Le contraste est frappant. Les dernières sorties de la duchesse de Sussex se résument à un après-midi au mois de juin, lorsqu’elle est venue soutenir son époux qui participait à un match de polo à Santa Barbara et, en juillet, à une apparition dans les travées de l’ONU lorsqu’il fut invité par la Fondation Nelson Mandela à prononcer un discours. Pendant ce temps, de l’autre côté de l’Atlantique, la duchesse de Cambridge multiplie les événements. Son élégance lui a valu la première place dans le classement des femmes les mieux habillées en 2022, établi par le magazine Tatler, et l’admiration de ses compatriotes. Au-delà d’une rivalité souvent fantasmée entre les deux femmes, Meghan est aujourd’hui totalement dépassée par la présence de sa belle-sœur dans les médias.
Harry et Meghan, "le nouveau visage de la monarchie" selon le New York Times
Et pourtant, le 19 mai 2018, lorsqu’elle descend les marches de la chapelle Saint-Georges au bras du prince Harry, Meghan Markle est l’incarnation d’une modernité éclatante au sein d’une institution jugée poussiéreuse. Deux milliards de télé- spectateurs s’extasient devant ce conte de fées moderne. Les journalistes se passionnent pour son parcours et la jeunesse l’érige en modèle. Face à cette popularité déferlante, la famille royale joue le jeu.
Trois semaines après la cérémonie, Meghan est invitée par Élisabeth II à bord du train royal, insigne privilège auquel ni les Cambridge ni le prince Harry n’ont eu droit. Trois mois plus tard, la tournée du duc et de la duchesse de Sussex en Australie, en Nouvelle-Zélande et aux îles Fidji, est un succès. Le New York Times décrit le couple "jeune, mixte, respirant le cool", comme "le nouveau visage de la monarchie". La naissance d’Archie, le 6 mai 2019, est le couronnement de cette histoire d’amour.
Mais, à rebours du protocole, Harry et Meghan ne divulguent pas l’identité des parrains et marraines et ne sacrifient pas à la sacro-sainte photo sur le perron de la maternité. Ces choix assumés sont perçus par beaucoup comme un tour de force dans une institution faussement inamovible. Pour eux, la photo de Meghan tenant Archie dans ses bras face à la reine et à sa mère Doria Ragland est la preuve du bouleversement de l’image de la famille royale initié par la duchesse de Sussex. Et cette volonté de préserver leur fils n’entame pas le capital sympathie du couple, loin de là.
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À l’automne 2019, en Afrique du Sud, les yeux de Meghan s’embrument de larmes devant la caméra du journaliste Tom Brady lorsqu’il s’enquiert de son état d’esprit. En réponse, l’opinion publique désigne la presse et les obligations monarchiques comme responsables des difficultés de la jeune maman. À la fin de cette même année, l’annonce de leur "mise en retrait", suivie du Megxit, les transforme en stars.
Le 3 mars 2020, avant leur départ, Meghan et Harry, sous un parapluie scintillant de perles d’eau dans une sombre nuit londonienne, deviennent l’emblème du glamour et de la liberté. Au sommet du monde, rien ne semble pouvoir leur résister. "Nous pouvons tous avoir une vie de service. Le service est universel", écrit le couple dans un communiqué publié après son installation en Californie. L’épidémie de Covid-19 limite leur champ d’action.
Des projets qui n'aboutissent pas
Mais, alors que les Windsor passent des journées en vidéoconférence au contact des personnes en première ligne, Harry et Meghan se contentent de brèves apparitions pour distribuer des colis. En fait, le couple prépare une bombe médiatique : une interview fleuve avec la papesse de la télévision américaine Oprah Winfrey. Les promesses de révélations de la bande-annonce sont tenues : accusations de racisme, incompréhensions culturelles, sentiments de mépris... Meghan et Harry étalent leurs états d’âme devant plus de 40 millions de téléspectateurs.
Ces attaques contre la "Firme", qui rappellent celles de la princesse de Galles, trouvent un véritable écho au sein de l’opinion. Pour beaucoup, ils sont les victimes d’une institution aveugle et froide. L’annonce des contrats avec Netflix et Spotify achève d’intégrer les nouveaux résidents de Montecito dans le cirque hollywoodien. À ce stade, le système paraît rodé : des contenus pour les plateformes, d’un côté, et la création de la fondation Archewell pour les actions à but caritatif, de l’autre. L’ensemble doit être mis en valeur par une communication maîtrisée d’une main de fer.
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Mais la parution de Harry et Meghan, libres, d’Omid Scobie et Carolyne Durand, brouille le message. Cette version écrite, avec leur accord, de leur confession télévisée se retourne contre eux. L’acharnement à "vendre" leur difficulté d’être depuis leur villa californienne estimée à 14 millions d’euros commence à faire sourire. D’autant plus que leurs projets pour Netflix n’aboutissent pas et que les actions d’Archewell sont invisibles. Seule la dizaine de sociétés créées par leurs avocats dans l’État le plus fiscalement favorable des États-Unis apparaît au grand jour. Pour le reste, le projet de dessin animé Pearl, imaginé par Meghan, est abandonné, le documentaire sur les Invictus Games n’est pas terminé et les dirigeants de Spotify recrutent un responsable pour accélérer la production des podcasts.
Dans cet océan de vide, surnagent un livre pour enfants, The Bench, écrit par Meghan, et un salaire, à sept chiffres, obtenu par Harry pour son poste de Chief Impact Officer dans la start-up BetterUp. Certes, leur voyage "privé" de trois jours à New York en septembre dernier – visite du mémorial du 11-Septembre, du siège de l’OMS, apparition sur la scène du concert Global Citizen... – marque les esprits. Mais plus par les changements de tenues de Meghan, le nombre impressionnant de voitures du cortège officiel et la présence envahissante des caméras de Netflix, que par leurs discours. Le couple semble avoir perdu la main.
Le déballage de leurs émois personnels et de leur conviction de "faire du monde un endroit meilleur" cache mal l’absence d’actions concrètes. Paradoxe évident, au vu de leur volonté de préserver leur vie privée, ce choix de privilégier le récit intime engendre, de surcroît, des contre-enquêtes. Coup sur coup, trois livres dévoilent en partie l’envers du décor trop parfait des Sussex.
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