Maurice Genevoix au Panthéon, de la Grande Guerre aux Grands Hommes

Raboliot, prix Goncourt en 1925, lui vaut l’étiquette d’écrivain régionaliste. Mais Ceux de 14, récit sur la Grande Guerre qui le laisse invalide à l’âge de 24 ans, reste sa plus grande œuvre. L’académicien hanté par le souvenir de ses camarades perdus pendant la Der des Ders a été inhumé, le jour de l’Armistice, dans le temple de la nation, au cours d’une cérémonie inédite. 

Par Fanny del Volta - 19 novembre 2020, 07h40

 Maurice Genevoix, témoin de la Grande Guerre devenu la voix de tous les soldats français, entre au Panthéon et avec lui tous "Ceux de 14".
Maurice Genevoix, témoin de la Grande Guerre devenu la voix de tous les soldats français, entre au Panthéon et avec lui tous "Ceux de 14". © ABACA

La nuit tombe sur la place des grands hommes, déserte. Le silence orchestre une magie douce avec les lumières du Panthéon. Soudain, sur la façade de l’ancienne église sont projetés des portraits de soldats, des scènes de tranchées. Ce soir, avec l’inhumation au Panthéon de l’académicien Maurice Genevoix, tous les soldats morts au cours de la Première Guerre mondiale rejoignent le temple de la nation.

La guerre, les armes et la plume

L’auteur a reçu en 1925 le prix Goncourt pour Raboliot, roman panthéiste sur la vie d’un braconnier du Val de Loire. Il a cependant publié au cours des dix années précédentes ses premiers écrits décisifs. Sous Verdun (1916), Nuits de guerre (1917), Au seuil des guitounes (1918), La Boue (1921) et Les Éparges (1923).

Ces récits, réédités sous le titre Ceux de 14 trois ans après son entrée à l’Académie française, en 1946, témoignent comme jamais des horreurs de la Grande Guerre.

Lieutenant du 106e régiment d’infanterie, Genevoix a été réformé après une blessure au bras dès 1915, lors de la bataille des Éparges. Toute sa vie, il s’avouera hanté par le visage de ses compagnons morts. Le souvenir de la guerre s’immisce jusque dans ses nuits.

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La Garde républicaine vient d’escorter jusqu’à la grande nef le cercueil de l’écrivain et y dépose son épée d’académicien. Tout près est posé le manuscrit de Ceux de 14, qui sera offert à la Bibliothèque nationale de France.

Un hommage républicain 

Confinement oblige, seule une vingtaine de personnes assistent à l’événement. Le président de la République Emmanuel Macron et son épouse. Le Premier ministre Jean Castex, la ministre de la Culture Roselyne Bachelot, le président du Sénat Gérard Larcher, le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand, ainsi que l’ancien président de la République François Hollande, Charlotte et Julien Larere-Genevoix, petits-enfants de l’auteur, sont assis en arc de cercle dans la grande nef.

"Cette panthéonisation est un engagement familial. Ma mère, Sylvie Genevoix, et mon beau-père, Bernard Maris, qui a été assassiné lors des attentats de Charlie Hebdo, ont porté ce projet avant moi, rappelle Julien Latere-Genevoix. J’aimerais que l’on redécouvre l’œuvre d’un humaniste." 

Le président Emmanuel Macron prononce son éloge face au cercueil de l’académicien. © ABACA
Le président Emmanuel Macron prononce son éloge face au cercueil de l’académicien. © ABACA

Parmi les invités sont également présents le plasticien Anselm Kiefer et le compositeur Pascal Dusapin. Les deux artistes, mandatés par Emmanuel Macron pour créer une œuvre pérenne autour de la figure de Maurice Genevoix, racontent à travers la matière brute et le chœur de chambre qui résonne dans la basilique une vie de courage, "un destin républicain, une existence française", comme le rappelle le Président dans son discours. "Ils sont là, ceux de 14", répète Emmanuel Macron à plusieurs reprises.

Le Président souhaitait que Maurice Genevoix entre au Panthéon lors du centenaire de l’inhumation, sous l’Arc de triomphe, du Soldat inconnu. Il fait à présent l’éloge d’un "écrivain de la nature et de la liberté", ayant connu la fraternité au front et dont l’œuvre exhale "toute la tendresse dont un homme est capable. Fidèle à ses chers Poilus des tranchées. Il leur offrit l’immortalité des mots." 

L’allocution, peu politique, est entièrement dédiée à "ces compagnons d’éternité qui s’avancent aujourd’hui devant le temple des héros de notre pays". C’est la nuit autour du Panthéon. Mais ce soir, il n’y aura pas de cauchemar.

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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