Suspendue à un cintre dans un recoin dérobé des coulisses, la robe aux triples épaisseurs d’organza bleu ciel semble tout droit sortie d’un rêve. Dessinée dans l’esprit d’une robe à la française, ce costume en vigueur à la cour à la fin du XVIIIe siècle, elle est couverte de larges roses délicatement constellées de cristaux Swarovski vintage, "qui captent magnifiquement la lumière", précise son créateur Hubert Barrère en s’emparant délicatement de l’étoffe pour en montrer la souplesse.

"L’intrigue rejoint celle de la Belle et la Bête et prend place dans l’Iran fantasmé du XVIIIe siècle, explique-t-il brièvement. C’est une robe d’illusionniste. Sur scène, elle se transforme en joyau." 4500 cristaux et étoiles, 7.000 perles et 38.000 sequins plats et incurvés, tous brodés à l’aide de fils d’or et d’argent… En tout, 210 heures de travail ont été nécessaires pour ce que le directeur artistique de Lesage appelle sa "robe de conte de fées", confectionnée dans les ateliers du 19M, la manufacture qui rassemble les métiers d’art de la maison Chanel.
"Enfant, je l’avais entendu par hasard sur France Musique"
Lorsque Louis Langrée, chef d’orchestre et nouveau directeur de l’Opéra-Comique lui a proposé cette aventure inédite, l’homme de l’art, qui a rejoint la maison Lesage en 2011, a commencé par réfléchir. "Quand j’ai su que le grand Michel Fau était de la partie, je n’en menais pas large, raconte-il en riant. Mais nous nous sommes entendus comme larrons en foire. Et puis l’opéra lui-même, pourtant largement oublié aujourd’hui, ne m’était pas inconnu. Enfant, je l’avais entendu par hasard sur France Musique, notamment le trio féminin qui ouvre le 2e acte que j’avais trouvé particulièrement beau. Je me suis donc mis au travail avec un plaisir immense."

Le directeur artistique a aussi dessiné le décor de jardins à la française épurés et oniriques, qui donnent au spectateur l’impression qu’Alice au pays des merveilles s’est égarée au château de Versailles. C’est pourtant à Fontainebleau que la pièce fut donnée pour la première fois en 1771, en présence de Marie-Antoinette, émue par la représentation au point de verser quelques larmes.
"Le tableau durant lequel Zémire voit apparaître son père et ses sœurs dont elle est séparée rappelle à la jeune princesse, qui n’a alors que 15 ans, son propre sort. Grétry deviendra d’ailleurs son compositeur favori et "le directeur de sa musique particulière". Star de son époque, Grétry était en effet apprécié aussi bien de la reine de France que du jeune Mozart, qui possédait un manuscrit de la partition de Zémire et Azore. Rejouée depuis quelques années, à l’Opéra-Comique mais aussi à l’opéra de Versailles, qui vient de programmer la Caravane du Caire, sa musique, si elle continue de bénéficier de mises en scène aussi élégantes et intelligentes, devrait rapidement retrouver la notoriété qu’elle mérite.
Zémire et Azore, d’André-Ernest-Modeste Grétry, Opéra-Comique, du 23 juin au 1er juillet.