Philip d'Édimbourg : les premiers jours d'un deuil immense

La nouvelle est tombée ce vendredi 9 avril 2021 à midi. Le duc d’Édimbourg est mort. À deux mois et un jour de ses 100 ans. Aussitôt, c’est le Royaume-Uni qui s’arrête, frappé de stupeur, submergé par l’émotion. En communion avec Élisabeth II. Récit des premières heures d’un deuil immense.

Par Antoine Michelland - 13 avril 2021, 07h30

 Les Unes de la presse britannique au lendemain de la disparition du prince Philip. Malgré les
consignes sanitaires, nombreux sont ceux qui viennent se recueillir devant les grilles des palais et déposer un mot et un bouquet.
Les Unes de la presse britannique au lendemain de la disparition du prince Philip. Malgré les consignes sanitaires, nombreux sont ceux qui viennent se recueillir devant les grilles des palais et déposer un mot et un bouquet. © Avalon/ABACA

D’abord cet étrange silence, sourd, cotonneux, comme celui qui succède à une déflagration. Auprès du palais de Buckingham, devant le château de Windsor, on n’entend plus les voitures, la circulation a été déviée.

Des gens arrivent, seuls ou par petits groupes, se soutenant les uns les autres, hébétés. Parmi eux, beaucoup de jeunes, de toutes origines, de toutes les classes sociales. Ils viennent déposer des fleurs, un mot, se recueillir quelques instants en refoulant leurs larmes, lire, pour se convaincre de la nouvelle, le communiqué bordé de noir qui vient d’être placardé aux grilles du palais, selon la tradition.

Suivant la tradition, le communiqué annonçant la mort du duc d’Édimbourg est apposé aux grilles du palais. Il sera retiré quelques heures plus tard pour décourager les attroupements. © Anwar Hussein/EMPICS Entertainment/ABACAPRESS.COM
Suivant la tradition, le communiqué annonçant la mort du duc d’Édimbourg est apposé aux grilles du palais. Il sera retiré quelques heures plus tard pour décourager les attroupements. © Anwar Hussein/EMPICS Entertainment/ABACAPRESS.COM

"C’est avec un profond chagrin que Sa Majesté la reine a annoncé le décès de son époux bien-aimé, Son Altesse Royale le prince Philip, duc d’Édimbourg. Son Altesse Royale s’est éteinte paisiblement ce matin au château de Windsor. De plus amples informations seront apportées en temps voulu. La famille royale se joint à tous ceux qui, à travers le monde, pleurent sa perte." 

"Forth Bridge s'est écroulé" 

En ce vendredi 9 avril 2021, le premier prévenu est Boris Johnson, chef du gouvernement britannique. C’est le secrétaire privé de la reine qui lui téléphone. "Forth Bridge is down", dit-il d’une voix blanche. Forth Bridge s’est écroulé. Suivant le code convenu, il existe un pont du royaume, ici d’Édimbourg, pour désigner chaque membre majeur de la famille royale et le protocole à suivre au moment de sa mort. Forth Bridge, c’est le prince Philip.

Tandis que la télévision interrompt ses programmes et que, sur BBC One, la journaliste Martine Croxall lit dans un sanglot le communiqué d’Élisabeth II, Boris Johnson, devant le 10 Downing Street, rend un hommage appuyé à celui qui aura été "la force et l’ancrage" de la reine durant tant d’années.

Dans les heures qui suivent l'annonce de la mort du prince Philip, Boris Johnson prend la parole devant le 10 Downing Street. © ABACA
Dans les heures qui suivent l'annonce de la mort du prince Philip, Boris Johnson prend la parole devant le 10 Downing Street. © ABACA

À la suite du Premier ministre britannique, les messages de condoléances affluent, de tout le Commonwealth, bien sûr. Et au-delà, comme en témoigne la déclaration de Benjamin Netanyahou qui n’oublie pas que la princesse Alice, mère du duc d’Édimbourg et enterrée à Jérusalem, a été faite "Juste parmi les Nations". "Le prince Philip, dit-il, nous donne l’exemple parfait d’une vie au service de tous. Il sera regretté en Israël comme à travers le monde." 

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Parmi les familles régnantes, Margrethe de Danemark, Philippe et Mathilde de Belgique, Henri et Maria Teresa de Luxembourg – qui évoquent "les merveilleux souvenirs de nos rencontres", "l’esprit et l’humour" du duc d’Édimbourg – adressent à Élisabeth II des condoléances touchantes.

Mais le télégramme le plus émouvant vient sans conteste de la Zarzuela. "À Sa Majesté la reine du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord. De Leurs Majestés le roi et la reine d’Espagne. Chère tante Lilibet, nous sommes profondément attristés d’apprendre la disparition de notre cher oncle Philip. Emplis de chagrin et d’un sentiment de deuil, nous aimerions vous adresser du plus profond du cœur nos condoléances, au nom du gouvernement et du peuple d’Espagne, ainsi que toute notre sympathie et notre soutien. Nous n’oublierons jamais les moments que nous avons partagés avec lui, ni le témoignage qu’il laisse d’une vie de service et de dévouement à la Couronne et au Royaume-Uni, auprès de vous. Nos pensées et nos prières sont avec vous et toute la famille. Avec tout notre amour et notre affection. Felipe, Letizia." 

Un royaume uni dans le deuil 

Devant le palais de Buckingham, par respect des mesures gouvernementales de lutte contre la pandémie, le placard annonçant le décès du prince Philip est retiré pour éviter les attroupements. Les services de la reine prient le public de préférer le don à des associations soutenues par le duc d’Édimbourg au dépôt de fleurs devant les grilles, et surtout d’éviter de se rassembler auprès des résidences royales. Rien n’y fait, cependant. Beaucoup de personnes éprouvent le besoin d’être là, de communier au chagrin d’une nation et de sa souveraine.

Au matin du 12 avril les fleurs se font toujours plus nombreuses devant les grilles du château de Windsor. © ABACA
Au matin du 12 avril les fleurs se font toujours plus nombreuses devant les grilles du château de Windsor. © ABACA

Il est dix-huit heures, ce vendredi 9 avril, lorsque la cloche ténor de l’abbaye de Westminster commence à sonner de son timbre grave. Il y aura 99 coups, un par minute, pour les 99 ans du duc d’Édimbourg. Partout, dans Londres, chez chaque marchand de journaux, les éditions spéciales fleurissent, répétant à l’infini le visage de l’époux bien-aimé d’Élisabeth II.

Au château de Windsor, le prince de Galles est arrivé depuis Highgrove pour être auprès de sa mère, veiller son père dont le corps a été placé dans la chapelle privée de la reine. Sur le cercueil, l’étendard du prince Philip où se côtoient les armes royales danoises, le drapeau grec, les deux pals sable sur fond argent des Mountbatten et la représentation héraldique du château d’Édimbourg.

La reine au chevet de son époux jusqu'à la fin

Ce qu’ont été les dernières semaines du bien-aimé d’Élisabeth II, à Windsor, n’appartient qu’à eux deux et à leur famille. Il dormait souvent dans la journée mais continuait de lire un peu et avait toujours des moments de joie partagée avec sa chère Lilibet. Par beau temps, il faisait installer un fauteuil dehors et prenait le soleil, une couverture sur les genoux.

La reine veillait avec tendresse sur lui et adaptait ses horaires pour prendre ses repas avec lui quand il en avait la force. Elle était là, auprès de Philip, quand son état s’est aggravé, elle tenait sa main quand il est mort le lendemain.

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De son côté, Charles aura pu passer un moment au chevet de son père, à l’hôpital Edward-VII, le 20 février dernier. Il l’a revu et a longuement parlé avec lui, le 23 mars, lorsqu’il est venu à Windsor, une semaine après le retour au château d’un duc d’Édimbourg fraîchement opéré du cœur.

Ce jour-là, le prince de Galles est photographié avec Élisabeth II alors que tous deux se promènent dans les jardins de Frogmore House, parmi les arbres en fleurs. Une image diffusée ce 2 avril, à l’occasion du vendredi saint, jour de la passion du Christ. Manière de dire qu’à la mort succède la vie, d’entretenir l’espérance chez leurs concitoyens éprouvés par la pandémie et le confinement dont la fin se profile.

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Le duc d’Édimbourg aura encore eu le bonheur d’apprendre la naissance de son dixième arrière-petit-enfant, Lucas Philip, fils de Zara Tindall, le 24 mars. La fierté aussi, une semaine plus tard, de voir...

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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