Seuls les aigles planant sur les courants d’air chaud au-dessus de la ville ont une plus belle vue – et encore. Du 24e étage de la tour érigée par Jean Nouvel à Bela Vista, on domine tout São Paulo et l’on se prend à trouver désirable cette capitale économique si décriée du Brésil. La vue, ce n’est pourtant pas la première chose qui a frappé l’entrepreneur français Alexandre Allard lorsqu’il a arpenté ce quartier, il y a quinze ans. Alors qu’il se balade un soir, son regard est attiré par des bâtiments en ruine au milieu d’une jungle. Il saute par-dessus le mur qui les sépare de la rue et découvre un monde qui l’enchante instantanément.
Le président de Rosewood rejoint le projet en 2013
Ce terrain ensauvagé, c’est Cidade Matarazzo, enclave urbaine rassemblant un hôpital, une chapelle et une maternité élevés dès le début du XXe siècle et offerts à la ville par l’homme d’affaires d’origine italienne Francesco Matarazzo. Abandonnés en 1996, ces bâtiments patrimoniaux sont alors en piètre état, mais Alexandre Allard décide de les acquérir, et entraîne dans son sillage le designer Philippe Starck, son comparse de l’aventure parisienne du Royal Monceau.

De l’élégant bâtiment de la maternité, construit en 1943, ils vont faire un hôtel, "non seulement pour les visiteurs, mais aussi pour les habitants de São Paulo, afin de les rendre fiers de la culture brésilienne, de leur montrer comme elle est inspirante, verte, diverse", raconte l’entrepreneur. "Dans la foulée, j’ai demandé à Jean Nouvel de bâtir une tour emblématique, différente des autres."
Et en 2013, c’est Radha Arora, président du groupe hôtelier Rosewood, "conquis par l’énergie et la foi d’Alexandre", qui se joint au projet. La chaîne d’hôtels est alors très jeune, loin encore des trente adresses qu’elle possède aujourd’hui, de la Toscane à Pékin, en passant par le Crillon, à Paris.

Depuis la ruine romantique qui a fait rêver nos protagonistes, les années ont passé, des années de travail acharné. "J’avais installé mon bureau dans un coin de la maternité, se souvient Philippe Starck, et je travaillais sur une vieille porte, dans le froid. J’ai dessiné tout le projet dans ces conditions, avec comme leitmotiv de protéger l’esprit du lieu." Il a donc imaginé pour les voitures une entrée très cachée, où l’on roule parmi des colonnades dans la végétation, avant d’arriver directement dans le lobby.
"L’écologie, c’est d’abord faire avec ce que l’on a"
Alors que les véhicules disparaissent dans le parking décoré d’une immense fresque dessinée par des Indiens Pataxó de Bahia, les visiteurs découvrent un espace joyeux, chaleureux, meublé des plus grandes signatures du design brésilien. On le traverse en suivant un tapis dessiné par l’artiste Regina Silveira, vers Le Jardin, restaurant qui ouvre sur l’extérieur et la fameuse tour Mata Atlântica de Jean Nouvel.

"J’ai voulu conserver l’échelle des constructions environnantes, explique ce dernier, mais bâtir une tour qui soit leur antithèse, avec des qualités réelles de vie et de plaisir. Elle est revêtue d’un système de grilles qui protègent du soleil, créent des contrastes d’ombre et de lumière, et permettent à la végétation spontanée, sans qu’on ait besoin de s’en occuper, de s’accrocher. L’écologie, c’est d’abord faire avec ce que l’on a", conclut l’architecte, lauréat du prix Pritzker en 2008. La tour accueille sur ses vingt-quatre niveaux une partie des suites de l’hôtel ainsi que des appartements.

Juste à côté surgit, entre deux palmiers, un bâtiment signé Rudy Ricciotti, l’architecte auteur du Mucem, à Marseille. Il est baptisé Ayahuasca, comme la substance sacrée que les peuples de l’Amazonie préparent à partir de la liane éponyme. Cette même liane qui, redessinée en béton, rythme la façade de l’immeuble abritant des bureaux ainsi qu’une immense salle de bal.

Juste au-dessus du lobby, le restaurant Taraz propose la cuisine sud-américaine du chef Felipe Bronze. Il ouvre sur une terrasse à laquelle Philippe Starck a voulu donner "un côté place du village, avec la chapelle, un glacier, des oliviers...", soit plusieurs rangées d’arbres centenaires venus d’Uruguay que le paysagiste star Louis Benech – qui signe les jardins de la Cidade – a installés là, en hommage aux racines italiennes de la famille Matarazzo.

Au-delà se situe l’ancien hôpital, encore en travaux, où surgira bientôt un complexe culturel et commercial. Les 160 chambres et suites de l’hôtel sont réparties entre l’ancienne maternité et la Mata Atlântica. Spacieuses et confortables, elles sont habillées de superbes boiseries (ce sont les Ateliers de France qui ont enseigné leurs techniques d’ébénisterie aux artisans brésiliens) et dotées de salles de bains dans toutes les variétés et couleurs de marbres locaux. Baignée par la lumière d’une rotonde vitrée, la suite 614 résume à elle seule l’histoire du lieu. C’est l’une des salles d’accouchement de l’ancienne maternité !
Rosewood São Paulo, rua Itapeva, 435 Bela Vista, São Paulo, SP 01332-000, Brésil.
Par Marion Bley
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