C’est le livre phénomène de ce début d’année. La sortie mondiale du Suppléant a fait valser les cœurs et donné le tournis aux meilleurs danseurs de l’édition. Le prince Harry a largement dépassé Barack Obama qui constituait déjà un succès incroyable, 35.000 exemplaires vendus la première semaine. Avec Le Suppléant (Fayard), c’était 85.000 en cinq jours ! C’est Nathalie Jouven qui a négocié les droits auprès du géant de l’édition Penguin Random House – filiale du groupe Bertelsmann –, lors de grandes enchères internationales, après le départ des éditions de Sophie de Closets. D’autres maisons auraient aimé remporter la mise, telle Harper Collins France, mais "les enchères se sont emballées", nous glisse-t-on discrètement. Des sommes à six chiffres qui affolent le milieu, mais malgré la prise de risque financière, le pari semble gagnant.
Une intuition partagée par l’éditrice Nathalie Fiszman du Seuil, à qui l’on doit la publication en français de la première enquête explosive sur le couple star, Harry et Meghan, libres ! (Finding Freedom), signée Omid Scobie, journaliste à Harper’s Bazaar et proche des Sussex. "J’avais lu un article dans la presse américaine qui annonçait la sortie de ce livre, et j’ai contacté son agent. Nous avons décidé de le signer très rapidement, Omid Scobie disposant d’accès à la famille royale tout à fait uniques." Une prise de choix pour l’éditrice qui affiche à son tableau de chasse des textes osés comme l’hilarant roman-photo Guacamole Vaudou de Fabcaro et Éric Judor, mais aussi Jim Carrey ou Irène Frain, dont Un Crime sans importance a remporté le prix Interallié en 2020. "Je vais publier à un nouveau livre d’Omid Scobie, il sera dans les librairies dès cet été", lâche-t-elle. Avec un tirage important.
Même son de cloche chez Hachette, qui a sorti le 15 mars 2023 La Revanche de Tom Bower, éminent biographe anglais qui a déjà croqué l’ancien Premier ministre Boris Johnson, mais aussi le prince Charles. "Lorsque nous avons acheté les droits de Revenge, Spare du prince Harry n’était pas encore paru, mais les chiffres après parution nous ont confortés." Au-delà du royal, Hachette Pratique lance un nouveau label qui abritera des biographies de stars et de personnalités. "L’une de nos premières publications, prévue à l’automne, sera autour d’Angelina Jolie et Brad Pitt."
"HARRY A UNE IMAGE DE REBELLE, UN CÔTÉ LIBRE PENSEUR QUI PLAÎT"
Comment expliquer l’engouement pour Le Suppléant ? Libraires et éditeurs interrogés s’accordent sur des raisons qui "dépassent la royauté". Cela tient à la fois à Meghan, qui "a introduit quelque chose de nouveau et touche des publics différents et plus jeunes", et à Harry, bien sûr, "à son envergure – il appartient à une dynastie célèbre –, à son image de prince rebelle. Son côté libre-penseur plaît, c’est un esprit dissident; enfin, il ne faut jamais oublier que son destin est irrémédiablement lié à l’accident de sa mère".
Or vingt-six ans après le drame du pont de l’Alma, la princesse Diana fait toujours vendre : Diana racontée par elle-même, d’Andrew Morton (2017), constitue le plus gros succès de L’Archipel avec 5.700 ventes en grand format et presque 17.000 sorties en poche (2021). "En général, en ce qui concerne la non-fiction (documents, essais, biographies…) ciblant une question d’actualité, les ventes se concentrent en grand format." Ce fut le cas après le décès de la reine Elisabeth. C’était Elizabeth II de Sarah Bradford, ressorti par L’Archipel en poche, a atteint les 12.800 sorties nettes.
Le prince William, pour l’instant, intéresse moins : pour les 40 ans du prince héritier, les éditions du Rocher avaient publié une biographie non autorisée de Pierrick Geais, qui s’est vendue à 4.000 exemplaires. Quel accueil sera réservé à Charlene Story de la journaliste sud-africaine Arlene Prinsloo, biographie elle aussi concoctée sans l’accord de la principale intéressée, l’épouse d’Albert II de Monaco ? Réponse en librairie le 25 mai 2023.
Du côté des éditions Les Escales, un beau succès a auréolé l’autobiographie d’Anne Glenconner, dame d’honneur de la princesse Margaret, qui a atteint les 20.000 copies. "En revanche, pour la fiction, le poche est le format de prédilection", analyse-t-on chez J’Ai Lu. Ce dernier est un fidèle du genre. Parmi leurs best-sellers : La Cour des dames de Franck Ferrand (trilogie), qui se déroule sous François Ier et Henri II, et taquine les 150.000 exemplaires, "avec des rotations très régulières, au point de proposer une nouvelle édition sous forme d’intégrale, au printemps", annonce la maison.
Versailles, le rêve d’un roi d’Elizabeth Massie gravite à 20.000 exemplaires, et la collection dirigée par Stéphane Bern, Les Pourquoi de l’Histoire, tutoie les 60.000. Sa Diane de France, la princesse rebelle avoisine les 11.000 depuis sa sortie ; du même auteur Moi, Amélie, dernière reine de Portugal, les 5.000 épreuves. La royauté, au sens large, fait partie des thématiques incontournables d’un catalogue avec des auteurs référents.
LE SUCCÈS DES SAGAS royales SUR NETFLIX
À noter que les sagas d’inspiration royale sont une manne, même lorsqu’elles s’inspirent très librement de la réalité comme Bridgerton : "Nous en avons vendu un million d’exemplaires depuis la diffusion de la série sur Netflix, et le spin-off dédié à la reine Charlotte s’apprête à sortir simultanément en série et en livre début mai." Analyse partagée par un libraire de la Fnac pour lequel il existe "un lien fort entre la plateforme et le marché du livre. Netflix draine vers les librairies un public qu’on n’a pas l’habitude de voir."
Pour lui, pas de secret, si Le Suppléant a bien marché en France, c’est en partie "grâce à la série de Meghan et Harry qui avait préparé le terrain". Chez Plon, qui a d’ordinaire une prédilection pour la politique, la très belle collection des Dictionnaires amoureux a aussi fait une place aux couronnes, avec un opus dédié aux monarchies de Jean des Cars (2019) et un autre consacré aux reines d’Évelyne Lever. La maison n’est pas contre mélanger fiction et Histoire, comme en témoigne la sortie récente du Gardien de Téhéran de la journaliste Stéphanie Perez, l’histoire du gardien du musée de Téhéran, qui parvint à sauver 300 chefs-d’œuvre d’art moderne, trésor de l’impératrice Farah Diba, au moment de la révolution islamique.
Beau succès pour la bande dessinée historique
Le rayon beaux livres – à l’instar de celui de notre confrère Thomas Pernette (éditions EP), Elizabeth II : Les Chapeaux de la couronne, ou encore d’Elizabeth II, le livre du souvenir (2022) qui a atteint les...
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