Pour la "grande" histoire, la cause est entendue : pouvoir et virilité vont de pair. Depuis toujours les poètes nous chantent, des croisades de Richard Cœur de Lion aux grandes campagnes napoléoniennes, le geste de héros guerriers. Rares sont les femmes à émerger de cette mâle litanie, hormis peut-être Zénobie la conquérante d’Asie mineure, Artémise la reine-amiral de Carie ou Hatchepsout, la puissante pharaon d’Égypte. Toutes saluées, bien entendu, pour leurs vertus martiales…
Cléopâtre, l'antique icône
À l’aube de notre ère, une jeune souveraine pourtant se distingue déjà par la sagesse de sa politique : Cléopâtre VII. Surnommée "Philopatris" – celle qui aime sa patrie –, la dernière reine d’Égypte est aussi la première, en près de trois siècles de règne de la dynastie Lagide, à parler l’égyptien. Les mémorialistes – et surtout les Romains qui la détestent –, dénoncent une manipulatrice impitoyable, avide de pouvoir et à la sensualité débridée… "On avait plaisir à entendre le son de sa voix. Sa langue était comme un instrument à plusieurs cordes qu’elle adaptait sans effort au dialecte qu’elle voulait." Si l’on en croit Plutarque, le pouvoir de séduction de Cléopâtre tenait plus à un esprit cultivé qu’à des courbes d’hétaïre.
L'actrice Claudette Colbert dans le rôle de Cléopâtre en 1934 dans le film de Cecil B. DeMille. © Everett Collection / Bridgeman Images
Isabelle de Castille, mère de l'Espagne moderne
Loin de verser dans la coquetterie, travers sulfureux dans l’Espagne de l’Inquisition, Isabelle de Castille n’en est pas moins femme, et à ce titre "féale" de son légitime époux, Ferdinand II d’Aragon. Pas question cependant pour lui de loucher sur la couronne de sa femme. Quand elle s’impose sur le trône, au détriment de sa nièce Jeanne, en 1474, Isabelle se proclame "reine et propriétaire de Castille" ! Portés par l’ambition , le génie politique d’Isabelle va faire de son petit-fils, Charles Quint, et du fils de ce dernier, Philippe II, les plus puissants monarques de la Renaissance.
Isabelle de Castille. © AKG-images
Catherine de Médicis, reine de France
La France prise en étau, et ravagée de l’intérieur par des guerres de Religion entretenues en sous-main par l’Espagne, ne doit son salut qu’au génie politique de Catherine de Médicis. La légende noire de la reine-régente la rend responsable du massacre de la Saint-Barthélemy. Cette "nièce du pape" n’a pourtant rien d’une catholique fanatique, offrant même aux calvinistes, dès 1562, la liberté de conscience et de culte "hors les villes". Sans autre force souvent que la "mystique royale", cette mère et reine remarquable s’est battue pour conserver à ses fils François II, Charles IX et Henri III, le "plus beau royaume sous les cieux".
Catherine de Médicis. © Getty Images
Élisabeth Ire, la reine-vierge
Outre-Manche, Élisabeth Ire Tudor s’inquiète, elle aussi, de l’inexorable ascension de l’Espagne. D’autant que pour demeurer "roi d’Angleterre", Philippe II, veuf de la demi-sœur d’Élisabeth, Mary la Sanglante, a décidé de l’épouser ! D’autres se proposent, Charles d’Autriche, François de Valois ou Robert Dudley… la souveraine élude. Jalouse de son pouvoir, elle se déclara finalement "Reine Vierge" mariée à "tous mes bons époux, mon bon peuple". Sous la sage administration d’Élisabeth, l’Angleterre gagne en puissance maritime, économique et politique. Quant à l’Invincible Armada que Philippe II envoie sur les côtes anglaises pour détrôner la rebelle, elle sera défaite par la tempête et par la flotte de la célibataire endurcie.
Élisabeth Ire. © Bridgeman Images
Marie-Thérèse d'Autriche, l'impériale
Au commencement du règne de Marie-Thérèse d’Autriche, en 1740, son héritage lui est âprement disputé par la Bavière, la France, l’Espagne, le Piémont-Sardaigne, la Prusse et la Saxe… Sa faute : être née femme ! Archiduchesse d’Autriche, reine de Bohême, de Dalmatie, de Croatie… Marie-Thérèse devient aussi "roi" de Hongrie, le féminin n’a décidément pas cours à Budapest.
La souveraine, qui récupère au passage la dignité impériale dont elle fait investir son mari, va devoir lutter huit ans pour imposer son droit et transmettre à son tour les états héréditaires à seize enfants dont elle s’occupera attentivement. Un souci rare à l’époque, mais la reine était, état alors tout aussi surprenant, heureuse en ménage.
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Catherine II, la Grande
Contemporaine de Marie-Thérèse, Sophie d’Anhalt Zerbst va, elle, s’emparer d’une couronne pour ne plus la quitter. Mariée adolescente au futur Pierre III de Russie, et rebaptisée Catherine lors de sa conversion à la foi orthodoxe, elle sait que son avenir ne tient qu’à un fil. Son époux, alcoolique et déséquilibré, la déteste. Nécessité faisant loi, pour échapper à une éventuelle disgrâce, ou pire, la princesse prend le pouvoir. Le 9 juillet 1762, six mois seulement après son avènement, Pierre III est déposé et meurt "opportunément" huit jours plus tard. Et Catherine II la Grande devient, pour les trente-quatre ans à venir, l’autocrate autoproclamée de "toutes les Russies". À la fois reine de guerre, qui étend son empire jusqu’en Pologne et en Crimée, et "despote éclairée", amie des philosophes et des encyclopédistes.
Catherine II de Russie. © Getty Images
Victoria, grand-mère de l'Europe
Avec Victoria, première reine régnante de l’ère industrielle, et première impératrice des Indes, en 1876, le Royaume-Uni accède à ce rang de grande puissance mondiale si longtemps convoité. Si le pouvoir politique de la souveraine paraît limité, son influence morale est grande. Épouse comblée du prince Albert de Saxe-Cobourg-Gotha, et mère de neuf enfants, Victoria va incarner les "vertus conjugales" de l’ère… victorienne.
La reine Victoria. © Getty Images
Fuyant ses obligations officielles après la mort du "si cher Albert", en 1861, la reine en deuil perpétuel vit en recluse, presque invisible. Par sa seule présence pourtant, ce petit bout de dame, sans grand charisme et toujours de noir vêtue, va s’imposer comme l’incarnation du plus grand empire colonial jamais constitué.
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