Le communiqué du palais, diffusé le jeudi 13 janvier 2022, signe un désaveu sans appel. "Avec l’approbation et l’accord de la reine, les titres militaires honoraires et les parrainages royaux du duc d’York ont été retournés à Sa Majesté. Le duc d’York continuera à ne remplir aucun engagement public et se défend sur le plan judiciaire en tant que citoyen ordinaire." Pour Andrew, le coup est rude, mais Élisabeth II n’avait plus le choix. Plus que jamais embourbé dans les suites du scandale Jeffrey Epstein, son fils cadet vient de voir s’envoler ses espoirs d’échapper à la justice américaine dans le cadre de la plainte déposée en 2019 par son accusatrice Virginia Giuffre.

Depuis 2015, la jeune femme, installée en Australie, accuse le duc d’York de l’avoir agressée sexuellement à trois reprises en 2001, alors qu’elle était âgée de 17 ans. Des accusations auxquelles le prince oppose une défense maladroite. Le 4 janvier, ses avocats abattent une carte qu’ils espèrent décisive et dévoilent l’existence d’un accord jusqu’ici resté secret, dans lequel l’accusatrice de leur client s’engage à n’intenter aucune poursuite contre Epstein ou "tout autre accusé potentiel" de son entourage, en l’échange de 500.000 dollars, perçus en 2009. S’appuyant sur ce fait, ils plaident le classement sans suite. Peine perdue, leurs arguments échouent à convaincre le tribunal : "La demande de rejet doit être refusée à tous égards", écrit le juge Lewis Kaplan dans sa décision, rendue publique le 12 janvier.
Le 31 décembre, ce même juge rejetait déjà une autre demande en nullité formulée par le conseil d’Andrew, maître Brettler, au motif que Virginia Giuffre ne pouvait pas porter plainte aux États-Unis puisqu’elle réside hors des frontières du pays. Dans un État de New York de plus en plus protecteur des victimes d’abus sexuels et très marqué par la vague #metoo, ces décisions successives annoncent la tenue d’un procès au civil, prévu d’après le juge à l’automne 2022, sous réserve d’éventuels recours du prince.
La menace Ghislaine Maxwell...
Catastrophique pour le palais royal, le scénario apparaît d’autant plus plausible que l’autre protagoniste de l’affaire Epstein, Ghislaine Maxwell, vient d’être jugée coupable de cinq chefs d’accusation, parmi lesquels le trafic sexuel sur mineures et l’association de malfaiteurs, à l’unanimité du jury. Un jury dont deux membres sont accusés de parjure, pour n’avoir pas déclaré avoir été victimes d’abus sexuels. Un vice de procédure dans lequel pourrait s’engouffrer la défense de la condamnée.
Il n’empêche, pendant trois semaines d’un procès au cours duquel la fille de Robert Maxwell n’aura montré ni remords ni empathie, le nom de Virginia Giuffre a été mentionné à de nombreuses reprises à la barre, tout comme l’affirmation selon laquelle le fils de la reine avait été vu plusieurs fois à bord du jet privé d’Epstein, le fameux "Lolita Express".
Désormais soutenus par l’autorité de la chose jugée, ces éléments constituent autant de points sur lesquels les avocats de Virginia Giuffre peuvent largement s’appuyer. Devant une telle accumulation, le prince Andrew devrait tenter de conclure un accord à l’amiable avec son accusatrice, comme le permet la justice américaine à tout moment de la procédure. L’accord pourrait s’élever à plus de 5 millions de livres sterling de dédommagements, peut-être davantage au regard de récentes déclarations d’une ancienne amie de la plaignante, Carolyn Andriano, témoin pendant le procès de Ghislaine Maxwell.
Un accord financier avec Virginia Giuffre peu probable
Dans une interview donnée au Daily Mail, la jeune femme affirme qu’en 2001, Virginia Roberts – devenue Mme Giuffre après son mariage, en 2002 – lui a envoyé un message dans lequel elle se vantait d’avoir eu une relation sexuelle avec le prince Andrew. Entrée par le biais de Virginia dans les cercles d’Epstein, elle a ensuite elle-même été abusée par le pédo-criminel. S’il jette une ombre sur l’image de son ancienne amie, le témoignage de Mme Andriano met sérieusement à mal les dénégations du duc d’York, qui affirmait à la BBC n’avoir "absolument aucun souvenir" d’avoir rencontré Virginia Roberts.
Si la voie extra-judiciaire permettrait à la famille royale d’éviter la pénible exposition médiatique d’un procès, telle n’est pas pour l’instant l’option privilégiée par la plaignante. "Il est très important pour Virginia Giuffre que cette affaire soit résolue d’une façon qui fasse pleinement valoir sa parole ainsi que celle des autres victimes", affirme son avocat, maître David Boies, estimant "peu probable" que sa cliente accepte un accord purement financier. De son côté, le prince Andrew vend son luxueux chalet à Verbier. Mise à prix : vingt millions d’euros. Une somme qui devrait bientôt lui per-mettre d’acquitter ses frais de justice. Et sur-tout d’avoir les fonds suffisants pour indemniser Virginia Giuffre, au cas où un accord financier pourrait intervenir.
Dans la famille royale, Andrew est définitivement isolé
Qu’il se dérobe ou non au procès, le duc d’York ne lavera pas son honneur. "De toute façon, il n’existe pas de classement sans suite auprès de l’opinion publique", tranche une éditorialiste du quotidien The Telegraph. "Un homme décoré des plus prestigieuses distinctions du royaume ne peut pas refuser de coopérer à une enquête criminelle du FBI, encore moins de dire ce qu’il sait en témoignant sous serment", estime-t-elle. Une lecture qui nourrit les craintes dans l’entourage d’Andrew, où l’on redoute aussi d’éventuelles confessions de Ghislaine Maxwell, qui pourrait être tentée de parler pour alléger sa peine. En ce début d’une année où sera célébré le jubilé de platine de la reine, le duc d’York est définitivement persona non grata.

Au palais, après la suppression de ses titres militaires honoraires et de ses patronages, une autre piste serait également à l’étude, celle d’un isolement renforcé de celui qui est désormais le mouton noir des Windsor. Déjà voué à un véritable exil intérieur, cantonné le plus clair du temps à Royal Lodge, le prince Andrew a récemment été pris à partie par une femme qui a tambouriné sur la carrosserie de sa voiture, arrêtée à un feu rouge. L’ancien enfant chéri d’Élisabeth II commence enfin à mesurer le degré d’indignation qu’il suscite. Il ne s’est d’ailleurs pas risqué à accompagner son ancienne épouse et ses filles Eugenie et Beatrice à Verbier en cette fin d’année. Ce que serait cet exil reste à déterminer, peut-être une demeure discrète sur le domaine de Balmoral ou de Sandringham.
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