On prédisait une bombe, c’est un pétard mouillé. Après les accusations formulées l’an dernier par les Sussex face à Oprah Winfrey, qui avaient poussé Élisabeth II à sortir de son mutisme pour préciser que "parfois, les souvenirs varient", ce nouveau documentaire promet "la vérité" de Harry et Meghan. On y découvre surtout leur intimité et un portrait flatteur. Leurs attaques et lamentations, elles, se suivent et se ressemblent. Pas de noms, peu de faits. Ces trois premiers épisodes remuent le couteau dans des plaies déjà ouvertes, rien qui mérite que Buckingham tremble.
Certes, l’institution est présentée comme archaïque et les Windsor font l’objet de piques bien senties. Mais la Couronne est surtout accusée d’être complice, via un "contrat secret", des médias, ennemis numéro un du couple. Ce documentaire dénonce des connivences entre le palais et les tabloïds, dont les rédactions ne comptent que 0,2% de journalistes de couleur, et qui auraient favorisé la montée du racisme au Royaume-Uni. Et donc braqué l’opinion publique contre la duchesse de Sussex.
Voir cette publication sur InstagramPour alimenter ce propos, Netflix a convoqué une série d’experts et témoins acquis à la cause de Harry et Meghan. Certains défendent leur personnalité (de vieux amis, des employés, l’ancien agent de l’actrice ou encore sa mère, Doria), d’autres participent à les soutenir en pointant des éléments historiques ou sociétaux. Les Sussex seraient ainsi les victimes collatérales d’un contexte nauséabond, ayant mené au Brexit et à leur fuite. "En tant que membre de cette famille, mon rôle est de dénoncer l’opportunisme et la corruption qui règnent dans les médias", avance Harry face caméra, dans une interview pour laquelle il a empoché des millions de dollars. Une ambiguïté qui n’a pas manqué de soulever des critiques. Leurs détracteurs reprochent aux Sussex et à ce documentaire d’épouser les travers qu’ils dénoncent, mélangeant images d’archives de paparazzis poursuivant Diana il y a trente ans, unes de presse du monde entier et messages anonymes postés sur les réseaux sociaux.

Diana toujours avec eux
Harry se revendique plus que jamais comme l’héritier de sa mère, lui qui comme elle décide "avec le cœur". Il dit aussi avoir reconnu Diana en Meghan. "Elle a la même compassion. La même empathie. La même confiance." Diana l’éternelle, dont le portrait orne les murs de leur villa, une photo devant laquelle ils apprennent à leurs enfants à dire "bonjour mamie Diana". Harry revient même sur la fameuse interview de 1995 à Panorama. Malgré l’appel du prince William à ne plus jamais la diffuser, des images sont montrées. "Nous savons tous qu’elle a été trompée, mais en même temps, elle a pu livrer sa version des faits", se justifie Harry.

"Comment a-t-on pu en arriver là?", dit-il début 2020, se filmant avec son téléphone depuis le salon Windsor de l’aéroport d’Heathrow. La scène se déroule probablement peu après le sommet de Sandringham, où Élisabeth II, Charles et William ont tranché sur le cas Sussex et acté qu’il n’y aurait pas de compromis possible quant à leur statut. En écho, Meghan se filme dans une salle de bains de Vancouver, une serviette sur la tête. Un ami leur a conseillé de tenir un journal vidéo. "Un jour, tout cela fera sens", promet-elle. Après s’être mis en congé de la monarchie, les époux ont ainsi tourné eux-mêmes plus de quinze heures de confessions intimes. Un matériau que la réalisatrice Liz Garbus qualifie de "brut, personnel, puissant".
Meghan et Harry, deux fortes personnalités
Cette série peint aussi le tableau d’un coup de foudre. Les sujets étant en outre coproducteurs, le portrait est naturellement hagiographique. Meghan est présentée comme une élève brillante, activiste dans l’âme depuis sa plus tendre enfance. Elle raconte encore comment à 11 ans, mise en lumière par une télé locale, elle est parvenue à faire changer une publicité sexiste. Une ancienne institutrice exhume un album dans lequel la jeune Meg écrivait déjà qu’elle deviendrait "riche et célèbre." On devine en filigrane, au-delà du désir d’être connue, de véritables ambitions politiques.
Harry, lui, apparaît en héros de guerre, parti il est vrai deux fois au front. "Mes dix ans dans l’armée m’ont fait vivre une expérience qu’aucune autre personne de ma famille n’a pu connaître", assure-t-il. Il en profite au passage pour faire amende honorable et revient sur le scandale provoqué par son déguisement nazi, en 2005. "L’une des plus grosses erreurs de ma vie." Adieu Dirty Harry, place à Harry le repenti. Il confie avoir depuis rencontré le grand rabbin de Londres, et être allé à Berlin discuter avec un survivant de la Shoah. Oubliant au passage que c’est son père qui a organisé ces deux électrochocs. "J’ai appris de cette erreur."

Le fils du roi règle aussi quelques comptes personnels. "Dans cette famille, en particulier chez les hommes, il y a la tentation ou la pression d’épouser quelqu’un qui entrera dans le moule, et non la personne qui vous est réellement destinée." William et Charles apprécieront. Tout comme Catherine, qui a elle aussi beaucoup souffert des attaques de la presse. Et que dire de Camilla, alors? Harry avance par ailleurs que "d’énormes biais inconscients" sont à l’œuvre dans la famille royale. On rappelle alors l’affaire de la broche Blackamoor, portée en 2017 par la princesse Michael de Kent, et les œuvres de l’époque colonialiste qui décorent les palais. "Parfois cette famille fait plus partie du problème que de la solution. Ce n’est la faute de personne, mais à partir du moment où on vous le fait remarquer, vous devez rectifier les choses. C’est une question d’éducation, de sensibilisation, un travail permanent à faire, y compris pour moi", sermonne le prince, initié au wokisme par son épouse.
Manque de soutien de la famille royale
Sans citer personne, Harry regrette de ne pas avoir été soutenu après la mort de sa mère. Il dit avoir trouvé du réconfort dans ses "deuxièmes familles", en Afrique, puis à l’armée. Pour illustrer la dureté des relations avec les Windsor, Meghan évoque le soir où ils ont invité William et Kate à dîner. Pieds nus et en jean déchiré, elle s’apprêtait à leur arrivée à les prendre dans ses bras. "Mais j’ai très vite compris que le formalisme de façade était aussi de mise en privé." Ou comment laisser entendre que son beau-frère et sa belle-sœur manquent de naturel, d’humanité.
L’Américaine relate aussi sa première rencontre avec la souveraine, et comment elle a cru à une blague quand Harry lui a demandé si elle savait faire la révérence. L’actrice rejoue alors la scène, se lance dans une courbette caricaturale et surjoue l’accent britannique pour lancer dans un rire étouffé, "ravie de vous rencontrer, Your Majesty". À côté, Harry est penaud. Sa...
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