Blasons. Jean-Christophe, prince Napoléon et héritier des deux maisons françaises

Descendant des Napoléon, comme des Bourbons, le prince Jean-Christophe est une synthèse génétique des dynasties françaises. Mais comme chef de la maison impériale, il porte les seules armoiries voulues par Napoléon Ier , l’aigle romaine des Césars empiétant un foudre, attribut de Jupiter.

Par François Billaut - 20 octobre 2020, 07h15

 Le prince Jean-Christophe Napoléon aux services commémoratifs de Napoléon Bonaparte en la cathédrale Saint-Louis, en mai 2019.
Le prince Jean-Christophe Napoléon aux services commémoratifs de Napoléon Bonaparte en la cathédrale Saint-Louis, en mai 2019. Blondet Eliot/ABACA

L’annonce de leurs fiançailles, au printemps 2019, a propulsé Jean-Christophe Napoléon et Olympia d’Arco-Zinneberg sur le devant de la scène. Le public surpris –sauf les lecteurs de Point de Vue, bien entendu–, s’est demandé d’où sortaient cette comtesse et ce prince, chacun descendant d’une famille impériale.

Autrichienne pour la mariée, arrière-petite-fille du bienheureux Charles de Habsbourg et de Zita de Bourbon-Parme, les derniers souverains austro-hongrois, et français pour Jean-Christophe, prince Napoléon, et héritier des deux empires français.

Le jeune homme pourrait aussi bien se réclamer des Capétiens. Car si par son père, le prince Charles Napoléon Bonaparte, il descend du roi Jérôme de Westphalie, le plus jeune frère de Napoléon Ier, par sa mère, la princesse Béatrice de Bourbon des Deux-Siciles, il a pour ancêtres directs Louis XIV, Philippe V d’Espagne et Ferdinand Ier des Deux-Siciles.

Le prince Napoléon et comtesse Olympia d’Arco-Zinneberg photographiés à la sortie de la cathédrale Saint-Louis des Invalides le 19 octobre 2019. © Julio Piatti
Le prince Napoléon et comtesse Olympia d’Arco-Zinneberg photographiés à la sortie de la cathédrale Saint-Louis des Invalides le 19 octobre 2019.© Julio Piatti

Les mânes de ces glorieux prédécesseurs se bousculaient probablement à la cérémonie de mariage, le 19 octobre 2019, à Saint-Louis des Invalides, cathédrale aux armées.

C’est le Roi-soleil qui a voulu ce monument où reposent, sous le dôme, Napoléon Ier, et dans la chapelle Saint-Jérôme, le roi Jérôme, nommé gouverneur des Invalides sous le second Empire.

LIRE AUSSI >> Le mariage impérial de Jean-Christophe Napoléon et Olympia d’Arco-Zinneberg comme si vous y étiez

De ce dernier souverain, cadet de la fratrie Bonaparte, descend la seule branche survivante légitime de la dynastie. C’est à sa mort, en 1879, que "Loulou" le prince impérial, fils de Napoléon III, a transmis ses droits dynastiques à son cousin issu de germain Victor Napoléon (1862-1926), marié à Clémentine de Belgique. Le fils de ce couple, le prince Louis (1914-1997), a à son tour désigné Jean-Christophe, son petit-fils, pour lui succéder en qualité de chef de la maison impériale française, et porter ses armoiries.

Le blason se lit: "D’azur à l’aigle antique d’or empiétant un foudre du même." Pas d’erreur de genre, l’aigle est toujours féminine, et le foudre masculin, dans la langue du blason. L’aigle antique, ou romaine, aux ailes "essorantes" –en plein essor, pas en train de sécher!– est celle qui sommait l’étendard des légions de Jules César.

Un symbole martial voulu par le premier empereur des Français, comme le "foudre" que tient le rapace entre ses serres: un faisceau d’éclairs, attribut de Zeus-Jupiter, dieu du ciel et du tonnerre, et roi des dieux. À bon(s) entendeur(s) –les deux autres porteurs d’aigles–, salut! Car c’est bien le message qu’adresse le "foudre de guerre" français au tsar Alexandre de Russie et à François II d’Autriche, qui devra bientôt renoncer au Saint Empire. Le successeur de Charlemagne, empereur d’Occident et roi des Romains, désormais, se nomme Napoléon!

Jean-Christophe Napoléon à Boston en février 2017.  © Luc Castel
Jean-Christophe Napoléon à Boston en février 2017. ©Luc Castel

Conscient d’être le fondateur et non l’héritier d’une dynastie, Napoléon Ier a renoncé au blason traditionnel de la famille Bonaparte pour une composition plus majestueuse et martiale. Il a bien hésité pourtant l’empereur des Français, roi d’Italie, protecteur de la Confédération du Rhin et médiateur de la Confédération suisse, sur le choix du volatile. La décision a été prise en séance du Conseil d’État, le 23 prairial de l’an XII (12 juin 1804), un mois à peine après son avènement.

Lebrun, prince-architrésorier de l’Empire, voulait conserver les lis, symboles selon lui de la France et non des Capétiens. Trop Ancien Régime. Le comte de Champmol et le comte Laumond auraient bien vu un éléphant, le plus costaud des animaux. Trop exotique. Cambacérès, archichancelier de l’Empire, préférait la laborieuse abeille. Trop sucrée. Duroc, le compagnon de la campagne d’Égypte, imaginait plutôt un chêne. Trop saint Louis. Ségur, grand maître des cérémonies, un lion. Trop anglais. Tout le monde finalement s’est entendu sur le coq gaulois. Trop basse-cour? À la dernière minute, le nouveau souverain a biffé le gallinacé désigné par décret pour lui substituer l’oiseau jupitérien.

L’aigle de bronze ciselé à la tête curieusement "contournée" –regardant vers senestre du blason et non à dextre– s’inscrit partout, sur le sceau de l’Empire, les frontons des palais. Elle somme la hampe des drapeaux et même la couronne impériale, un bandeau gemmé portant huit aigles, dont cinq visibles, aux ailes levées, alternées d’autant de palmettes portant le globe crucifère. Ce joyau est comblé d’un bonnet, du même pourpre que le manteau doublé d’hermine, mais dont le velours est semé des abeilles chères à monsieur de Cambacérès.

Ce motif se réfère aux insectes couvrant le manteau royal découvert, en 1653 à Tournai, parmi les artéfacts de la tombe de Chilpéric Ier, le fondateur de la dynastie mérovingienne. Mais les quelque 300 abeilles d’or en question, étaient en fait des cigales. "Un vieux symbole indo-européen figurant l’immortalité de l’âme et utilisé en conséquence fréquemment dans le mobilier funéraire", précise l’historien et généalogiste Jean-Fred Tourtchine dans ses Manuscrits du C.E.D.R.E. consacrés à l’Empire des Français.

Napoléon a lui-même imaginé le blason de sa dynastie. © Ann Ronan Pictures/Print Collector/Getty Images
Napoléon a lui-même imaginé le blason de sa dynastie. ©Ann Ronan Pictures/Print Collector/Getty Images

L’écu est entouré du grand collier de la Légion d’honneur, ordre de chevalerie institué par Napoléon Bonaparte, alors Premier consul, en mai 1802. Il est posé sur les "honneurs de Charlemagne" placés en sautoir, en fait le sceptre de Charles V, du XIVe siècle, et la main de justice, créée par Biennais, l’orfèvre de l’Empereur. La main originale, conservée au Trésor de Saint-Denis, avait été détruite pendant la Révolution.

Une couronne, dite elle aussi "de Charlemagne", a été créée pour le sacre de Napoléon Ier, le 2 décembre 1804. Mais c’est en fait le dessin des couronnes dites "de l’empereur et de l’impératrice", Napoléon III et Eugénie –ce dernier joyau toujours visible au musée du Louvre– qui figurent le mieux la couronne "aux aigles" coiffant les armes de Jean-Christophe, le prince Napoléon.

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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