Dans le hall d’entrée vaste comme une cathédrale brûle un feu à cuire un bœuf entier. Sur le mur à gauche, tout près de la porte menant à la salle de garde aménagée en salle... à manger, se détache le portrait de Pierre-Paul Riquet, constructeur du canal du Midi de qui sont issus les actuels princes de Chimay. "Sur son lit de mort, Louis XIV aurait dit que c’était la réalisation dont il était le plus fier", sourit Philippe, 22e prince de Chimay. Si son épouse Françoise et lui ont rendu sa splendeur au château en une décennie à peine, les Riquet de Caraman ne sont pas la première lignée à veiller aux destinées de ce fief millénaire. Loin de là.
Chaque année, vingt mille visiteurs viennent découvrir Chimay
Dès la deuxième moitié du Xe siècle, les Allard sont installés sur la motte castrale de Chimay, dont ils prennent le nom. Au XIVe siècle, toujours par les femmes, et après les comtes de Soissons, Chimay passe aux familles de Hainaut, puis de Blois-Châtillon. "Vers 1375, poursuit le prince Philippe, Guy de Blois fait venir Jean Froissart qu’il nomme chanoine de Chimay, où le clerc écrit une partie de ses chroniques sur la guerre de Cent Ans." En 1434, le fief est revendu à Jean II de Croÿ. "Dont le petit-fils, Charles de Chimay, voit son comté élevé en principauté en 1486 par Maximilien d’Autriche et devient, en 1500, le parrain du futur Charles Quint." Lors de la guerre de Trente Ans, les troupes françaises mettent à mal le château. "Chimay comptait six tours, quatre n’ont plus que la moitié de leur hauteur originelle et elles ont dû être doublées. Le bonheur est d’avoir toujours eu des femmes et des hommes qui s’intéressent à l’endroit."

C’est en 1804 que François Joseph de Riquet, arrière-arrière-petit-neveu du constructeur du canal du Midi, hérite de Chimay et s’emploie à relever le château et la principauté. En 1805, il épouse Thérésia Cabarrus, auparavant mariée, entre autres, au révolutionnaire Tallien qu’elle pousse depuis sa prison à renverser Robespierre. Mélomanes, le prince François Joseph et Thérésia reçoivent à Chimay de nombreux artistes, de Cherubini à la Malibran. "Leur fils, Joseph, surnommé 'Le Grand prince', fera construire le théâtre actuel dans le château, en 1863, sur le modèle de celui de Louis XV, à Fontainebleau. Il finance l’installation de l’abbaye trappiste sur ses terres de Scourmont. Nous devons aux moines la célèbre bière de Chimay."

"Le Grand prince" est aussi le grand-père d’Élisabeth, devenue par mariage la comtesse Greffulhe, personnalité du Tout-Paris et modèle de la duchesse de Guermantes, dans À la recherche du temps perdu. "Encore une mélomane, dans la pure tradition des Chimay. Elle a lancé Fauré, Caruso. Sa robe aux lys, créée par Worth, pour la venue à Paris de Nicolas II, en 1896, est aujourd’hui conservée au palais Galliera." À la Belle Époque, hélas, succède la Grande Guerre qui ne laisse pas le château intact. Pire encore, il est ravagé en 1935 par le septième incendie de son histoire. À peine est-il reconstruit que la Wehrmacht envahit la Belgique. Chimay devient une caserne allemande. En 1947, Élie et Élisabeth de Chimay s’installent parmi les gravats et restaurent à leur tour, ramènent la vie dans cette demeure chargée d’histoire. Ils créent le festival de musique de Chimay, ouvrent le château à la visite.

En 2012, une autre bonne fée se penche sur sa destinée. Françoise Van Damme, petite-fille du créateur de la bière Jupiler et héritière du groupe brassicole AB InBev, épouse Philippe de Chimay et avec lui l’histoire de ses ancêtres. Pour le meilleur. "J’ai beaucoup de fantaisie et mon mari ne m’a jamais dit non." S’ensuit une campagne de travaux menée tambour battant qui permet une véritable renaissance de la demeure avec le concours des meilleurs artisans. "De nouvelles réfections sont en cours au rez-de-chaussée dans le grand salon bleu et nous avons un projet important concernant la terrasse dont l’étanchéité laisse à désirer", poursuit la princesse Françoise avec son enthousiasme irrésistible.


Un concert se tient chaque mois dans le théâtre et le domaine offre minigolf et "Escape Rooms" à ses vingt mille visiteurs annuels. Sans oublier la maison des artistes et les expositions justement d’artistes belges contemporains, à commencer par Marie-Jo Lafontaine, Hans Op de Beeck ou Jean-Luc Moerman. "À chaque fois, nous achetons une œuvre", sourit la princesse Françoise, son Jack Russell Joséphine sur ses genoux. "Le château est un peu notre enfant. Il m’a accueillie et acceptée."

Visites privées toute l’année sur réservation. Tél. : +32 60 21 45 31 ou info@chateaudechimay.be
Visites individuelles du 1er juillet au 30 septembre 2023.
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