Charles de Vilmorin, le nouvel enfant prodige de la mode

À peine sorti de l’École de la chambre syndicale de la couture, le voici lancé dans le monde de la mode avec une marque à son nom. À 23 ans, le lointain petit-cousin de Louise de Vilmorin avance à l’instinct, armé d’un talent naturel et d’un sacré toupet.

Par Marie-Eudes Lauriot Prévost - 16 novembre 2020, 07h45

 Charles de Vilmorin au milieu des blousons pop qui lui valent aujourd'hui un franc succès. Son premier défilé est prévu pour janvier.
Charles de Vilmorin au milieu des blousons pop qui lui valent aujourd'hui un franc succès. Son premier défilé est prévu pour janvier. © David Atlan

Les couleurs claquent, cœur rouge sur fond jaune, profil d’éphèbe bleu dur détaché sur fond noir, fleurs vertes et cœurs jaunes encore sur emmanchures surdimensionnées, motifs qui se rejoignent de part et d’autre d’une fermeture Éclair dans une symétrie maîtrisée.

Il y a un effet proche de la sculpture dans les blousons en toile de parachute surpiquée qui composent la première collection signée Charles de Vilmorin. On peut y voir un hommage à Niki de Saint Phalle ou à Jean-Charles de Castelbajac, deux de ses références.

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Une poignée d’initiés l’ont découverte le 30 avril 2020 sur une publication de son compte Instagram. Aussitôt repérée et relayée par d’influents spécialistes de la mode, elle a provoqué un bel intérêt à travers le monde. "À vrai dire, tout était prêt dès le début du mois de mars. Là-dessus patatras, le confinement. J’ai bouillonné, travaillé, peaufiné encore et je me suis lancé, tandis que tous passaient leur temps sur les réseaux sociaux. Finalement, ça m’a porté chance", raconte ce jeune homme de 23 ans avec une simplicité qui fait plaisir à voir, sous des airs à peine travaillés d’Yves Saint Laurent à ses débuts.

Charles crée sans patron, à l’instinct

En six mois, le voilà en piste, répondant aux commandes et dessinant ses futures collections entre Paris et une province avoisinante où il a grandi, dans l’atelier investi chez ses parents. On le retrouve là-bas, installé à sa table de travail, la tête sur les épaules.

"J’ai autant besoin du calme d’ici que de l’agitation parisienne. Plutôt solitaire, je travaille la nuit en compagnie de musique et de films aux dialogues légers, ceux de Cédric Klapisch ou de François Ozon. Étudiant, il m’arrivait souvent de louper les cours du matin, mais je finissais toujours par retomber sur mes pieds", raconte-t-il dans un sourire.

Charles, plutôt que de commencer un vêtement en partant d'un patron, préfère puiser son inspiration dans ses dessins. © David Atlan
Charles, plutôt que de commencer un vêtement en partant d'un patron, préfère puiser son inspiration dans ses dessins. © David Atlan

Aîné d’une fratrie de cinq, il est élevé dans une famille unie, avec une mère artiste-peintre et professeur de dessin et un père financier dans le prêt-à-porter. "Enfant, je m’imaginais devenir metteur en scène de théâtre. Dès le mois de septembre, je pensais déjà au spectacle que nous ferions l’été suivant chez mes grands-parents, en Dordogne. Je peignais les décors au dos d’affiches de cinéma, je créais les costumes et entraînais mes cousins dans l’aventure." 

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La mode trotte déjà dans sa tête de collégien puisqu’il se débrouille pour faire son stage d’observation d’élève de troisième chez Lanvin, époque Alber Elbaz –l’un de ses modèles–, maître dans l’art de faire vibrer la couleur. On lui confie un petit Stockman et des chutes de tissus pour créer à son tour.

Une ascension fulgurante 

Charles de Vilmorin se présente à l’École de la chambre syndicale de la couture parisienne, admis aussitôt pour quatre ans d’études dans la section maille, une formation complète qui lui permet aujourd’hui de réaliser ses prototypes de A à Z. "Je n’aime pas passer par l’étape de la toile, du patron. Cela me frustre. Je préfère me lancer à l’instinct, partant par exemple du dessin d’un cœur pour mes premiers blousons, puis tout s’enchaîne." 

Projet de fin d’étude, ces blousons extravagants vont être sa chance. "Septembre arrive, je prends trop de temps au goût de mes parents pour trouver un stage. Lorsqu’un mail tombe dans ma boîte: un collectionneur veut acheter tous les prototypes, une dizaine. Cela rapporte suffisamment d’argent pour me permettre de lancer une première collection, celle de mars qui est finalement sortie en avril", poursuit Charles.

Dans l’atelier qu’il partage en province avec sa mère artiste-peintre, Charles dessine les motifs de fleurs qui composeront les tissus de sa prochaine collection Flou. © David Atlan
Dans l’atelier qu’il partage en province avec sa mère artiste-peintre, Charles dessine les motifs de fleurs qui composeront les tissus de sa prochaine collection Flou. © David Atlan

Depuis, les commandes s’accumulent, il faut surveiller la fabrication, expédier et répondre aux autres sollicitations, comme ce clip qu’il a réalisé pour la chanteuse Laurie Darmon ou un autre avec Lou Doillon, qu’il a costumée.

Fin octobre 2020, il a dévoilé ses premiers modèles Flou, des ensembles pantalon-chemise aux lignes amples pour mieux laisser la parole à ses motifs exclusifs de fleurs échevelées. «En ce moment, j’en mets partout. Avant, j’ai eu ma phase monstres. Ce qui ne change pas, ce sont les femmes que je dessine, toujours avec des oreilles pointues, comme des elfes", illustre-t-il de sa main ornée de la chevalière de son grand-père Yves de Vilmorin, disparu il y a dix ans.

Celles qu’il aimerait habiller sont intrépides, forcément. Comme sa lointaine parente Louise de Vilmorin, cousine de son grand-père, poète, écrivaine et femme du monde? "Bien sûr! J’adore son audace et nous partageons un nom évocateur d’histoires." Celle de Charles ne fait que commencer.

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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