Benoît Duteurtre, la disparition brutale d'un amoureux de la Normandie et d'Offenbach

Arrière-petit-fils du président René Coty, ce natif du Havre était un écrivain sensible et un grand défenseur de la musique dite légère, à laquelle il consacrait depuis 25 ans une émission devenue mythique sur les ondes de France Musique, Étonnez-moi Benoît. Sa mort brutale, ce 16 juillet 2024, d'une crise cardiaque, à 64 ans, a suscité une grande émotion parmi tous les amoureux de ce répertoire qui allait de Reynaldo Hahn à Nicoletta. En 2019, ce Normand d'origine, qui passait ses vacances entre Étretat et les Vosges, nous avait servi de guide pour une exposition consacrée à Raoul Dufy.

Par Pauline Sommelet - 18 juillet 2024, 11h13

 Benoît Duteurtre, ici au Havre en 2019, est décédé le 16 juillet 2024 à l'âge de 64 ans.
Benoît Duteurtre, ici au Havre en 2019, est décédé le 16 juillet 2024 à l'âge de 64 ans. © Christel Jeanne

Il n’en revient pas, Benoît Duteurtre. En ce mardi 13 août à la météo maussade, l’exposition Raoul Dufy et Le Havre fait le plein de visiteurs absorbés dans la contemplation des tableaux du maître. Face à l’horizon plombé que l’on devine à travers les larges baies vitrées du musée d’art moderne André-Malraux, les Sortie de régates au Havre et autres Plage de Sainte-Adresse offrent leur contrepoint coloré, toiles vibrantes de vagues et drapeaux battus par le vent. "Quand j’étais adolescent, se souvient l’écrivain, il n’y avait personne dans ces salles ! Il faut dire que les musées étaient moins à la mode qu’aujourd’hui. Les gardiens, souvent d’anciens soldats rescapés de la guerre, promenaient leurs silhouettes éclopées devant les chefs-d’œuvre de Monet et Boudin. Bien qu’un peu inquiétants, ils ne m’empêchaient pas de passer des heures à admirer les toiles de Dufy."

Exposition Raoul Dufy au Havre avec Benoît Duteurtre en 2019.
Sur La Plage de Sainte-Adresse, une toile de 1906 de Raoul Dufy, Benoît Duteurtre désigne la Villa maritime, ancienne propriété de l'auteur de théâtre Armand Salacrou. "Quand j'étais jeune et que je rêvais de gloire littéraire, je suis allé, au culot, sonner à sa porte. Il m'a reçu très aimablement et prodigué quelques conseils avec beaucoup de gentillesse." © Christel Jeanne / ADAGP 2024

Dépositaire d’un fonds exceptionnel de soixante-dix tableaux légués par la veuve de l’artiste en 1963, le musée a rassemblé pour cette exposition bien d’autres œuvres disséminées à travers le monde. Depuis les premières marquées par l’impressionnisme et le fauvisme jusqu’à celles aux lignes zigzagantes typiques de la propre manière du peintre, toutes ont en commun de restituer des paysages emblématiques de ce littoral normand, du boulevard Maritime à Notre-Dame-des-Flots.

La plage déploie ses cabanes repeintes selon une charte graphique de l'artiste Karel Mertens.
La plage déploie ses cabanes repeintes selon une charte graphique de l'artiste Karel Mertens. Cette oeuvre pérenne s'inscrit dans le cadre de la manifestation annuelle d'art contemporain Un Été au Havre, lancée en 2017 à l'occasion du 500e anniversaire de la ville. © Christel Jeanne

"Le Havre est une ville de peintres, souligne encore Benoît Duteurtre. Braque, Othon Friesz se sont formés à l’école municipale des beaux-arts, tout comme Dufy et de Saint-Delis. Avant eux, Monet, bien sûr, figure incontournable, y vécut à partir de 5 ans. Une de ses toiles conservées ici, représentant Les Falaises de Varengeville, est un pur chef d’œuvre. Autour de 1900, la ville en pleine expansion grâce au commerce maritime a abrité une vie artistique foisonnante, notamment en peinture, mais aussi en littérature et en musique."

Exposition Raoul Dufy au Havre avec Benoît Duteurtre en 2019.
Vue sur Le Havre et son front de mer. © Christel Jeanne

 Au milieu des paysages marins, un petit violon rouge, mais aussi un piano ouvert sur une partition de Debussy, peints par Dufy plus tard dans sa carrière, font figure d’interlude. "On a peine à l’imaginer aujourd’hui, mais les cafés-concerts et les lieux où l’on chantait étaient extrêmement nombreux au Havre", souligne l’écrivain spécialiste de musiques légères – il anime depuis vingt ans sur France Musique une émission consacrée à ce répertoire.

"À l’adolescence, je me passionnais plutôt pour la musique contemporaine, mais Debussy était déjà l’un de mes compositeurs favoris. Cette toile de Dufy représentait pour moi la quintessence de tout ce que j’aimais dans l’art." Avant de conclure, un brin nostalgique : "Mais ce qu’évoque le mieux pour moi la peinture de Dufy, c’est cette joie de vivre, cette légèreté colorée pleine de charme que l’on retrouve chez Offenbach ou Sacha Guitry. Une forme heureuse de l’art moderne, souvent dénigrée, que je trouve pourtant essentielle."

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