Passions brisées et déchirements familiaux : peut-on aimer chez les Windsor ?

De la reine Victoria au prince Harry, en passant par Édouard VIII, la princesse Margaret, Élisabeth II ou le prince Charles, les vies amoureuses des membres de la famille royale britannique ont été multiples, souvent compliquées, voire impossibles. Entre tradition et passion, le choix du cœur est souvent menacé. La Couronne est-elle plus forte que les sentiments ? Éléments de réponses.

Par Jérôme Carron - 10 février 2021, 07h31

 Décidés à vivre leur amour sans contrainte, Harry et Meghan marchent vers leur avenir, non sans difficulté. Le couple le jour de son mariage le 19 mai 2018.
Décidés à vivre leur amour sans contrainte, Harry et Meghan marchent vers leur avenir, non sans difficulté. Le couple le jour de son mariage le 19 mai 2018. © Mega / KCS PRESSE

Un chemin traverse une plaine de tourbe sous un ciel incertain. Une silhouette féminine se distingue, tassée sur un poney aussi noir que sa robe. Non loin des forêts de Balmoral, la reine Victoria s’adonne à sa balade quotidienne. À ses côtés, un homme trapu vêtu d’un kilt, John Brown. Il est très proche de la souveraine. Au point de barrer la route au prince de Galles lorsqu’il estime que la reine ne peut le recevoir, et de dormir dans une chambre contiguë à celle de Sa Majesté. La souveraine a confiance en cet homme dépourvu d’esprit de cour, d’un caractère brut, sans fioritures ni faux-semblants.

La reine Victoria, femme d’un seul homme ? 

Depuis la mort de son époux, son bien-aimé Albert, en 1861, Victoria subit la tristesse d’un deuil inconsolable. Mais lors de ses séjours sur ses terres du Nord, trop longs au goût du gouvernement, elle retrouve l’envie de vivre. Entourée par la chaleur bienveillante de John, la reine se sent à nouveau aimée et respectée. Elle lui dit : "Personne ne vous aime plus que moi et vous n’avez pas de meilleure amie que moi." Il lui répond : "Ni vous que moi ! Personne n’vous aime mieux." À sa mort, Victoria est enterrée avec une mèche de John Brown et des photos de lui dans sa main gauche, cachées aux yeux de sa famille par un bouquet de fleurs.

À Balmoral en 1863, John Brown tient les rênes de ses sentiments. © Mansell/The LIFE Picture Collection via Getty ImagesÀ Balmoral en 1863, John Brown tient les rênes de ses sentiments. © Mansell/The LIFE Picture Collection via Getty Images

La biographie romancée qu’elle avait écrite de lui est détruite. Comme les lettres qu’elle adressait plusieurs fois par jour à Abdul Karim, son dernier serviteur venu l’initier à la culture indienne. Pendant treize ans, cet ultime confident ne la quitte pas. Mais, au lendemain du décès de sa mère, le roi Édouard VII brûle toutes traces de leurs échanges. Au-delà de la réalité de leurs sentiments, l’Histoire ne peut imaginer un autre homme que le prince Albert dans la vie de la reine Victoria. Son image posthume doit rester sans tache.

Incarnation du pouvoir royal exercé au féminin, la puissance, la moralité et la maternité de Victoria se confondent ne laissant aucune place à une vie personnelle, encore moins amoureuse. La Couronne lui interdit toute forme d’humanité autre que celle liée à sa fonction, d’autant plus qu’elle est une femme. Aux yeux des conseillers royaux, Victoria représente une image de perfection pour servir la perpétuation de la royauté.  

Abdul Karim, le serviteur préféré de la reine Victoria pendant les quinze dernières années de son règne. Ils s’écrivaient tous les jours, mais l’Histoire gardera l’image de la souveraine fidèle à son époux bien-aimé le prince Albert. © Hulton Archive/Getty ImagesAbdul Karim, le serviteur préféré de la reine Victoria pendant les quinze dernières années de son règne. Ils s’écrivaient tous les jours, mais l’Histoire gardera l’image de la souveraine fidèle à son époux bien-aimé le prince Albert. © Hulton Archive/Getty Images

En revanche, la vie sentimentale de son fils Édouard VII se passe entre son épouse Alexandra de Danemark, Alice Keppel, sa maîtresse, et de nombreuses demi-mondaines. Cette existence de débauche est connue, mais ne perturbe en rien le fonctionnement de la maison royale. L’Histoire reste virile, plus que sentimentale, et les membres de l’institution regardent ailleurs. Mais cette myopie misogyne n’empêche pas la romance du roi Édouard VIII de faire vaciller la Couronne, lorsque le jeune souverain demande à sortir des alcôves pour imposer au grand jour l’élue de son cœur. 

Wallis et Édouard VIII, une histoire d'amour qui n'en était pas vraiment une

Le 11 décembre 1936, dans un salon du Fort Belvédère, sa demeure dans le parc de Windsor, le roi Édouard VIII lit une déclaration à la BBC : "J’ai jugé impossible de continuer à assumer ma lourde responsabilité et d’accomplir comme je le voulais mes devoirs de roi sans l’aide et le soutien de la femme que j’aime." Ce jour-là le fils de George V conclut une histoire impossible. Fou amoureux de Wallis Simpson, une Américaine à la réputation douteuse mariée deux fois, il déclare vouloir convoler avec elle peu après la mort de son père. Mais le chef de l’Église anglicane ne peut s’unir à une personne divorcée. 

Au début des années 1930, Mrs. Simpson supplante lady Furness dans le coeur du prince de Galles. Devenu le roi Édouard VIII, en 1936, ce dernier ne peut désormais plus se passer de cette amante qui règne sur ses sens. © Bettmann/Getty ImagesAu début des années 1930, Mrs. Simpson supplante lady Furness dans le coeur du prince de Galles. Devenu le roi Édouard VIII, en 1936, ce dernier ne peut désormais plus se passer de cette amante qui règne sur ses sens. © Bettmann/Getty Images

Immature, dominé par ses émotions, Édouard VIII refuse de céder au gouvernement qui le pousse à renoncer. Contraint par son intransigeance, il abdique en faveur de son frère, le roi George VI. Voilà pour l’Histoire. La réalité est légèrement différente.

Tout d’abord cet acte démontre la toute-puissance de la monarchie. Aucun désir personnel n’entre en ligne de compte. Si le récit de l’amour contre la Couronne passionne les foules, elle reste la plus forte afin de garantir sa pérennité. En cas d’impossibilité du monarque d’assumer son statut, l’ordre de succession s’applique, sans états d’âme. Mais derrière le rideau de fer sur lequel se brisent les sentiments, il existe une sourde peur. Celle du déshonneur et de l’anti-patriotisme.

Le couple aux Bahamas où le duc de Windsor a été nommé gouverneur pendant la Deuxième Guerre mondiale. © Archives/Getty ImagesLe couple aux Bahamas où le duc de Windsor a été nommé gouverneur pendant la Deuxième Guerre mondiale. © Archives/Getty Images

Les relations d’Édouard VIII avec des dirigeants et des sympathisants déclarés du IIIe Reich sont les véritables raisons de son abdication. Reçu par Hitler et soupçonné d’avoir donné des informations aux forces allemandes, les opinions et les actions du roi anglais s’avèrent dangereuses pour la Couronne et pour le pays.

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Faisant valoir sa vie de couple face aux exigences monarchiques, l’Histoire cache pour un temps les tentations du monarque, comme elle gardera sous silence ses prétentions financières. En exil dans son hôtel particulier du bois de Boulogne, le duc de Windsor quémande régulièrement d’inélégants moyens de subsistances auprès de son frère. Il ne se résout guère à renoncer aux fastes royaux.

Si la légende amoureuse est la plus belle à écrire, ses à-côtés sont réservés aux sous-paragraphes des livres d’Histoire. La Couronne en est-elle coupable ? Le portrait se nuance, comme dans un autre mythe romantique de la dynastie Windsor, la populaire histoire d’amour entre la princesse Margaret et l’aviateur Peter Townsend

L'amour impossible de la princesse Margaret

Le 6 septembre 1948, les invités au bal donné pour l’installation de la reine Juliana des Pays-Bas médisent sous les ors du palais royal d’Amsterdam. Entre crinolines et tiares royales, tous comptent le nombre de danses partagées par la sœur cadette d’Élisabeth II et un beau jeune homme. D’après les plus informés, il est un ancien écuyer de son père, le roi George VI. Ils paraissent très proches, trop, ajoutent certains.

Des années plus tard, ils repensent à cette soirée en lisant le récit de la romance entre la princesse Margaret et l’aviateur Peter Townsend à la une des journaux. Margaret, âgée alors de 23 ans, ne peut se marier sans le consentement de la reine. Prise entre sa position et son affection pour sa sœur, Élisabeth II lui demande d’attendre ses 25 ans. La princesse pourra alors se passer de son autorisation.

Pilote héroïque de la Seconde Guerre mondiale, Peter Townsend aurait fait un parti acceptable, s'il n'était divorcé et père de deux enfants. © Popperfoto/Getty ImagesPilote héroïque de la Seconde Guerre mondiale, Peter Townsend aurait fait un parti acceptable,...

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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