Depuis des semaines, les paris étaient ouverts! Quelle robe? Quel voile? Quel diadème portera Meghan Markle le jour de son mariage avec le prince Harry? Stella McCartney, Alexander McQueen et Givenchy étaient les trois noms qui revennaient le plus souvent pour la robe. Le voile sera assurément orné de dentelles appartenant à la famille royale qui en possède tant. Quant au diadème, les candidats ne manquaient pas.
Le plus fréquemment cité était celui en roses de diamants que le comte de Strathmore avait offert à sa fille, lady Elizabeth Bowes-Lyon, en 1923, à l’occasion de son mariage avec le prince Albert de Grande-Bretagne, duc d’York et futur roi George VI. Devenue reine, puis reine mère, Elizabeth a très peu porté ce bijou après la Seconde Guerre mondiale, mais elle l’a prêté plusieurs fois pour des expositions. À sa mort, en 2002, il est revenu à la reine Élisabeth II. Ni trop gros, ni trop petit, ancien mais sans avoir appartenu à une longue lignée de souverains, ce bijou est parfait pour une jeune femme moderne qui entre dans la famille royale la plus célèbre du monde. En tant qu’épouse d’un second fils, Meghan portera souvent un diadème, mais il est préférable que le sien ne soit pas trop royal.
La jeune femme réussit à monter dans la voiture qui la conduit à la chapelle St George du château de Windsor sans que personne ne puisse briser aucun des trois secrets. Durant le trajet, on aperçoit derrière les fenêtres des éclairs de diamants sous son voile. À son arrivée devant les marches de la chapelle, le communiqué officiel du palais de Buckingham est tombé. La robe et le voile sont signés Givenchy par Clare Waight Keller.
Le diadème est bien un bijou de la famille royale, mais il n’a pas appartenu à la reine mère. Il provient de sa belle-mère, la reine Mary (1867-1953), dont la collection de joyaux fut l’une des plus fastueuses du XXe siècle.
"Queen Mary" aimait le faste et ses symboles, notament en matière de joyaux
Tout a été dit, et écrit, sur "Queen Mary"! Le meilleur et le pire. Certains, à commencer par son fils aîné, le duc de Windsor, lui ont reproché sa dureté, sa rapacité –elle aurait été kleptomane–, son avarice. Ne faisait-elle pas resservir à la table royale, les soirs de dîners intimes, les fonds de carafes du vin servi lors des soirées de gala afin de faire des économies? N’avait-elle pas profité de la révolution russe pour dépouiller de leurs bijoux, et à vils prix, les cousines Romanov de son époux le roi George V, qui s’étaient réfugiées en Angleterre après le drame?
Cette dernière anecdote illustre à quel point la reine Mary a été vilipendée à tort. La publication, il y a une vingtaine d’années, des archives d’un joaillier londonien chargé de négocier les bijoux de la mère du tsar Nicolas II après sa mort, l’a totalement innocentée. Les documents établissent clairement, non seulement que la reine Mary a payé les joyaux qu’elle avait acquis à leur juste prix, mais en outre, ils prouvent qu’elle a plusieurs fois acquitté des montants plus élevés pour arranger discrètement les deux filles de la tsarine défunte.
Une chose est certaine "Queen Mary" aimait le faste et ses symboles. Elle accumulait volontiers plusieurs colliers de diamants qu’elle portait en parure, sur son décolleté. Son record personnel semble avoir été établi à l’occasion du mariage de la princesse Victoria-Louise de Prusse, fille unique du kaiser Guillaume II, en 1913.
Ce jour-là, la reine d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande, impératrice des Indes et du Canada, arbore un diadème, six broches, deux bracelets et neuf rivières de diamants. Pour parachever le faste de sa toilette, elle porte les deux diamants Cullinan, numéros III et IV, qui lui ont été offerts par le gouvernement d’Afrique du Sud.
Les diadèmes faisaient partie de son uniforme quotidien. Tous les soirs, elle en portait un lors du dîner, même lorsqu’il se déroulait en tête à tête avec le roi. Elle en a sans doute possédé ou arboré une bonne vingtaine. Sans compter les joyaux appartenant à la couronne, qu’elle transmit à sa belle-fille à la mort de son époux le roi George V en 1936, et les bijoux qu’elle offrit tout au long de sa vie à sa fille, ses nièces et ses trois belles-filles, elle disposait encore d’une bonne douzaine de ces bijoux à sa mort, en 1953. Dix étaient sertis de diamants, deux étaient ornés de perles et de diamants. Un seul comportait des pierres de couleur: un opulent diadème de cercles en diamants dont les pendentifs en perles pouvaient se remplacer par des émeraudes.
La reine Victoria trouvait la princesse Mary sérieuse et très accomplie
Fille de la princesse Mary de Cambridge et du duc de Teck, un prince issu d’une branche morganatique de la maison royale de Wurtemberg, Mary de Teck était née à Londres, au palais de Kensington, en 1867. En dépit de son ascendance, elle avait vécu toute sa jeunesse dans une misère dorée. En 1883, les Teck qui jouissaient d’une fortune médiocre, avaient même dû fuir l’Angleterre pour s’établir durant deux années à Florence. Le temps de régler une partie de leurs créanciers. Pourtant, en dépit de sa situation financière souvent délicate, la duchesse de Teck avait toujours refusé de vendre son seul patrimoine: sa collection de bijoux.
Son mariage providentiel en 1893, avec le duc d’York, petit-fils de la reine Victoria et futur héritier de la Couronne avait offert à la princesse Mary une sécurité dont elle avait rêvé durant toute sa jeunesse. Cette couronne d’Angleterre avait d’ailleurs bien failli lui échapper au dernier moment.
Fiancée au fils aîné du prince de Galles, le duc de Clarence, elle était quasiment devenue veuve avant son mariage. Son futur époux était en effet mort d’une mystérieuse maladie quelques mois avant leur union. La reine Victoria, souveraine extrêmement pragmatique, n’avait pas souhaité renoncer à cette jeune princesse qu’elle trouvait sérieuse et très accomplie. Aussi avait-elle suggéré qu’on la fiance une seconde fois avec le frère cadet du défunt, le futur George V. Le mariage avait été célébré le 10 juillet 1893 dans la chapelle du palais de St James à Londres.
Le "diadème du Durbar de Delhi", le plus imposant de la collection royale britannique
La nouvelle duchesse d’York avait reçu à cette occasion une bonne centaine de bijoux parmi lesquels figuraient quatre diadèmes de diamants, un en perles et diamants et un autre en turquoises et diamants. Juste avant la Première Guerre mondiale, Mary devenue reine, avait ajouté deux pièces importantes à sa collection.
La première avait été commandée au joaillier Garrard en 1910, en prévision du voyage que les souverains britanniques s’apprêtaient à faire en Inde. Connu sous le nom de "diadème du Durbar de Delhi", ce bijou est l’un des plus imposants de la collection royale britannique. À la disparition de la reine Mary en 1953, il fut légué à la reine mère et depuis la mort de cette dernière, Élisabeth II en a hérité. Elle l’a mis à la disposition de la duchesse de Cornouailles qui ne l’a porté qu’une fois.
En 1913, la fabrication d’un second bijou avait été confiée au même Garrard. La reine Mary avait souhaité préserver le souvenir d’un bijou de famille. Sa grand-mère maternelle, la duchesse de Cambridge, possédait un très beau diadème de perles poire et de diamants. À sa mort en 1889, le bijou avait été attribué à sa fille aînée, la grande-duchesse de Mecklembourg-Strelitz.
Déçue par ce partage, la reine Mary devait décider vingt-quatre ans plus tard de faire copier ce bijou. Il est transmis à sa petite-fille Élisabeth II qui l’a porté durant quelques années. Par la suite il a été attribué à la princesse Diana et, depuis 2011, à sa belle-fille qui porte le titre très approprié pour ce bijou de duchesse de Cambridge.
Le diadème de la grande-duchesse Wladimir de Russie
Un troisième diadème, très symbolique, parvient dans l’écrin de la reine Mary au lendemain de la Première Guerre mondiale. Les bijoux russes inondent alors le marché des pierres précieuses. La mère du tsar Nicolas II n’est pas la seule à avoir réussi à sauver une partie de ses joyaux de la révolution. Ceux de sa belle-sœur, la grande-duchesse Wladimir ont été envoyés à Londres par un diplomate britannique qui est sans doute aussi un peu espion.
Albert Stopford s’est introduit la nuit au palais Vladimir et a vidé le coffre-fort de la grande-duchesse qui s’était déjà réfugiée dans le Caucase. Il réussit à faire sortir les bijoux de Russie au nez et à la barbe des autorités soviétiques. Il emporte aussi deux taies d’oreiller dans lesquelles il a entassé, à la hâte, les nombreux étuis à cigarettes en or et pierres précieuses de la grande-duchesse. Abrités lors d’une étape dans un coffre de la Banque nationale suédoise, ces objets y resteront quatre-vingt-dix ans. Avant d’être redécouverts à l’occasion d’un inventaire général en 2008.
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