Plus d’une centaine d’objets, ornés de 23.578 pierres précieuses, d’une valeur inestimable ! Témoins vivants d’une histoire nationale millénaire, les trésors de la Couronne constituent le patrimoine culturel indivisible de tous les Britanniques, l’âme même de leur régime politique. Car ces joyaux sont toujours portés lors des cérémonies officielles, en particulier chaque année pour l’ouverture du parlement. Ils seront à l’honneur le 6 mai 2023, quand Charles III sera sacré à Westminster Abbey.
Au cœur de la collection de la Tour de Londres, les Coronation Regalia ont été utilisés pour la dernière fois en 1953, par Élisabeth II.
La couronne de saint Édouard
La tradition du couronnement à Westminster remonte à 1066, et à la conquête normande par le duc Guillaume le Conquérant.
Jusqu’au XVIIe siècle, les souverains successifs continueront de ceindre, à l'heure de leur investiture, une très ancienne couronne du roi saxon Édouard le Confesseur. Hélas, après la décapitation de Charles Ier, en 1649, le Parlement ordonne qu’elle soit démantelée, les pierres vendues et l’or fondu pour le transformer en pièces de monnaie, frappées de l'insolite Commonwealth of England – "République d’Angleterre".

Restauré sur le trône de son père en 1660, Charles II s’empresse d’en faire réaliser une copie plus ou moins exacte. Sur une base, sont fixées quatre croix pattées alternant avec quatre fleurs de lys. Au-dessus, deux arches serties de pierres sont réunies par un petit globe lui-même surmontée d’une croix pattée.
En or massif, cette nouvelle couronne de saint Édouard pèse 2,23 kg. Elle est ornée de 444 pierres précieuses et de perles provenant d’une parure d’Élisabeth Ire. Son centre est garni d’une toque de velours pourpre ourlée d’une bande d’hermine. Actuellement, elle n’est pas exposée au public, car elle est en cours de préparation pour le prochain couronnement de Charles III.
La couronne impériale d’État
Si la couronne de saint Édouard est la plus sacrée, elle est aussi très malaisée à porter, et ne sert que durant la cérémonie proprement dite. En quittant l’abbaye, le monarque la remplace par la couronne impériale d’apparat – ou d’État –, moins incommode. Celle-ci a été fabriquée en 1937 à l’intention de George VI, en remplacement de la couronne de Victoria, de 1838. Elle est sertie de la bagatelle de 2868 diamants, 17 saphirs, 11 émeraudes 269 perles et 4 rubis !

Mais elle comporte surtout plusieurs pierres précieuses célébrissimes :
- Le rubis du Prince Noir est enchâssé dans la croix avant de la couronne. En réalité, il s’agit d’une pierre semi-précieuse, un spinelle ou "balas". Selon la légende, elle aurait été offerte au fils d’Édouard III, en 1367, par le roi de Castille, Pierre Ier le Cruel, qui l’aurait tenu lui-même d’un émir musulman d’Espagne. Henri V de Lancastre la portera sertie dans son casque lors de la bataille d’Azincourt, en 1415.
- Le saphir Stuart est placé à l’arrière de la couronne d’État. Il aurait appartenu à Charles Ier et son deuxième fils, Jacques II, l’aurait fait sortir clandestinement au lendemain de sa déposition, lors de la "Glorieuse Révolution" de 1688. Ce saphir girovague rentrera en Angleterre en 1838, pour ne plus la quitter.
- Le diamant Cullinan II est serti dans la bande avant. Avec son poids de 317,4 carats, c’est la 2e plus grosse pierre taillée dans le diamant Cullinan, la gemme la plus grosse jamais découverte et qui, brute, pesait 3106 carats ! Trouvé en 1905 dans un gisement d’Afrique du Sud, ce diamant de tous les records doit son nom au président de la compagnie minière Sir Thomas Cullinan. Il sera donné deux ans plus tard par le gouvernement du Transvaal à Édouard VII, à l’occasion de son 66e anniversaire, en gage de réconciliation après la guerre des Boers. Du diamant brut, seront taillés 9 pierres majeures et 86 petits brillants. Trois polisseurs devront œuvrer 14 heures par jour pendant 9 mois pour obtenir ce résultat.
- Le saphir de saint Édouard. Il est placé au centre de la croix la plus haute de la couronne d’État. Selon la tradition, il proviendrait de la bague retirée du doigt d’Édouard le Confesseur, au moment de la translation de son corps, au XIIe siècle.
La couronne impériale des Indes
Deux autres couronnes complètent la collection des joyaux de la Couronne à la Tour de Londres : le diadème d'apparat de George IV, serti de perles et de diamants, créé au début du XIXe siècle pour le roi George IV. Il fait partie des trois couronnes qu'Élisabeth II arborait pour les cérémonies d'État.

Et la couronne impériale des Indes, coiffée par le roi George V en sa qualité d'empereur des Indes lors du Durbar de Delhi en 1911. Créée par le joaillier de la Couronne Garrard, elle pèse 920 g et est sertie de 6.170 diamants, 9 émeraudes, 4 rubis et 4 saphirs. À l'avant se trouve une très belle émeraude de 32 carats.

Les autres regalia
Parmi les autres regalia exposés à la Jewel House, il convient de noter :
- Le sceptre avec croix fabriqué pour Charles II en 1661, et utilisé régulièrement depuis lors à chaque couronnement. En 1910, George V y fait ajouter le spectaculaire Cullinan I. Avec ses 530,2 carats, c’est le plus gros diamant taillé incolore du monde.
- L’orbe du souverain, globe doré surmonté d’une croix, symbole de son autorité universelle.

- La cuiller du couronnement. Datant du XIIe siècle, c’est l’objet le plus ancien de la collection, servant pour oindre le souverain d’huile sainte, geste le plus sacré de la cérémonie. Elle a survécu à la destruction des joyaux après la Guerre civile, car elle avait été achetée par un ancien officier de la garde-robe de Charles Ier, Clement Kynnersley, chargé de la vente de ses biens personnels.

Cinq épées sont également disposées en plus de masses, de bracelets, de trompettes et de vaisselle.
Montagne de Lumière
Il faut bien entendu évoquer le diamant Koh-i-Nûr – "Montagne de Lumière" en persan –, l’un des plus célèbres au monde, enchâssé sur la couronne de l’épouse de George VI, Elizabeth Bowes-Lyon, en 1937. Il a probablement été extrait des fabuleuses mines de Golconde, au centre de l’Inde méridionale. Il a connu de nombreux propriétaires, empereurs moghols, chahs d’Iran, émirs d’Afghanistan, princes sikhs... ce qui explique qu'il est actuellement revendiqué par plusieurs gouvernements d'Asie !

En 1849 la Compagnie des Indes orientales se le fait remettre par le maharadjah Duleep Singh, comme l’une des conditions du traité de paix de Lahore. Remis à Victoria, le Koh-i-Nûr pèse 105,6 carats depuis qu’il a été retaillé, en 1852, afin d’en améliorer l’éclat.
Achevons par un joyau plus moderne, la couronne de l’investiture du prince de Galles, au château de Caernarfon, le 1er juillet 1969. D’une facture résolument futuriste, elle a été conçue par le designer et orfèvre Louis Osman. En or et platine, elle est sertie de diamants et d’émeraudes, rehaussée d’un velours violet avec une coiffe d’hermine. Ajoutée à la collection en février 2020, avec les couronnes de deux autres princes de Galles...