Chez Bertrand et Mariela Raynaud à Limoges

Dans l’art de dresser une table de fête, on peut compter sur Bertrand et Mariela Raynaud. Depuis le Gondeau, du nom de leur grande demeure d’époque Restauration proche de Limoges, ils ont tous les atouts en main pour imaginer un décor de rêve sous le signe de la nature et du raffinement. Plongé depuis plus de trente ans dans l’univers de la porcelaine et directeur de création de la maison Raynaud fondée par son grand-père au début du XXe siècle, Bertrand a l’embarras du choix. Il a finalement jeté son dévolu sur les assiettes estampillées Trésor et Italian Renaissance qu’il entend marier à une série de verres pressés en pointe de diamants made in Portugal. 

À la lueur des bougies, les volutes taillées dans la matière poudrée d’Italian Renaissance prennent des reflets moirés auxquels répondent les motifs de cannage or du service Trésor. Le grand sapin est prêt, enturbanné de guirlandes lumineuses, on n’attend plus que Mariela, qui doit arriver d’un moment à l’autre pour mettre la dernière touche à l’ensemble.

D’origine paraguayenne, Mariela travaille sous son nom de jeune fille – Schwarz Montiel – comme styliste. De par le monde, elle crée depuis vingt ans des lignes de chaussures pour griffes de luxe, entre autres Bally, Gucci et Chloé et sous sa marque Carlotha Ray, tout en créant des modèles pour Raynaud, à l’instar des services Trésor et Trésor Fleuri. 

"J’aime faire voyager le regard et mélanger les influences les plus inattendues"

"Que ce soit pour décorer la table de Noël ou concevoir de nouveaux souliers, je procède toujours de la même façon, comme si je racontais une histoire. J’aime faire voyager le regard et mélanger les influences les plus inattendues. Par exemple, les semelles de mes tongs reprennent des découpages inspirés d’anciennes coupelles de porcelaine", explique-t-elle dans un délicieux accent espagnol en rectifiant les branches de lierre d’un bouquet au centre de table. "Nous avons une vision inconsciente de Raynaud, qui a toujours utilisé des techniques que les autres ne font pas, des décors émaillés, des chromos. On s’amuse !", renchérit Bertrand.

Tous deux se sont rencontrés il y a quinze ans chez le styliste et décorateur Stéphane Plassier. "Je connaissais Stéphane depuis un moment. Une fois à la tête de Raynaud au début des années 1990, je lui ai demandé de dessiner pour nous un service de table, comme l’ont fait plus tard Thierry Marx, Yannick Alléno, Pierre Gagnaire, Christian Tortu ou Alberto Pinto. Puis, ensemble, nous avons réaménagé cette maison de fond en comble lorsque je m’y suis installé", témoigne Bertrand Raynaud. 

Posé en pleine campagne, le Gondeau est un ancien prieuré du XVIIIe dépendant de l’abbaye de Grandmont. Juste après la Révolution, il a été converti en demeure bourgeoise et s’est vu agrandi sous la Restauration d’une aile destinée au matériel agricole. Martial Raynaud, le grand-père de Bertrand, a fait l’acquisition de l’ensemble en 1919, fortune faite. Fils d’ouvrier limougeaud, aîné de neuf enfants et doué pour les langues jusqu’à en parler cinq, il est parti très jeune tenter sa chance comme VRP de porcelaine.

Entre Londres, Berlin et New York, il s’est si bien débrouillé qu’il a pu racheter un atelier de décoration en 1911 puis une manufacture de "blanc", comme on surnomme à Limoges le travail de la porcelaine. Son fils André lui a succédé en 1952 et a insufflé à Raynaud un vent de modernité, ajoutant à son catalogue les créations des grands designers de l’après-guerre, de Raymond Loewy à Roger Tallon ou des séries d’assiettes décorées de dessins de Jean Cocteau. 

Curieux et original, il a aménagé l’aile agricole du Gondeau en demeure de maître à grand renfort d’éléments d’architecture chinés par ses soins : cheminées de toutes époques, portes et meubles en bois ciré, et fait surtout fabriquer sur mesure dans ses ateliers une admirable rampe d’escalier en porcelaine dont les pommes s’illuminent dans un subtil effet laiteux. Elles ont survécu à la restauration menée par Bertrand, tout comme les volumes du grand salon plongé en un total look rouge dans lequel donnent les bureaux de monsieur et madame.

Bertrand s’est surtout aménagé une cuisine digne de ce nom pour la préparation des plats salés, l’une de ses passions. Il a d’ailleurs consigné ses recettes dans un livre publié il y a quelques années, dans lequel il trouvera l’inspiration du déjeuner de Noël. Il y a douze ans, le couple a donné naissance à l’adorable Eva-Luna, aussi brune et solaire que ses parents. Tandis que ces derniers fignolent les ultimes détails du décor de Noël, elle préfère jouer avec sa chienne Macha, l’infatigable labrador de la maison, certaine qu’à l’heure de se mettre à table, tout sera plus que parfait.