L’affirmation est brutale: "La Covid-19 aura causé plus de dommages à la monarchie qu’Oliver Cromwell." Ainsi s’exprime Andrew Morton dans les colonnes du Daily Telegraph, le 11 juin 2020. Pour le plus célèbre biographe de la défunte princesse de Galles, "c’est terriblement triste, mais je ne vois pas comment la reine pourrait reprendre ses activités (…), dans les faits, son règne s’est achevé".
Le virus, il est vrai, va continuer d’être une menace pour les mois, peut-être les années, à venir. Et Andrew Morton anticipe que, dans ces conditions, une personne de l’âge d’Élisabeth II ne saurait prendre le risque d’aller à la rencontre de ses concitoyens. Cela reviendrait d’ailleurs à mettre en danger le duc d’Édimbourg, confiné d’abord à Windsor avec elle avant de la suivre à Balmoral puis, le 16 septembre, à Sandringham. Sans parler du signal négatif donné aux retraités et personnes fragiles du royaume, priés par les autorités de prendre toutes les précautions possibles.
Le discours télévisé d'Élisabeth II au début du confinement a rassemblé plus de 24 millions de téléspectateurs. © Yui Mok/PA Wire/ABACAPRESS.COM
Autant d’éléments dont la reine a parfaitement conscience et qui l’ont, certes, obligée à modifier sa façon de travailler mais ne l’obligeront jamais à renoncer. Sa devise aura été, pendant soixante-huit années de règne, "j’ai besoin d’être vue pour être crue". Depuis le confinement, elle a aussi besoin d’être entendue pour rassurer ses concitoyens et fédérer dans une période qui a tout d’une terra incognita pour la Grande-Bretagne et pour le reste du monde.
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Le contact direct lui étant impossible, Élisabeth II aura davantage parlé aux Britanniques et aux citoyens du Commonwealth en deux mois qu’en six décennies. Qu’il s’agisse de discours télévisés formels, comme celui prononcé le 8 mai à l’occasion du 75e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, ou d’interventions sur les réseaux sociaux, comme lors de la Journée internationale des infirmières. Ou de son entretien via Zoom, le 14 juillet, avec un membre de l’équipe jamaïcaine de bobsleigh. L’occasion d’un royal éclat de rire qui a fait aussitôt le tour d’Internet et de la planète.
Une reine toujours au travail même par écrans interposés
À 94 ans, Sa Très Gracieuse Majesté est devenue par nécessité la reine des écrans, de la communication virtuelle et du télétravail. Une belle preuve d’adaptabilité. Même ses réunions hebdomadaires avec le Premier ministre Boris Johnson continuent de se dérouler à distance. Le Trooping the Colour est venu à elle selon un format minimaliste et dans la cour d’honneur du château de Windsor. Les traditionnelles garden parties d’été au palais de Buckingham et à Holyroodhouse sont annulées.
Élisabeth II va passer directement de son confinement à Windsor aux vacances à Balmoral dans le prolongement de ce qui restera la plus longue suspension de devoirs officiels de son règne. À l’exception de l’adoubement du désormais célèbre capitaine Tom Moore qui, à 100 ans, a réussi à collecter plus de 30 millions de livres sterling au profit du service de santé britannique, en marchant autour de son jardin.
D’évidence, cette nécessaire prise de distance physique de la reine, pour une durée qui reste indéterminée, exige une mobilisation maximale des principaux piliers du clan Windsor. À commencer par le prince de Galles et la duchesse de Cornouailles.
Le prince Charles et son épouse au premier plan
Après le confinement initial, l’un et l’autre sont plus que jamais sur le terrain. Ce qui leur donne l’opportunité de faire passer des messages rassurants quant à la stabilité et à la solidité de l’institution qu’ils incarnent. Notamment, le 9 juillet, à l’occasion d’un engagement au centre de distribution alimentaire Asda de Bristol, où l’héritier du trône et son épouse viennent remercier l’ensemble du personnel pour sa mobilisation extrême en plein cœur de la crise. Lorsqu’elle entend un magasinier de 74 ans lui dire qu’il n’a pas du tout l’intention de prendre sa retraite tant qu’il sentira qu’il peut rester utile, Camilla lui répond qu’elle comprend et partage son point de vue. "Elle a ajouté qu’elle-même n’avait pas du tout l’intention de prendre quelque retraite que ce soit. Pas plus que le prince", confie ensuite à la presse son interlocuteur.
Charles et Camilla le 15 oût 2020 ont commémoré la capitulation du Japon face aux Alliés. © Anthony Devlin/PA Wire
Quelques jours plus tôt, invitée du Emma Barnett Show, sur BBC Radio 5, la même duchesse de Cornouailles déclare à propos de son époux: "Il est sans aucun doute l’homme de son âge le plus en forme que je connaisse. (…) Il va marcher et marcher et marcher. On dirait une chèvre de montagne. Il laisse tout le monde des miles en arrière." Et de livrer l’un des secrets de santé du prince de Galles, deux fois douze minutes d’exercices physiques quotidiens, selon un programme mis au point par l’armée de l’air canadienne.
Autrement dit, même si la reine est tenue de se montrer prudente étant donné les incertitudes sanitaires, le couple héritier est solide au poste. Et si Charles n’a eu à souffrir que d’une forme bénigne de la Covid-19 c’est parce qu’il est en parfaite santé, bien plus que la plupart des septuagénaires.
L'ensemble de la famille royale s'est mobilisée pour supporter la reine durant le confinement, ici à l'occasion de la Journée internationale des infirmières. A gauche, de haut en bas: Camilla, duchesse de Cornouailles, le prince William et son épouse la duchesse de Cambridge; au centre: le prince Charles; à droite, de haut en bas: la princesse royale, la comtesse de Wessex et la princesse Alexandra. © ABACA
Bref, il est important que les Britanniques sachent que la relève est là et que le premier successible à la couronne continuera de servir avec le même dévouement que sa mère et son père. L’institution monarchique doit demeurer un phare dans la nuit, face à l’océan de fluctuations qu’affronte le Royaume-Uni. D’ailleurs, autour du prince de Galles, les renforts serrent les rangs.
À commencer par les Cambridge qui accélèrent encore leur montée en puissance sur tous les fronts, déjà amorcée avec le retrait de Harry et Meghan de la vie officielle. Depuis longtemps recordwoman des visites et engagements, la princesse royale semble redoubler encore sa présence sur le terrain à l’heure de son soixante-dixième anniversaire. Edward et Sophie de Wessex, très proches de la reine, se rendent chaque jour plus indispensables. Il n’y a plus de seconds rôles, mais une famille royale unie derrière Élisabeth II, au service d’une population plongée au cœur d’une crise inédite qui aura bouleversé durablement la marche du monde.
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