Été 1991. Un sondage paraît dans The Sunday Times. La moitié des Britanniques se prononce pour l’abdication d’Élisabeth II en faveur de son fils, jugé plus "énergique", "moderne", "plein d’empathie". Le prince de Galles incarne alors l’avenir. Un avenir qu’il a hâte d’embrasser, persuadé qu’il est urgent de rénover l’institution monarchique. Or, qui d’autre que lui peut mener un tel chantier ? Ainsi s’ouvre la nouvelle saison de The Crown, la série aux 21 Emmy Awards, 7 Golden Globes et 3 Bafta Awards, disponible ce 9 novembre 2022. La suite de l’histoire – la tristement célèbre annus horribilis, l’impopularité des années 1990, le drame de 1997 –, le monde entier la connaît. Et pourtant, des centaines de millions de téléspectateurs s’apprêtent à la revivre.
Une "fiction dramatique" inspirée de faits réels
Les soutiens de Charles III se seraient bien passés de ce royal come-back dans ce qui apparaît encore comme les pires années des Windsor. La sortie de la saison précédente, en novembre 2020, leur avait déjà laissé un goût amer. "Ce n’est pas un documentaire, ce n’est pas de l’histoire. C’est une fiction qui a pris d’excessives libertés dans la narration pour faire du prince Charles le méchant", s’emportait, il y a deux ans, dans les colonnes du Times, Dickie Arbiter, porte-parole de la famille royale de 1988 à 2000.

Il est vrai que le prince de Galles – interprété par Josh O’Connor n’était pas épargné : infidèle, autocentré, jaloux des succès de son épouse Diana... Le Charles à la sauce Netflix se déguste au vitriol. Au point de réveiller les anciennes rancœurs et d’inquiéter Clarence House, confronté à un flot de commentaires haineux sur Twitter et Instagram. Seule ligne de défense possible : The Crown est une fiction, rien d’autre.
La polémique est telle que le gouvernement s’en mêle, par la voix du secrétaire d’État à la Culture, Oliver Dowden, qui exige un message d’avertissement à chaque début d’épisode. "C’est une œuvre de fiction magnifiquement réalisée. Et comme pour d’autres productions télévisées, Netflix devrait dire explicitement qu’il ne s’agit que de cela. Sinon, je crains qu’une génération de téléspectateurs, qui n’ont pas vécu ces événements, puisse confondre fiction et réalité." À l’époque, autant prêcher dans le désert...

Mais le géant américain est peut-être en train de mettre de l’eau dans son vin. Sur YouTube, la bande-annonce de la cinquième saison, mise en ligne le 20 octobre, s’accompagne de la mise en garde tant attendue : "Inspirée d’événements réels, cette fiction dramatique raconte l’histoire de la reine Élisabeth II et les événements politiques et personnels qui ont façonné son règne." De quoi apaiser quelque peu les esprits, qui s’échauffaient déjà. À commencer par l’ancien Premier ministre John Major, portraituré lui aussi dans cette nouvelle saison qu’il n’a pas hésité à qualifier de "tonneau d’absurdités".
Qui est vraiment Charles ?
Qu’on l’adore ou qu’on la déteste, la série The Crown reste un événement mondial, un drame si populaire qu’il pourrait bien influencer – dans un sens ou dans l’autre – l’image que le public se fait de la monarchie et jouer, à terme, sur la cote de popularité du roi Charles et de son épouse la reine Camilla. D’autant que, par un curieux pied de nez, après The Crown, Buckingham devra faire face à la sortie des Mémoires du prince Harry, annoncés le 10 janvier 2023 et traduits simultanément en seize langues ! Un autre "succès" planétaire à gérer, une autre narration...

Reste à savoir si le portrait de Charles par Netflix est à ce point dommageable ou s’il brille, cette fois, par son sens de la nuance. "Je suis un ornement inutile coincé dans une salle d’attente, à prendre la poussière", déplore le prince dans l’épisode 5, sans doute le plus intéressant quand il s’agit d’aborder la complexité d’une position occupée pendant soixante-dix ans, celle d’éternel héritier. "Historiquement, la question de savoir comment le prince de Galles devait s’occuper en attendant la mort de sa prédécesseur a rarement trouvé une réponse satisfaisante", concédait la journaliste Zoé Zeller, en 2017, dans The New Yorker. Faire ou ne rien faire, telle est la question. Charles, prince activiste, a résolu l’équation en s’engageant. Et Netflix lui rend justice sur ce point, allant jusqu’à préciser que The Prince’s Trust, sa fondation, a aidé plus d’un million de jeunes depuis sa création en 1976.
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Mais c’est le caractère du roi qui interroge le plus. Qui est-il vraiment ? "Je suis obsédé par le passé", avoue-t-il sous la plume du scénariste Peter Morgan qui le dépeint en Moderne parti trop tôt en guerre contre les Anciens. Un paradoxe pour ce passionné d’histoire, d’archéologie et d’architecture, capable, dans la vraie vie, de faire construire une ville nouvelle,...
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