Henri d’Orléans est le fils de Louis-Philippe d’Orléans, chef de la branche cadette des Bourbons, et de Marie-Amélie de Bourbon-Siciles, fille du roi de Naples et nièce de Marie-Antoinette. C’est dire qu’il cousine avec toutes les dynasties européennes. Mais par son père, qui a combattu pour la République à Valmy et à Jemmapes, il tient aussi de la Révolution.

Lorsque ce dernier devient roi des Français, en 1830, il offre avec Marie-Amélie l’image inhabituelle d’un couple royal très uni, fidèle, qui souhaite donner la meilleure éducation à leurs huit enfants, entre appartenance dynastique et valeurs libérales de progrès et de sens des affaires. Doté d’un précepteur, Cuvillier-Fleury, qui sera plus tard son secrétaire des commandements et son confrère à l’Académie française, le jeune garçon, élève au collège Henri-IV, cumule plus de 50 heures de travail par semaine !
Le jeune Henri est un brillant militaire
Pour autant la gent féminine ne le laisse pas indifférent. Il fait ses premières armes auprès de danseuses de l’Opéra, en attendant de succomber, en 1841, à la superbe Alice Ozy, aux prétentions financières exorbitantes. Henri a reçu l’énorme héritage, évalué à 66 millions de francs or, de son parrain le prince de Condé, disparu — jeu sexuel ou suicide ? — en 1830. Une fortune que son père n’entend pas voir dilapidée avec des cocottes. Il est temps de le marier !
En 1844, il épouse, à Naples, sa cousine Caroline de Bourbon-Siciles, fille de son oncle maternel le prince de Salerne. Elle est minuscule, pas vraiment jolie, mais d’une égalité d’humeur qui lui fait tout accepter, les séjours en Algérie, l’exil en Angleterre, les nombreuses séparations, et même les infidélités de son bel Henri avec quelques ladies dont elle a le bon goût de se faire des amies... En somme, une union heureuse et affectueuse, au regard de la plupart des mariages arrangés. Deux fils naîtront, Louis-Philippe, en 1845, et François-Louis, en 1854.

Cinquième fils du roi des Français, il n’a d’autre ambition que de servir dans l’armée où il démontre très tôt ses qualités d’organisateur et d’homme de terrain. À 21 ans, il conquiert la gloire en Algérie, le 16 mai 1843, avec la prise de la smala de l’émir Abd el-kader. Nommé gouverneur de l’Algérie et partisan d’une colonisation "à la romaine", il instaure, après le régime militaire du maréchal Bugeaud, une administration civile plus bienveillante envers les populations indigènes.

La chute de la monarchie de Juillet, en 1848, le contraint à l’exil avec toute sa famille qui s’installe en Angleterre au château de Claremont, où s’éteint le roi Louis-Philippe, deux ans plus tard. Peu à peu, le duc d’Aumale récupère une grande partie de ses biens privés, mis sous séquestre, et replace la majorité de sa fortune à l’étranger. Désormais, installé à Orleans House, près de Twickenham, il se consacre à des travaux historiques sur les princes de Condé, ou encore sur la question de l’emplacement du site d’Alésia qui agite alors les premiers archéologues.
L'histoire et l'art, les deux grandes passions du duc d'Aumale
Grand bibliophile, artiste comme tous les princes d’Orléans, et passionné de peinture, le duc d’Aumale fait venir en Angleterre les plus beaux trésors de son château de Chantilly. Il les complète par d’innombrables acquisitions dans toute l’Europe, dont le manuscrit des Très Riches Heures du duc de Berry, en 1855. À 40 ans, le prince est à la tête d’un des plus beaux musées de peintures d’Angleterre. Pour autant la France est toujours son horizon. Son frère aîné, le duc d’Orléans, est mort tragiquement en 1842. C’est donc son fils, le petit Comte de Paris, qui peut prétendre à la couronne du roi des Français, face au "grand cousin", le comte de Chambord, représentant de la branche aînée des Bourbons, pour le trône de France.
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Favorable à une union des monarchistes autour de Chambord, à condition que celui-ci évolue vers des positions plus libérales, le duc d’Aumale finance discrètement, en Belgique et en France, des journaux d’opposition à l’Empire, le Journal des Débats, Le Siècle, Le Courrier de Paris, L’Illustration... La défaite de 1870 le frappe en plein cœur, alors que lui et ses frères sont prêts à mettre leur épée au service de la république. Élu député, il est aussi bien en relation avec Gambetta ou Victor Hugo qu’avec les monarchistes qui occupent encore la majorité des sièges à l’Assemblée. Mais loin de lui l’idée d’un coup d’État. Sa carrière militaire est sa priorité.
Commandant de la 7e division militaire de Besançon, puis inspecteur de corps d’armée, il préside, en 1873, en tant que doyen des généraux de division, le jury militaire chargé de juger le maréchal Bazaine, accusé de trahison après la reddition de Metz. À partir de 1879, et la fin de son rêve d’une "république princière", il se recentre sur ses passions, l’histoire et l’art, sur la gestion de ses châteaux de Chantilly, d’Eu, de Thiérache, d’Aumale, d’Amboise et de Sicile, où il a acquis le magnifique domaine de Zucco, planté de vignes et d’oliviers, et un palais à Palerme.

La vie familiale le conduit dans toutes les cours européennes où ses frères, sœurs, nièces et neveux ont fait souche. Quant à sa vie parisienne, après l’achat de l’hôtel Fould, elle l’entraîne dans les salons aristocratiques, les réceptions à l’Élysée et, à partir de 1873, les séances de l’Académie française où il occupe le siège de Montalembert. Une consécration qui l’oblige à faire face, alors que son fils François-Louis vient de mourir, six ans après son aîné, Louis-Philippe.
"Vous faites partie de la grandeur de la France et je vous aime"
Restent les femmes. Léonide Leblanc, courtisane de son état et dont le tableau de chasse est très éclectique, du prince Napoléon à Clemenceau. Elle sera sa principale maîtresse pendant plusieurs années et restera son amie. Mais en dépit de ses nombreux cadeaux, elle l’estime peu généreux et se moque des Orléans qui "en sont encore aux prix de 1848" ! Une autre femme, Berthe de Clinchamp, ancienne dame d'honneur de son épouse, disparue en 1869, vit auprès de lui. Elle l’accompagne à la chasse, partage sa passion de la bibliophilie, gère ses résidences et reçoit ses amis, tout en conservant une grande réserve. A-t-elle été sa maîtresse comme la presse, qui la surnomme "la Maintenonette", semble n’en pas douter ? Elle tient sa maison et deviendra même sa biographe.

Le duc d’Aumale affronte une nouvelle épreuve, en 1886, quand la IIIe République, inquiète de la popularité suscitée par le mariage de la princesse Amélie, fille aînée du Comte de Paris, avec le prince héritier Charles de Portugal, vote une deuxième loi d’exil contre les anciennes familles souveraines, Bourbon-Orléans...
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