Visite d’État de Felipe et Letizia d'Espagne en Suède : retrouvailles en majesté

"Eh oui, ce n’est pas facile pour une Espagnole de vivre à Stockholm, il faut faire preuve d’une bonne capacité d’adaptation... surtout pour la météo !" Avec force gestes chaleureux, Letizia témoigne sa sollicitude à Claudia Ferrer, qui vient d’entamer son master de biomédecine à l’institut Karolinska. Avec d’autres étudiants, elle a pris la parole devant "sa" souveraine, mais aussi la reine Silvia et la princesse héritière Victoria, qui accompagnent cette visite à l’hôpital universitaire le plus réputé du pays.

Auprès d’elles, le professeur Claes Hulting vient depuis son fauteuil roulant d’achever une présentation à la fois drôle et passionnante des activités de la Fondation Spinalis qu’il a créée en 1984, quand un accident de plongée l’a rendu hémiplégique. L’institut Karolinska lui offre un terrain de recherches le plus large possible, aussi bien pour guérir les maladies rares que pour améliorer la qualité de vie des patients. Victoria, qui connaît bien le professeur, le félicite encore une fois pour son sens de l’humour à toute épreuve.

Un dîner de gala placé sous le signe du faste

Déjà, les deux reines et la princesse repartent pour se préparer au dîner d’État qui a lieu le soir même de ce 24 novembre, premier jour de la visite des souverains espagnols en Suède. Mais avant de s’éclipser, Letizia prend le temps d’échanger quelques mots avec les journalistes venus de Madrid couvrir le voyage. Mieux, elle cherche du regard, afin de la saluer, une reporter de la télévision allemande qui lui a consacré un documentaire. "C’était formidable, un grand succès d’audience", se réjouit-elle auprès de la reine Silvia. Renseignement pris, le programme, décliné autour des trois nouvelles reines de la dernière décennie — Letizia, Mathilde et Maxima —, et baptisé Profession : Queen !, mettait en valeur son sérieux et son implication de tous les instants dans son "métier" de reine.

C’est ce sens du détail qui lui fait choisir, le soir même, la robe H&M Conscious qu’avait déjà portée Victoria pour la photo d’anniversaire de ses dix ans de mariage. Un symbole doublé d’un message en faveur de l’environnement puisqu’il s’agit du label éthique du géant de la mode suédois. Et pour illuminer cette robe bleu marine qui dévoile ses bras athlétiques, la reine ne pouvait pas mieux trouver que le diadème aux fleurs de lys dit La Buena, l’un des plus spectaculaires, transmis par Victoria-Eugénie et dont l’usage est réservé aux seules reines d’Espagne. Il s’assortit d’une paire de boucles d’oreilles et de bracelets en diamants tout aussi somptueux. 

Auprès d’elle, le roi Felipe arbore quant à lui le collier de l’ordre des Séraphins, un honneur supplémentaire dont Carl XVI Gustaf l’a gratifié à l’occasion de cette visite d’État, la première organisée depuis quarante-deux ans. Elle aurait dû avoir lieu en septembre 2020 et durer trois jours au lieu de deux, mais qu’importe !

Le matin même, après la cérémonie d’accueil qui a vu les deux couples arriver en carrosses au palais royal, le monarque suédois semble réjoui. Il s’est même autorisé une boutade pour évoquer la confusion politique qui règne au Parlement voisin, où Magdalena Andersson, première femme Première ministre du royaume, tout juste nommée, démissionnera... huit heures plus tard, faute d’avoir pu s’appuyer sur une coalition de parlementaires ! "Comme vous le savez c’est une période très chargée pour notre pays en ce moment, avec la formation d’un nouveau gouvernement. Mais ici, au palais royal, c’est business as usual !"

En vérité, c’est bien la joie de retrouvailles longtemps ajournées avec les autres familles royales européennes que célèbrent ce même soir les trois hôtesses du dîner d’État. Le fameux diadème de camées coiffe la reine Silvia, tandis que Victoria joue des aigues-marines de la tiare dite kokochnik pour un camaïeu avec l’imprimé fleuri de sa robe. Quant à Sofia, elle porte son diadème de mariage, en version perles et diamants. Les décorations ne sont pas en reste pour Daniel et Carl Philip qui se montrent presque dissipés pendant la présentation des 90 convives.

À la table d’honneur, Victoria sourit aux photographes avant que ne soient servies les premières entrées d’omble chevalier au four et leurs craquelins aux œufs de lump, suivies par du turbot sauvage poêlé et des calamars. De la selle de renne au riz fumé et ses betteraves cuites au café ainsi que des pommes d’automne au caramel salé complètent ce menu de saison. Placé à la gauche de la reine Silvia, Felipe écoute attentivement Carl XVI Gustaf souligner les liens qui unissent Espagne et Suède depuis "qu’en 1641, la reine Christine envoya une délégation en Espagne afin de faciliter le commerce entre nos deux pays".

Une réception à l'ambassade d'Espagne pour remercier les souverains suédois

Une préoccupation toujours d’actualité pour une visite au programme soutenu. Au musée Nobel, la directrice Erika Lanner a pu, l’après-midi même, faire découvrir aux souverains espagnols le travail de leur compatriote Santiago Ramon y Cajal, prix Nobel de médecine en 1906 : "Ce pionnier des neurosciences avait mis au point une méthode pour cartographier les cellules du cerveau à l’aide d’un microscope dont il a tiré ensuite des dessins magnifiques, car c’était aussi un artiste. Le roi Felipe m’a confié se souvenir parfaitement de sa visite au centre de Las Palmas où Cajal avait justement mené ses recherches, et la reine Letizia a posé de multiples questions."

Même intérêt de la reine le lendemain pour le colloque sur la littérature et la traduction organisé dans l’immense bibliothèque Bernadotte, au cœur du palais royal, et pour lequel Javier Cercas, l’un des plus célèbres écrivains espagnols, a fait le voyage depuis Madrid. Cette fois-ci, c’est la reine Silvia qui récite quelques vers en suédois, en réalité la traduction de la plus ancienne chanson de geste espagnole, El Cantar del mio Cid, que Letizia écoute, amusée d’entendre la version scandinave de ces rimes familières.