Élisabeth II, reine incontestée de la culture pop

Sa doublure saute en parachute avec James Bond au-dessus du stade de Wembley. Madonna et Lady Gaga ont le trac à l’idée de faire la révérence devant elle. Les photographes de mode se l’arrachent. Elle est devenue une valeur sûre au cinéma et inspire les meilleures séries du moment... Des conséquences inattendues de l’extraordinaire popularité de la souveraine.

Par Emmanuel Cirodde - 04 février 2022, 07h00

 Shocking, ces œuvres ? Elles disent surtout la popularité sans pareille d’Élisabeth II.
Shocking, ces œuvres ? Elles disent surtout la popularité sans pareille d’Élisabeth II. © Jonathan Brady/PA Wire/ABACAPRESS.COM/The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, Inc. / Licensed by ADAGP, Paris 2022

"Je veux être aussi célèbre que la reine d’Angleterre." Andy Warhol a beau avoir été un faiseur de rois en matière de pop culture, son vœu n’aura pas été totalement exaucé. Car si la notoriété de l’artiste américain est immense, Élisabeth II reste bien l’un des visages les plus célèbres de l’Histoire. Objet de toutes les attentions, vénérée sur tous les continents, son culte aura généré une iconographie que pourraient lui envier les plus grandes stars de la planète. Voilà encore un prodige à mettre à son crédit : la plus fervente gardienne des traditions n’a jamais oublié d’humer l’air du temps et d’encourager les artistes en charge de ses représentations officielles à s’en imprégner.

Et même lorsqu’il ne s’agit pas de commandes, elle demeure un sujet d’inspiration tout aussi inépuisable. Andy Warhol ne s’y trompe pas lorsqu’il lui consacre en 1985 ses célèbres lithographies aux tons acidulés de la série Reigning Queens, dont des pièces continuent de s’arracher dès lors qu’une maison de ventes les propose aux enchères. D’emblée, la reine trouve sa place parmi les icônes du siècle, entre Marilyn, Mao et Mona Lisa. Mais après tout, Warhol n’est pas le premier à avoir eu l’idée de décliner le visage de la reine en série. Depuis les premières heures de son règne, son visage figure sur tous les timbres et les billets de banque du royaume...

967 portraits de la reine à la National Gallery

Le phénomène Élisabeth II irrigue tous les champs de la pop culture. À ce jour, la prestigieuse National Portrait Gallery recense pas moins de neuf cent soixante-sept portraits de la reine, parmi lesquels un grand nombre de pépites mettant en scène la souveraine dans des postures d’une absolue modernité. En témoigne le travail des artistes Lucian Freud, Gerhard Richter, Justin Mortimer mais aussi de Chris Levine, auteur de la splendide série Lightness of Being – ce fameux portrait de la reine qui fit la couverture du Time.

"Lightness of Being" de l'artiste Chris Levines au Sketch Mayfair le 15 novembre 2015 à Londres, au Royaume-Uni.
A LIRE AUSSIVIDÉO. Dans les coulisses d'un portrait d'Élisabeth II rentré dans la légende

Faisant l’objet de recherches picturales à la fois sophistiquées et générant un grand retentissement populaire, elle inspire également John Rankin, l’un des dix créateurs choisis pour l’immortaliser à l’occasion de son jubilé d’or en 2002. "Ce fut l’occasion de documenter le visage le plus célèbre du monde, confesse alors le photographe de mode. J’espère seulement avoir rendu justice à la personne derrière le visage." David Bailey n’est pas en reste, qui saisit en 2014 "la lueur de malice" dans le regard d’une reine semblant se conformer aux codes des réseaux sociaux : format carré et prise de vue en grand-angle. C’est ainsi que la souveraine a choisi d’apparaître pour célébrer ses 88 ans !

Pop, rock et punk

En musique, les effets sont contrastés. Cible toute désignée des vagues contestataires du mouvement punk dès les années 1970 puis de groupes cultes comme The Smiths et The Housemartins avant de gagner les faveurs des "queens" de la pop, Élisabeth II intimide désormais les plus grandes divas. Toutes, de Madonna à Jennifer Lopez en passant par Kylie Minogue et Lady Gaga, se lancent d’ailleurs, avec plus ou moins de succès, dans l’exercice délicat de la révérence en sa présence. Quant au célèbre street-artist Banksy, c’est affublée de l’éclair de David Bowie période Ziggie Stardust qu’il représente la reine sur un mur de Bristol en 2012.

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Il n’est guère étonnant que petit et grand écran aient à leur tour considéré la souveraine comme une valeur sûre. Invitée de prestige le temps d’une séquence – forcément savoureuse – ou personnage central de l’histoire, Élisabeth II aura été de tous les genres, y compris l’animation ! Aperçue dans Les Simpsons, elle se voit également déclinée sous forme d’automobile dans Cars 2 des studios Pixar et se retrouve même au côté des Minions dans le film du même nom, doublée pour l’occasion par l’irrésistible Jennifer Saunders.

Dans un registre plus biographique, ses apparitions ont donné lieu à d’inoubliables moments. Car les meilleures interprètes se sont disputé l’honneur de l’incarner. Comment ne pas succomber à la malice d’Helen Mirren que Stephen Frears dirigea dans The Queen en 2006, et qui valut à l’actrice de remporter un Oscar ? Il faut aussi relever les prestations remarquables de Claire Foy, incarnant dans les premières saisons de la série The Crown la métamorphose d’une jeune femme en une souveraine à l’autorité indiscutable, puis d’Olivia Colman lorsque la série avance dans le temps. Les deux interprètes ont d’ailleurs chacune reçu un Golden Globe pour leur performance.

Élisabeth II et James Bond 

Ce tour d’horizon ne serait pas complet sans l’illustration la plus absolue de l’empreinte d’Élisabeth II sur la pop culture. En juillet 2012, alors que le monde applaudit au spectacle de la cérémonie d’ouverture des jeux Olympiques d’été à Londres mis en scène par le cinéaste Danny Boyle, une séquence filmée montre la reine recevant en audience le mythique James Bond, incarné par le flegmatique Daniel Craig, dans un salon du palais de Buckingham.

Si la juxtaposition d’un mythe vivant et d’un autre imaginaire est déjà savoureuse, la suite déclenche la stupéfaction. La reine et son agent secret gagnent la cour du palais où un hélicoptère les attend. Lequel survole quelques instants plus tard le stade de Wembley où a lieu la cérémonie. Le temps d’ajuster ses lunettes et une doublure de la reine se jette dans le vide avant d’ouvrir un parachute aux couleurs de l’Union Jack.

À cet instant précis, la reine – la vraie – fait son apparition à la tribune dans une atmosphère de liesse indescriptible... La perfection de l’instant et la jubilation qu’il suscite prouvent au passage que, plus qu’une aimable lubie, la pop culture est une composante essentielle de l’identité britannique. Qui puise son génie à la source du caractère insulaire, mélange de classicisme et d’excentricité rehaussé d’une aptitude au détachement et à l’autodérision. Mais enfin, au-delà de ces remarques, quelle autre souveraine aurait pu s’autoriser pareille audace ?

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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