Maud Angelica Behn: "Papa serait fier de moi!"

"Je voulais d’abord lui dire combien je l’aimais." C’est avec des mots simples que Maud Angelica Behn se confie au magazine norvégien Tara, qui l’a élue, il y a quelques semaines, femme la plus courageuse de l’année.

"C’était très effrayant parce que je me sentais particulièrement vulnérable. C’était dur pour moi d’écrire un discours et de le prononcer devant tant de gens alors que j’étais sous le choc de la perte de papa. C’était seulement une semaine après sa mort. C’était très éprouvant, en plus j’étais filmée. Tout était difficile, mais j’étais déterminée à le faire, à aller jusqu’au bout. C’était très important pour moi. Parce je sentais que quelque chose de positif pouvait émerger de ce malheur."

Devant tout le pays, ce jour-là, Maud Angelica Behn s’adresse à celles et ceux qui songent au suicide, ainsi qu’à leurs proches. "Quand vous vivez un deuil comme nous l’avons vécu, vous comprenez la douleur des autres", avoue-t-elle.

L’année qui vient de s’écouler a été difficile pour Maud Angelica Behn et sa famille. Mais pour sa mère, la princesse Märtha Louise de Norvège, une chose est certaine: "Elle a sauvé des vies! Nous avons reçu de nombreux messages de personnes qui avouaient songer au suicide, mais qui y ont renoncé après avoir entendu Maud. Nous avons eu les mêmes retours de la part d’associations. Maud a également enregistré un message vidéo pour des collégiens, où elle parlait de la dépression et où elle incitait les élèves à parler de leur mal-être. Elle est aussi intervenue dans une autre classe sur ce thème. La manière dont elle aborde ce sujet, en restant positive, est une source d’inspiration."

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Dans un livre qui vient de paraître en Norvège, Le roi raconte, de Harald Stanghelle, Harald V de Norvège, lui-même, salue la prise de parole de sa petite-fille, affirmant qu’il n’aurait pas eu le même courage à son âge. "Je n’arrive pas à croire qu’il ait dit cela. Cela représente beaucoup pour moi", sourit la jeune fille, âgée de 17 ans aujourd’hui. "Et que cela vienne de lui, qui a prononcé tant de discours et qui a l’habitude de parler devant tant de monde... C’est vraiment gentil de la part de grand-père."

Maud Angelica Behn est consciente que le suicide est un problème de société. "Il y a environ sept cents personnes qui se suicident chaque année en Norvège. Chacune d’entre elles a une famille et des amis. Des milliers de gens sont donc touchés par le suicide tous les ans. Je pense qu’il est important d’en parler, tant que l’on s’y prend correctement."

Son père aurait été fier d’elle? Elle répond sans hésiter: "Papa était toujours tellement, tellement fier de moi pour de toutes petites choses. Quand je faisais d’affreux dessins et que je lui en faisais cadeau, il sautait de joie, il était si content. Il trouvait tout fantastique. Je me rappelle lui avoir offert une fois une écharpe que j’avais faite moi-même et qui était trop courte. Il la portait tout le temps, même si c’était sans doute la plus affreuse écharpe jamais tricotée. Je sais qu’il aurait été incroyablement fier de ce que j’ai écrit et de ce que j’ai dit."

En Norvège, la majorité des gens ont l’impression d’avoir un peu connu Ari Behn, l’écrivain, l’artiste, l’ex-époux de la princesse, le père de famille. Mais quels souvenirs son aînée souhaite-t-elle garder de lui? "L’image de quelqu’un qui s’arrêtait en voiture pour parler à une connaissance. Nous étions assises à l’arrière avec mes sœurs et nous devions parfois patienter vingt minutes. Il s’intéressait vraiment aux gens. C’était quelqu’un de généreux qui adressait des compliments d’une grande poésie. Il était doué pour cela. Il pouvait commencer ses messages par "Ma chère fille", puis m’appeler "mon étincelant coucher de soleil". J’adorais cela. Il était si créatif, et c’était agréable de partager avec lui ma passion pour l’art. C’était également un excellent conteur qui inventait d’innombrables histoires lorsque nous étions petites. Il était toujours fier de mes sœurs et moi."

Maud Angelica Behn reconnaît qu’elle voit aujourd’hui un psychanalyste et qu’elle participe à un groupe de parole. "Le deuil sera toujours là. La personne que vous avez perdue est partie pour toujours. Je pense donc que ce sera toujours un peu difficile. Certes, la peine sera certainement de moins en moins lourde à porter avec le temps. Mais on ne vient jamais à bout du deuil. On finit par l’accepter et on choisit de se concentrer sur la vie."

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Si elle a hérité des talents paternels, la jeune femme a fait de l’art son sanctuaire. D’autant plus que père et fille réfléchissaient à travailler ensemble. "Nous devions écrire un livre tous les deux, mais nous n’avions pas beau- coup avancé. Je pensais qu’il pouvait l’écrire et que je pouvais l’illustrer. J’avais des idées pour la narration, mais finalement je l’ai laissé faire car c’était son domaine. Ensemble, nous avions un jeu: nous prenions une feuille de papier et chacun tirait une ligne que l’autre reprenait, et ainsi de suite. À la fin, cela devenait une œuvre commune. Nous avions aussi parlé de peindre ensemble. J’avais hâte de lui offrir le dessin que je lui avais fait pour Noël parce que je sais qu’il aurait été très heureux."

Quelles qualités pense-t-elle tenir de son père ? "J’espère avoir son coup de crayon et un peu de sa plume aussi. Et j’aimerais vraiment avoir toutes les petites attentions qu’il avait pour les autres. Je voudrais moi aussi parler, comme il savait si bien le faire, à tout le monde. Je ne sais pas si j’ai déjà ces qualités, mais j’espère en avoir un peu hérité..." 

Et de sa mère, la princesse Märtha Louise? "Son empathie et son souci des autres. Elle m’a enseigné tellement de choses, j’admire énormément ma mère. Et puis je tiens d’elle un rire très sonore!" À ses côtés, Märtha Louise éclate de rire, justement. "Mon rire? C’est bien que ce ne soit pas la seule chose que tu tiennes de moi", plaisante-t-elle. La princesse ne tarit d’ailleurs pas d’éloges sur son aînée. "Elle pense d’abord aux autres, elle sème l’amour partout où elle passe. Mais elle est aussi très drôle. Je pense également qu’elle est très courageuse pour son âge, et très mature, elle observe beaucoup et absorbe tout." Maud Angelica l’interrompt. "C’était bien que tu sois à mes côtés lors du discours aux obsèques, cela m’a beaucoup aidée."

Si Maud Angelica Behn a hérité de la créativité de ses parents, tout le monde sait que la reine Sonja reste l’esthète de la famille royale. "Je me suis essayée à la lithographie avec ma grand-mère. C’est vraiment plaisant de pouvoir partager avec elle. Elle m’emmène souvent voir des expositions."

Ce que l’avenir lui réserve, elle l’ignore encore. Elle n’a que 17 ans. "Je sais que j’essaierai de faire quelque chose de...