Dans cette forteresse d’origine mauresque, le soleil mène sa conquête, caressant les tours érigées sous le règne du calife Abou Yacoub, au XIIe siècle. Là, au cœur de Palma del Río, petite ville à michemin de Séville et Cordoue où passe le Guadalquivir, le temps semble arrêté. Pieds nus sur la pierre fraîche, Cristina Ybarra promène sa fière silhouette, le regard porté vers l’azur éclatant. Palette et pinceaux à la main, la propriétaire du palacio Portocarrero s’amuse à dessiner dans l’air les contours de sa demeure en remontant le fil de son histoire. "Elle était en ruine et appartenait à la famille de mon mari. Lui a toujours voulu en faire un lieu de visite relatant les heures de gloire des seigneurs de Palma del Río, qui ont habité ce palais dès le XIVe siècle." Peintre et femme d’affaires, Cristina connaît leurs exploits sur le bout des ongles.
Le palais possède une histoire millénaire marquée par la Reconquista
Le premier d’entre eux, Egidio Boccanegra, grand amiral génois au service d’Alphonse XI, roi de Castille, reçoit la ville de Palma del Río en récompense pour la prise d’Algésiras contre les Maures en 1342. "Dans le salon Vert, une fresque réalisée par le peintre Garmendia immortalise ce triomphe. Les seigneurs de la ville, qui ont participé à d’illustres conquêtes espagnoles, se sont transmis cet alcazar pendant plusieurs générations."

Dans la salle du banquet, longue d’une cinquantaine de mètres, une table impeccable et interminable se veut la promesse de joyeuses agapes. "C’est ici que Gonzalve de Cordoue, grande figure de la Reconquista, a célébré son mariage avec une dame d’honneur d’Isabelle de Castille, en 1489."
Après être devenue au fil du temps un joyau de la grandesse d’Espagne, la demeure finit entre les mains de Pedro Ardanuy, au tout début du XIXe siècle. "Il était le premier propriétaire du lieu à n’avoir aucun lien avec les seigneurs de Palma del Río. Mon mari, Félix Moreno de la Cova, est son arrière-petit-fils. Il a tenu coûte que coûte à faire de ce palais un bien d’intérêt culturel dans les années 1980."
Le palacio Portocarrero est le refuge de Cristina Ybarra
Ancien athlète et commissaire du Comité olympique, le mari de Cristina a toujours su se fixer des objectifs. "À 20 ans, il était vice-champion national du 100m et gagnait même un cheval en disputant un 60m sur l’hippodrome de Séville. Moi, par mon éducation, je suis convaincue que la vie est avant tout une question d’action."
Grâce à l’enthousiasme du couple, le palacio Portocarrero s’organise désormais, comme au temps passé, autour de deux patios dessinés d’arcs en plein cintre et d’un jardin mudéjar dédié aux citrus. S’il révèle son empreinte historique au public, Cristina Ybarra en a également fait son refuge. L’élégance s’y invite sous toutes ses formes. Un dortoir de style anglais voisine avec une chambre au mobilier Empire.

Au dernier étage, une salle de bains digne des thermes antiques s’ouvre derrière deux lourdes portes en bois venues d’Inde. Les dalles de marbre travertin rouges et blanches jouent de leur symétrie pour inviter à la relaxation. Dans la pièce attenante, qui donne sur la plaza Mayor de Andalucia, trône encore un lit immense, "souvenir du tournage de Kingdom of Heaven, de Ridley Scott". Au début des années 2000, le réalisateur choisit de tourner ici son film sur Balian d’Ibelin, croisé du XIIe siècle. "Les visiteurs adorent ce petit cachet hollywoodien!"
Cristina voue un amour inconditionnel à Séville
Les plus esthètes préfèrent l’atelier de peinture de Cristina. Au deuxième étage de l’alcazar, il a l’immensité d’une cathédrale. "Je travaille souvent à la feuille d’or ou d’argent. J’aime la répétition des motifs comme les origamis, les plumes ou les pétales de rose." Passionnée par la lumière du baroque, les rondeurs d’Ingres, Cristina s’offre à l’exigence du figuratif "qui interdit le mensonge". D’un croquis au crayon, elle passe à des portraits ambitieux comme celui qu’elle a récemment offert à son cousin, le duc de Huéscar, lors de son mariage avec Sofía Palazuelo. "La trisaïeule de Fernando était la grand-mère de Cayetana Fitz-James Stuart et sœur du 4e duc de Fernán Nuñez, mon arrière-grand-père."
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À l’instar de la duchesse d’Albe Cristina voue un amour inconditionnel à Séville. "Au XIXe siècle, mon ancêtre, le premier comte d’Ybarra, en a été le maire et a cofondé la feria si chère à Cayetana. Mon mari, lui, compte un grand-père maire de Séville." Pour unir ces deux histoires, les yeserías ou moulures du grand salon viennent de la maison des comtes d’Ybarra et de la famille Moreno de la Cova.

"Au-dessus de la porte qui s’ouvre sur le salon d’hiver, j’ai même reproduit les motifs en stuc du palais de las Dueñas, à Séville. Cayetana m’y a autorisée avec tout l’enthousiasme qui la caractérisait. La bienveillance valorise nos actes, qu’il ne faut jamais compter. Ainsi que le disait le penseur et médecin Gregorio Marañón, 'Vivre n’est pas seulement exister mais aussi créer, savoir jouir et souffrir, ne pas dormir sans rêver.'"
Palacio Portocarrero, calle Cardenal Portocarrero, S/N, 14700 Palma de Río, Cordoue, Espagne. Tél.: +34 670 88 20 08. info@palacioportocarrero.com