre chose."

D’ailleurs, Lorenz Bäumer s’est décidé à se séparer d’une partie de ses collections. Madame est pour, même si elle regrette déjà qu’il n’y ait que cent lots ! La vente organisée par Sotheby’s se tiendra en ligne du 11 au 17 mai. De quoi faire de la place et susciter, on s’en doute, de nouvelles acquisitions.

Car chez lui, ces séries d’objets sont vues comme des "moteurs intellectuels", participant au processus créatif de la joaillerie et d’autres choses, comme tout récemment un service d’assiettes en porcelaine de Sèvres peint de qualificatifs "fleuris" propres à animer les plans de table.

Son enfance compte aussi, marquée par la double culture de ses parents, entre un père allemand, diplomate qui entraîne sa famille de Tel-Aviv à Montréal, en passant par Vienne et la Jordanie, et une mère française, passionnée par la couture et les arts décoratifs. "Ces différentes affectations ont forgé en moi une bonne capacité d’adaptation et une curiosité insatiable. Je suis confortable avec le chaos."
Lorenz Bäumer a créé le diadème de mariage de Charlène de Monaco
Bon fils, il est sorti de Centrale en 1988, spécialisation "Innovation, conception, production". Le voilà ingénieur de haute volée, prêt à foncer vers ce qui lui plaît le plus : les bijoux ! Ils sont fantaisie dans un premier temps, sous la marque Lorenz. Et de plus en plus précieux, jusqu’à l’ouverture en 1994 de salons à son nom sur la place Vendôme. Pour les maisons Chanel et Louis Vuitton, il a déjà dessiné des collections de haute joaillerie. En 2011, le prince Albert de Monaco lui passe une commande secrète.

Le soir de son mariage, la princesse Charlène arbore "Écume de diamants", diadème magnifique de simplicité et d’élégance évoquant le mouvement de la mer. Une passion partagée entre la grande nageuse et lui, le surfeur qui s’envole chaque été avec sa tribu pour braver les vagues des îles indonésiennes de Sumba ou Florès. Là-bas, il en profite pour compléter sa collection d’épées et de marionnettes, qui voisinent à Paris avec des sculptures d’Alexandre Noll et des vanités chinées au gré des maraudes.

À l’image du diadème de Charlène de Monaco, Lorenz Bäumer aime créer des bijoux qui racontent des histoires, sans se prendre au sérieux. Ses lignes s’intitulent Pense à moi, Battement de cœur, À la folie… La passion n’est jamais loin. Beaucoup de modèles explorent les lois de la physique tels des mobiles à l’équilibre savamment trouvé grâce à l’esprit de l’ingénieur.

Et celui du créateur se retrouve aussi dans l’appartement avec la table basse en verre, éclairée de Leds, ou avec des dessins accrochés dans le couloir qui mène aux chambres des enfants, elles aussi réquisitionnées, pour accueillir une bibliothèque Carlton d’Ettore Sottsass par exemple. "Petits, ils n’ont jamais rien cassé, et commencent déjà leur propre collection", se réjouit le père de famille. Pour un moment, l’appartement va leur sembler presque vide. Combien de temps ? Dieu seul le sait.

Bäumer Vendôme 19, place Vendôme, Paris 1er.
Vente en ligne du 11 au 17 mai 2022 sur www.sothebys.com.
Exposition des lots du 11 au 14 mai 2022 chez Sotheby’s, 76, rue du Faubourg-Saint-Honoré, Paris 8e.
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