Nous sommes le 20 octobre 2018. Les invités de la soirée de gala du mariage de la duchesse Sophie de Wurtemberg et du comte Maximilien d’Andigné arrivent les uns après les autres au château de Tegernsee. Chacun d’entre eux s’arrête devant les photographes. Le spectacle en vaut la peine. "Tenue de soirée et diadème si possible", précisait le carton d’invitation.
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La duchesse en Bavière porte des diamants. La duchesse Philippe de Wurtemberg, mère de la mariée, est parée des rubis d’une grand-tante. Mais celle qui attire tous les regards est la princesse de Waldburg-Zeil, la tante de la mariée. Elle est "couronnée" d’un volumineux diadème de perles poire et de diamants. Le bijou est un mythe. Il date du début du XIXe siècle et a été créé pour une princesse d’Angleterre, née au XVIIIe siècle: Augusta de Hesse-Cassel (1797-1889).
Un bijou créé pour Augusta de Hesse-Cassel, duchesse de Cambridge
En 1818, cette princesse épouse le duc de Cambridge, un des fils du roi fou d’Angleterre, George III. Et c’est sans doute à cette occasion que ses parents lui offrent un éblouissant diadème de perles poire et de diamants créé par un joaillier allemand dont nous ne connaissons pas le nom. Elle le portera au couronnement de sa nièce Victoria et tout au long de sa vie. À sa mort en 1889, le bijou retourne en Allemagne puisqu’il est transmis à sa fille aînée, la princesse Augusta de Cambridge, grande-duchesse de Mecklembourg Strelitz.
En 1899, celle-ci l’offre à son tour à sa petite-fille, la princesse Jutta de Mecklembourg-Strelitz (1880-1946), à l’occasion de ses noces avec le prince héritier de Montenegro. Ce mariage inhabituel entre un prince orthodoxe, dont le royaume est récent, et une princesse protestante, descendante des rois d’Angleterre, a été facilité par le kaiser Guillaume II qui souhaite promouvoir l’influence allemande dans les Balkans. La famille de Jutta se remet difficilement d’un scandale récent. Un an plus tôt, sa sœur aînée, Marie, a eu un enfant avec un des domestiques du château paternel.
Dix-neuf ans plus tard, à l’issue de la Première Guerre mondiale, le royaume de Montenegro est absorbé par la Yougoslavie. Les princes héritiers du Monténégro sont exilés en France. Lui mourra en Indochine, juste avant la Seconde Guerre mondiale. Elle s’installera en Italie, sous la protection de sa belle-sœur, la reine Hélène. Elle mourra à Rome en 1946. Le diadème de sa grand-mère a été vendu dans les années 1920.
En 1988, il ressurgit chez Christie’s à Genève. Et c’est là qu’il est acheté par feu le prince de Waldburg-Zeil qui l’offre à son épouse, la princesse Marie-Gabrielle de Bavière. Celle-ci connaît ce type de bijou depuis son enfance. En effet, sa famille en possède un exemplaire extrêmement similaire. Quatre autres versions au moins de ce bijou existent en Europe.
Au moins quatre versions de ce diadème de perles et diamants existent
La première, sans doute créée par le même joaillier allemand, a appartenu à la princesse Amélie d’Oldenbourg (1818-1875) épouse du prince Otto de Bavière qui deviendra le premier roi de Grèce. Le couple étant mort sans enfants, leurs biens, y compris leurs bijoux, sont transmis à leurs neveux. Le diadème de perles et de diamants sera ainsi porté par plusieurs générations de reines de Bavière. La dernière à s’en parer dans les années 1930 sera la princesse Antonia de Luxembourg, seconde épouse du prince héritier de Bavière, Ruprecht.
Une deuxième version, ayant appartenu au XIXe siècle aux princes Youssoupov, a disparu dans les secousses de la Révolution russe. Une troisième, plus petite, fut la propriété de la princesse Marie Immaculée de Bourbon-Siciles, princesse Georges de Saxe.
Une quatrième fut créée en 1913, à la demande de la reine Mary de Grande-Bretagne. Ce bijou appartient aujourd’hui à la reine Élisabeth II. Il a été porté par la princesse Diana et aujourd’hui par Catherine, duchesse de Cambridge.
Le diadème original a-t-il passé 70 ans en Inde?
Ce jeu des diadèmes musicaux se complique encore avec un portrait, sans doute pris à la fin des années 1930, de la maharani Mehtab Kaur de Patiala (1922-2017). Vêtue d’un sari on ne peut plus traditionnel, elle porte dans sa chevelure un diadème de perles poire et de diamants qui est la copie conforme de celui de la duchesse de Cambridge.
En comparant attentivement ce portrait et celui de la princesse de Waldburg-Zeil, prise récemment à Tegernsee, force est de constater que les deux bijoux sont très semblables. Et après tout… Peut-être n’en font-ils qu’un.
Le diadème bavarois et celui de la reine Mary n’ont pas quitté leurs familles respectives. Le diadème Youssoupov n’existe plus. Le diadème de la princesse de Saxe est beaucoup plus petit. Entre la vente par la princesse héritière de Montenegro dans les années 1920 et sa réapparition chez Christie’s en 1988, le diadème de la première duchesse de Cambridge a disparu pendant près de soixante-dix ans. Peut-être a-t-il tout simplement passé ces décennies dans le trésor des maharadjahs de Patiala.
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