Elizabeth II, The Unseen Queen : la reine comme vous ne l’avez jamais vue

C’est une merveille dont on n’aurait pas même osé rêver. La BBC a eu un accès illimité aux films privés d’Élisabeth II. Cela donne The Unseen Queen, un documentaire allant de 1926 à 1953, disponible sur Arte.tv. À la veille de son jubilé, la reine nous racontait sa propre histoire. Bouleversant. 

Par Antoine Michelland - 01 juin 2022, 07h46

 Le roi George VI avec son épouse la reine Elisabeth et leurs deux filles, les princesses Elisabeth et Margaret, au Royal Lodge de Windsor Castle en 1939-40.
Le roi George VI avec son épouse la reine Elisabeth et leurs deux filles, les princesses Elisabeth et Margaret, au Royal Lodge de Windsor Castle en 1939-40. © akg-images / World History Archive

Une jeune fille de 20 ans s’avance vers la caméra, un sourire radieux aux lèvres. Elle ne quitte pas des yeux la bague qu’elle porte à l’annuaire gauche, contemplant sa main étendue devant elle. La scène ne dure qu’un instant. C’est la princesse Élisabeth. Nous sommes en août 1946, sur le domaine de Balmoral, où le prince Philip de Grèce et de Danemark est invité pour la première fois à faire un séjour prolongé. Il vient de demander sa bien aimée en mariage et de lui offrir sa bague de fiançailles. 

Il a dessiné lui-même le modèle et utilisé les diamants provenant d’un diadème que lui avait donné sa mère, la princesse Alice. C’est lui aussi, très probablement, qui se trouve derrière la caméra et réalise ce petit film amateur comptant parmi les premiers souvenirs d’un amour désormais entré dans la légende. 

Des bobines de ce type, il en existe plus de quatre cents, dont certaines étaient mal identifiées. Elles sont rangées dans les coffres du British Film Institute auquel elles ont été confiées à titre privé par le Royal Collection Trust. Les films qu’elles contiennent sont l’œuvre dans la plupart des cas des parents d’Élisabeth II, le roi George VI et la reine mère, et plus tard du prince Philip, mais aussi d’autres membres du clan Windsor. 

Un documentaire intime

Pour la première fois, la souveraine a autorisé la BBC à visionner et utiliser ces courts métrages familiaux, aussi inédits que privés, afin de réaliser Elizabeth : The Unseen Queen, un documentaire de soixante-quinze minutes, diffusé le dimanche 29 mai. Un événement inédit et le véritable lancement des festivités du jubilé de platine de Sa Très Gracieuse Majesté.

Car grâce à l’utilisation d’extraits sonores de plus de trois cents discours, prononcés par la reine en quatre-vingts ans de vie publique, grâce aussi à des pensées personnelles d’Élisabeth II enregistrées le 19 mai dernier spécialement pour le documentaire, le téléspectateur britannique découvre, racontée par elle-même, la vie de sa souveraine, du berceau au couronnement. 

C’est un film intime, l’envers du miroir et de la vie officielle, un film qui nous montre sans fard les bonheurs et les drames d’une enfant, d’une jeune fille, d’une épouse, d’une reine à son avènement, aujourd’hui devenue le chef d’État le plus âgé au monde toujours en exercice. 

Nous n’avons connu qu’elle à la tête de la Grande-Bretagne et du Commonwealth. Elle est non seulement LA reine mais aussi notre grand-mère universelle, celle dont nous sommes émus de découvrir aujourd’hui les premières sorties dans sa poussette, filmées par son père, alors duc d’York, les rires et les jeux des heures d’insouciance, tous ces souvenirs infiniment précieux qui n’appartiennent qu’à elle et qu’elle a choisi aujourd’hui de partager avec tous. 

Jours heureux et heures sombres

Arrêts sur images, florilèges de scènes charmantes qui en disent long sur "nous quatre", cette entité familiale indissociable, constituée par le duc et la duchesse d’York et leurs deux filles, les princesses Élisabeth et Margaret

Le futur George VI fait tout pour que ses deux enfants connaissent une enfance plus heureuse que la sienne. Même l’austère et redouté George V, le grand-père de Lilibet, est sous le charme de cette "petite silhouette surmontée d’une tête toute bouclée", comme la décrira plus tard sa gouvernante, Marion Crawford. Voici ce terrible "Grandpa England", justement, en train de faire de la voile, au large de l’île de Wight, en 1931. Images toujours inédites. L’année précédente, il a offert son premier poney à sa chère Lilibet, la seule enfant avec qui il ait jamais joué.

La princesse héritière Élisabeth avec son père, le roi George VI, en 1946.
A LIRE AUSSIGeorge VI, un père et un roi modèle pour Élisabeth II

Été d’avant-guerre, une héritière du trône pas encore adolescente, imitée par sa cadette, fait des mimiques et des grimaces à la caméra tendue par son père, devenu le roi George VI. La princesse Élisabeth a été tenue à l’écart du drame de l’abdication de son oncle Édouard VIII qui décide de son destin autant que de celui de son père. 

La famille a cependant déménagé de la maison du 145 Piccadilly au palais de Buckingham, le 18 février 1937. Au vu des immenses corridors, Lilibet déclare simplement, "les gens, ici, auraient besoin de bicyclettes". 

Fin d’hiver et début de printemps 1940. Jusqu’à la mi-mai, les deux jeunes princesses sont installées à Royal Lodge, sur le domaine de Windsor, où leurs parents viennent les voir dès qu’ils le peuvent. Malgré la guerre, l’angoisse, George VI fait de son mieux pour préserver ses enfants de la tragédie qui embrase le monde. 

On le voit se livrer à un canular et renverser la chaise sur laquelle est assise Lilibet, hilare, sous le regard de sa sœur. Même lieu, autre scène, Élisabeth et Margaret esquissent devant la caméra une pantomime absolument irrésistible. Bientôt, cependant, sous la menace de la Bataille d’Angleterre, elles se replieront à l’abri des hauts murs du château de Windsor. 

La famille royale n’est pas épargnée par les deuils. Le documentaire le rappelle lorsqu’il montre la petite princesse héritière en compagnie de son oncle George, le duc de Kent, tué en service le 25 août 1942, dans le crash de l’avion qui l’emmenait à Terre-Neuve. Elle a 4 ans sur ce film et salue militairement son oncle, campée sur son poney.

Élisabeth filmée au bras de sa grand-mère, la reine douairière Mary

Après-guerre, voici la princesse Élisabeth filmée au bras de sa grand-mère, la reine douairière Mary, souriante et heureuse. "Grannie chérie" est pour elle un modèle en matière de monarchie et se montre aussi affectueuse à son égard qu’elle a été froide avec ses propres enfants. La reine Mary lui transmet son culte du devoir et son dévouement absolu à l’institution monarchique. Elle est aussi la confidente de la jeune princesse, ainsi que l’indiquent d’émouvants extraits de lettres que lui adresse sa "très aimante petite-fille".

1947. C’est l’année de ses 21 ans. Et surtout de deux engagements pour la vie. Le premier se fera le 21 avril, jour de son anniversaire, par le discours du Cap, prononcé à la radio, à l’intention de tous les peuples du Commonwealth : "Je déclare devant vous tous, que ma vie entière, qu’elle soit courte ou longue, sera entièrement vouée à votre service et au service de notre grande famille impériale, à laquelle nous appartenons tous." 

Le documentaire nous révèle les coulisses de ce voyage historique, annonciateur, déjà, du règne qui vient. Images, à bord du HMS Vanguard, du roi George VI, passant la tête au-dessus des épaules de ses deux filles, probablement filmé par son épouse. La princesse Élisabeth s’amuse à prendre la pose de manière exagérée devant la résidence qu’elle occupe avec sa famille, dans le parc national du Natal, lors de trois jours de repos au milieu de la grande tournée officielle.

Le 20 novembre 1947, c’est au prince Philip, duc d’Édimbourg, que la princesse Élisabeth dit oui, à l’abbaye de Westminster et devant les caméras de la BBC. Le film de famille tutoie l’Histoire. Pour retrouver l’intime à l’occasion de scènes prises sur le vif, avec Charles et Anne, tout petits, passant du temps avec leur mère et leurs grands-parents. Puis lors du dernier été avec George VI à Balmoral. 

Six mois plus tard, le 6 février 1952, il meurt dans son sommeil, rongé par le cancer du poumon et la tension des années de guerre. En visite officielle au Kenya, Élisabeth est la dernière à apprendre qu’elle est devenue reine et le premier monarque à accéder au trône in absentia depuis George Ier, en 1714, c’est-à-dire alors qu’elle ne se trouve pas sur le sol britannique. "Winston Churchill, mon premier Premier ministre", affirme la reine en voix off, "disait que plus loin vous regardez dans le passé, plus loin vous pouvez...

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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