Entre Ester Velo van Hulst et la station suisse de Saint-Moritz, c’est une histoire qui dure. "Je suis venue pour la première fois ici à l’âge de 20 ans. Andrea Badrutt, propriétaire du célèbre palace de la ville, avait accepté de me prendre en stage à la demande de mon père, grand développeur de tourisme de masse aux Pays-Bas", témoigne cette superbe quinqua de 1,78 mètre, figure du plus chic des villages du canton des Grisons.
Le plus naturellement du monde, elle peut passer du français à l’italien, de l’allemand à l’anglais ou encore à l’espagnol, fruit d’une éducation internationale de haut vol. Comme lady Diana un an auparavant, elle est passée par l’Institut alpin de Videmanette à Rougemont.
Cette école suisse, aujourd’hui fermée, se faisait fort de produire de parfaites futures épouses et maîtresses de maison. "À Saint-Moritz finalement, j’ai surtout fait la connaissance d’une bande de copains avec laquelle je me suis beaucoup amusée", poursuit-elle dans un sourire. Parmi ses chevaliers servants de l’époque, le prince Albert de Monaco, le prince Franz-Joseph Wenzel de Liechtenstein, disparu en 1991, et encore Johannes Badrutt, le fils du propriétaire.

Le jour, ils dévalent les pistes de la Corviglia ou enchaînent les dérapages lors de séances de rallye sur le lac gelé. La nuit, ils dansent au Dracula, club privé fondé par Gunter Sachs juste après son divorce avec Brigitte Bardot. "Un soir, j’y ai fait la connaissance de Lucio Velo, jeune avocat suisse de Lugano. Il m’a séduite par son intelligence, nous nous sommes mariés à Venise, puis installés à Milan", raconte encore Ester depuis le balcon de son chalet, belvédère tourné vers le sud.
De là, le regard embrasse toute la vallée et, en face, une des chaînes des montagnes de l’Engadine dominée par le Piz Ber-nina, point culminant du massif auquel il donne son nom.
"J’ai voulu construire une maison en bois dans le style de Gstaad"
Trente ans plus tard, Saint-Moritz demeure son point d’ancrage, même si sa vie se partage aussi entre Milan, Punta del Este, Saint-Tropez et Mykonos. "Nos trois fils ont grandi dans la station, ils ont suivi leur scolarité à l’Institut auf dem Rosenberg, à Saint-Gall. Ici, nous nous retrouvons pour fêter les grands moments familiaux", poursuit-elle, heureuse de voir Jonathan, 27 ans, et Timothy, 24 ans, marcher dans les pas de leur avocat de père, ainsi que son cadet Christopher, 22 ans, terminer l’école hôtelière de Lausanne.

Piquante et chaleureuse, Ester aime recevoir au chalet, que ce soit lors d’événements mondains dans le grand garage qui fait office de rez-de-chaussée, ou plus intimes dans le salon du quatrième et dernier niveau. Autant dire que la construction en impose, posée à flanc de montagne.
Dans le jardin couvert d’une épaisse couche de neige, passe l’éclair d’un écureuil au pelage sombre. Les traces d’un chamois sont encore fraîches. Peut-être est-il venu au petit matin se désaltérer au ruisseau qui coule le long de la maison.

Sa construction, il y a une quinzaine d’années, est le résultat d’une longue expérience. "À Milan, j’ai étudié l’architecture intérieure, ce qui m’a permis d’imaginer un premier chalet, aussitôt terminé et aussitôt vendu, dès la pendaison de crémaillère. Et ainsi plusieurs fois de suite. Jusqu’au jour où nous avons découvert ce terrain exceptionnel, en partie classé parc national, à la limite des 2.000 mètres d’altitude, sur lequel demeurait une étable. J’ai voulu y construire une maison en bois dans le style de Gstaad, avec une tour en pierre naturelle comme celle du Dracula."
À Saint-Moritz, la mondanité fait une rude concurrence au ski
Fort de ce cahier des charges, l’architecte d’origine italienne Fabrizio Frisardi conçoit une ossature en mélèze –pour le parfum–, posée sur un soubassement dans le même appareillage de pierre que la tour. Le premier niveau est réservé aux amis qui ont droit à la partie la plus authentique de la demeure avec ses plafonds voûtés, son parquet en grandes lattes de pin provenant d’une vieille ferme des Grisons, ainsi qu’un poêle en faïence lui aussi ancien.

Par l’ascenseur caché dans la tour, on atteint le quatrième niveau, spectaculaire par l’ampleur de ses volumes. Sous la charpente de mélèze, le salon et la mezzanine multiplient les perspectives sur l’extérieur, à l’infini côté vallée et plus abruptes côté pente. La lumière y a tous les droits, y compris celui de réchauffer le tweed kaki qui règne en maître des canapés aux rideaux.
Tous les samedis en fin d’après-midi, Ester et Lucio y font "thé ouvert" aux amis des amis en villégiature, au cours duquel on partage les dernières nouvelles du village et au delà. La mondanité fait ici une rude concurrence au ski, pourtant excellent si l’on en croit les sportifs chevronnés. "Après Saint-Moritz, tout le monde a besoin de vacances", plaisante Ester, déjà en piste pour la prochaine soirée.