Les ouvriers qui, en 1949, exhument une dépouille royale, près du maître-autel de la cathédrale du Wawel, à Cracovie, ont peut-être en mémoire ce texte, cette épitaphe. Assurément, la découverte qu'ils viennent de faire ne les étonnent guère. La jeune souveraine, morte à 25 ans en odeur de sainteté, reste pour tous les Polonais le symbole de l'abnégation patriotique et de l'humilité chrétienne. Rien de surprenant, dès lors, que près du corps, aient été placés un sceptre et un globe de bois.
À la fin du XlVe siècle, Louis Ier d’Anjou, membre de la maison capétienne de Naples et de Sicile et descendant du roi de France Louis VIII, réunit entre ses mains les royaumes de Hongrie et de Pologne. Mais le roi n'a que des filles... À sa mort, en 1382, la plus âgée, Marie, hérite du trône magyar. Deux ans plus tard, la noblesse polonaise, qui dispose en fait de la couronne, choisit de couronner la plus jeune, Hedwige – ou Jadwiga –, "roi" de Pologne.
le coeur ou la raison, Guillaume de Habsbourg ou Jagellon de Lituanie
C'est une charge écrasante pour une petite fille de 11 ans à peine. Depuis sa plus tendre enfance, Hedwige avait été promise à Guillaume de Habsbourg. Ce "fiancé" lui apparaissait comme une sorte de "prince charmant" et elle attendait avec hâte leur mariage. Les seigneurs polonais voient toutefois d'un mauvais œil cette alliance allemande et préféreraient que leur "roi" s'unisse à Jogaila – ou Jagellon –, le grand-duc de Lituanie. La puissance des deux États réunis serait immense et Jagellon a promis d'abandonner ses croyances polythéistes pour devenir chrétien et de convertir ses sujets, les derniers païens d’Europe.

L'esprit d'Hedwige est déchiré : son cœur ou la grandeur de son royaume ? Son bonheur sur terre ou le service de Dieu ?
Une nuit, couverte d'un voile noir, elle se rend dans la cathédrale de Cracovie et reste, trois heures durant, pleurant et priant, devant l'image du Christ. Soudain, une voix forte s'élève dans le silence : "Sauve la Lituanie !" Sa décision est prise, la reine recouvre le crucifix de son voile... Le 18 février 1386, le prince lituanien est baptisé et prend le nom de Ladislas II. Puis il épouse Hedwige dont la mère, Elisabeth Piast, lui apporte la légitimité de l’ancienne dynastie polonaise. Un siècle d'or s'ouvre pour la Pologne, sous le règne des Jagellon.
La "sainte dame du Wawel" canonisée par Jean Paul II
À l’heure de mourir, le 17 septembre 1399, trois jours après avoir mis au monde une fille, Elisabeth Bonifacia, la reine offre ses bijoux et toutes ses richesses aux démunis et à l'Université de Cracovie, qu'elle vient de réorganiser. Elle qui a tout abandonné pour l'amour de sa foi et de son peuple, elle ne veut rien emporter dans l’au-delà, rien que des insignes de pauvreté.
Ainsi, près du tombeau moderne en marbre immaculé qui contient ses restes, une châsse renferme son simple sceptre et son globe. Les Polonais viennent nombreux les contempler, se recueillir et fleurir le gisant. Non loin de là, on peut voir le Christ voilé qui aurait inspiré son sacrifice à la reine Hedwige.
En 1997, Jean-Paul II a canonisé la "sainte dame du Wawel", faisant d’elle la patronne de la nation polonaise. Car, pour ses compatriotes d’aujourd’hui, Hedwige est plus qu'une princesse d'exception, elle est le reflet, venu du fond des âges, de l’attachement à leur pays et à leur foi, et c’est à elle qu’ils se confient dans les moments de doute et de crise.
