À peine guéri de la Covid-19, en septembre dernier, Donald Trump est rentré de l’hôpital comme on revient d’une campagne victorieuse: altier. Un temps, le président avait même imaginé arracher les boutons de sa chemise depuis le balcon de la Maison Blanche, pour découvrir son torse habillé d’un teeshirt de Superman… Finalement, la mise en scène a été moins théâtrale.
Débarqué sur les pelouses par hélicoptère, il a regagné sa demeure d’un pas cadencé, avant d’envoyer un salut militaire à l’appareil qui repartait. Un tableau de plus à ajouter à la légende du lieu. Si on ne sait pas encore qui de Donald Trump ou de Joe Biden habitera au 1600 Pennsylvania Avenue, Washington D.C., pour les quatre prochaines années, on sait déjà que s’y écriront de nouvelles pages du destin des États-Unis.
Une résidence au destin unique
Presque autant que les présidents qui s’y sont installés, la résidence à colonnade incarne depuis sa construction, en 1792, le rêve américain et la grandeur d’une nation devenue la première puissance mondiale. Mais ce bâtiment, l’un des plus visités et filmés du pays, renferme encore bien des mystères.
Dans son ouvrage Le Manoir*, Maurin Picard, correspondant du Figaro, raconte "le marché du siècle" passé entre Thomas Jefferson et ses compagnons d’armes, James Madison et Alexander Hamilton. Ensemble, ils décident d’une nouvelle capitale fédérale, qui ne sera plus New York mais Washington, sur les rives du Potomac. "Les pères fondateurs héritent d’un lieu foncièrement insalubre, juché sur les rives d’un fleuve indomptable et enclavé dans les terres intérieures. Le cadre s’avère plus qu’imparfait pour l’érection d’une cité administrative, plus encore d’une capitale appelée à jouer un rôle mondial", résume le journaliste.

Pour la résidence du chef de l’État, le style néoclassique s’impose. La façade couleur crème est surmontée de six colonnes. En Dordogne, le château de Rastignac (1817) fascine les historiens par sa ressemblance avec la Maison Blanche.
Bien que postérieur à la construction de sa cousine américaine, le monument français en aurait en effet inspiré le dessin: une théorie assure que l’architecte en avait fait les plans avant la Révolution et que Thomas Jefferson, alors ambassadeur à Paris, en aurait eu connaissance.
Incendiée par les Anglais en 1814, la demeure présidentielle est repeinte dans le blanc immaculé qui lui donne son nom. Mais elle devient aussi le cadre de tragédies.
Le théâtre de nombreux drames
Quatre présidents meurent "en fonction", certains entre les murs mêmes de la bâtisse. À commencer par William Harrison qui décède en avril 1841, un mois jour pour jour après son discours d’investiture. Décès dû à un coup de froid pris lors de son entrée en fonction, comme l’ont longtemps cru les historiens? Une enquête récente a finalement pointé la mauvaise qualité de l’eau locale et conclu que le 9e président des États-Unis était mort d’une dysenterie, devenue une fièvre typhoïde.
L’insalubrité du lieu est probablement aussi la cause des disparitions de James Polk, le 11e président, et de Willie, l’un des enfants d’Abraham Lincoln… Drame familial à l’origine d’une autre légende qu’évoque Maurin Picard: "Le décès de Willie provoqua la folie de sa mère, Mary Todd, qui perd aussi un de ses frères et verra son président de mari assassiné sous yeux. Elle devient le fantôme de la Maison Blanche, d’autant plus qu’elle y a organisé des séances de spiritisme."
Ce lieu, aussi historique soit-il, a été formaté par ceux qui l’ont habité. Esprit de "caserne", forcément, sous le général Eisenhower, ou "ménagerie", durant la présidence de Theodore Roosevelt, avec un poney, des serpents, un cochon et même un ours!
Toujours selon Maurin Picard, "le gang Roosevelt a envahi la Maison Blanche avec ses six enfants espiègles et aventureux, qui s’y livrent aux quatre cents coups. Le plus petit montait sur le toit en hiver et lançait des boules de neige sur les services secrets."
Jackie Kennedy ou l’incarnation de l’esprit des lieux
Soixante ans plus tard, la Maison Blanche devient le foyer d’enfants sages, Caroline et John-John. Mais pour leur mère, épouse de John Fitzgerald Kennedy, l’installation est un choc. Au fil des présidences, le manoir n’a pas été entretenu. L’élégante Jackie trouve l’endroit sinistre et poussiéreux, vidé de son âme.

Dans l’ouvrage qu’il consacre à la restauration qu’elle décide d’entreprendre, Nicolas Personne** explique qu’elle le compare à "un hôtel qui a été décoré par un grossiste en ameublement pendant les soldes de janvier". À l’époque, la First Lady précise elle-même son projet, dans une interview au magazine Life restée dans les annales: "Tout ce qui se trouve à la Maison Blanche doit avoir une raison d’y être. Ce serait un sacrilège que de vouloir seulement la redécorer, un mot que je déteste. Elle doit être restaurée. C’est une question d’expertise académique."
Jackie Kennedy a en tête une idée bien précise. En marge de la visite d’État de son mari en France, en juin 1961, elle se fait escorter au château de Malmaison, un lieu façonné par le goût de l’impératrice Joséphine. Ce même style Empire avait autrefois imprégné la Maison Blanche, entièrement remeublée par James Monroe après l’incendie de 1814. Le président était d’ailleurs allé faire ses emplettes –bronzes, porcelaines et mobilier– en France.
Pour superviser cette restitution "en l’état historique", Jackie fait appel à la Maison Jansen et au décorateur français Stéphane Boudin, qui a travaillé pour la famille royale de Belgique et la duchesse de Windsor.

Pour les trois salons d’apparat, Blue room, Red room et Green room, Boudin s’inspire des aménagements imaginés par Percier et Fontaine pour l’impératrice, en 1810. Durant la première phase de rénovation, Jackie se focalise sur la résidence principale. Mais à l’automne 1963, son mari lui donne carte blanche pour le Bureau ovale.
Pour pouvoir lui ménager une surprise, il faut qu’il s’absente au moins trente-six heures. Le déplacement à Dallas sera idéal. Mais, John Fitzgerald Kennedy ne verra jamais le résultat. Jackie Kennedy, elle, est restée dans les mémoires comme l’incarnation de l’esprit des lieux grâce à ces travaux dont elle a peu profité. Ainsi quand, récemment, Melania Trump a "repensé" la roseraie, des voix se sont élevées.
La Maison Blanche a évolué au gré de ses locataires
Les transformations demandées sous la présidence de Barack Obama, en 2008, avaient été mieux comprises. Avec deux fillettes de 10 et 7 ans, Malia et Sasha, Michelle Obama souhaitait des adaptations, réalisées durant le premier mandat de son mari par Michael Smith***: "Cette jeune famille voulait changer l’âme des lieux, le rendre plus intime pour eux et y apporter des touches de couleur et de modernité."
Et le Bureau ovale se rafraîchit: "On pense à tort que la Maison Blanche, a fortiori le Bureau ovale, est un lieu au décor statique, immuable. Mais bien sûr qu’il évolue, c’est amusant que les gens ne semblent pas le voir."
Haut lieu du pouvoir, c’est autant un studio de télévision pour les allocutions présidentielles qu’un espace de travail et une salle de réunion." Le décor d’épisodes historiques aussi, et torrides, comme la liaison entre Bill Clinton et Monica Lewinsky, qui faillit donner lieu à une destitution!

Alors que Michael Smith travaille aux étages, un chantier plus secret est mené en sous-sol. "C’est un pan intriguant de l’histoire des lieux: les experts considèrent que la superficie souterraine de la Maison Blanche est au moins aussi importante que celle visible à l’extérieur. Des engins de terrassement ont œuvré et beaucoup de travaux de cimenterie auraient été menés pour construire un complexe sous-terrain très sophistiqué", confie,...
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