Vus de l’extérieur, le perron, le bow-window et le front garden de cet immeuble néo-victorien ne laissent planer aucun doute. Nous sommes bien à Londres, plus précisément dans l’élégant quartier de South Kensington, à 15 minutes de Hyde Park. À l’intérieur, l’appartement de Dimonah et de son mari Mehmet Iksel, qui occupe le rez-de-chaussée et le premier étage, réserve pourtant des surprises venues des quatre coins du monde. La maîtresse des lieux le qualifie d’ailleurs en riant de "maison de chineurs bohèmes, le résultat de trois décennies d’expérimentations et de vie conjugale !"
Iksel Decorative Arts, mélange d’influences médiévale et islamique
Aux murs de chacune des vastes pièces aux très hauts plafonds, quelques-uns des centaines de décors et panneaux décoratifs créés par le couple Iksel ; sur les canapés, les lits, les fauteuils : des plaids, coussins et couvertures aux couleurs de leur nouvelle collection de tissus ; et partout, des tables, commodes, objets chinés dans des brocantes et salles des ventes, puis décorés et peints — customisés, en somme.

Après avoir vécu à Jaipur, Istanbul et Paris, Dimonah et Mehmet ont choisi l’Angleterre, mais locataires, toujours un peu saltimbanques. "Nous n’avons jamais possédé quoi que ce soit, ni bien mobilier ni voiture : nous avons tout investi dans notre affaire", résume-t-elle. L’histoire de Iksel Decorative Arts, maison en tapisserie et décors peints entièrement à la main, est aussi celle du coup de foudre entre Dimonah et Mehmet. "Mon mari et moi n’allons pas l’un sans l’autre", raconte avec plaisir cette belle femme de 66 ans en évoquant leur rencontre en 1988, alors que chacun d’entre eux parcourait l’Inde en célibataire. À une époque où, précise-t-elle, elle avait renoncé à rencontrer un homme avec qui partager plus qu’une liaison. "J’ai épousé le premier dont j’ai été amoureuse: j’avais 32 ans."

Fille d’une famille de bijoutiers irako-hongrois, Dimonah vit alors à New York, tandis que Mehmet, fils de diplomate turc, est installé à Paris, après avoir grandi entre Bonn, Istanbul, Gstaad et Oxford et fréquenté les écoles pour "futurs maîtres de l’univers", plaisante son épouse. "Nous étions convaincus que nous allions passer le reste de notre vie ensemble. Mais que faire ? Je me suis souvenue d’un hôtel en Italie, avec de magnifiques fresques peintes sur papier, et non directement sur le mur. Let’s do it !"

Ainsi naît Iksel Decorative Arts, dont l’inspiration rassemble deux mille ans d’histoire de l’art, mélange d’influences médiévale et islamique, avec une prédilection pour le XVIIIe siècle. "Nous avons commencé par des panneaux décoratifs sur mesure, à Jaipur, où vivaient des expatriés de grande influence. Rajmata de Jaipur, veuve d’un maharaja, nous a demandé de refaire sa maison. L’impulsion était donnée: de nombreux décorateurs n’ont pas tardé à nous contacter." Les commandes d’hôtels prestigieux (en Inde d’abord, avant l’Angleterre, la Belgique, la France), puis de personnalités comme Tommy Hilfiger, Tory Burch ou François Pinault, dont Dimonah et Mehmet ont décoré le château, achèvent de consacrer leur réputation.

Dans leur home sweet home londonien, où que les yeux se posent, l’histoire du couple se confond avec celle de leurs créations. Au rez-de-chaussée, dans la chambre de Dimonah, une commode XVIIIe siècle achetée dans une salle des ventes à New York voisine avec un meuble Ikea recouvert de l’une de leurs teintures murales dont le thème vient d’un vase Lalique. Dans la chambre de Mehmet, qui est aussi le bureau de sa femme, trônent deux ordinateurs surpuissants, ainsi qu’une immense bibliothèque de livres d’histoire et d’art, et des dossiers d’archives.

"Avant le numérique, pour préparer les décors, nous récoltions ensemble les images dans les bibliothèques, les catalogues de musées et de ventes. Maintenant, je construis mes collages sur Photoshop." L’étage, lui, s’assortit aux couleurs de la faune méditerranéenne d’un prototype mural créé en 1995. Le salon est le royaume des canapés et des fauteuils acquis à Drouot, ainsi que des tapis persans et turcs, toujours à poil ras, sur lesquels le chat de la maison se plaît à faire ses griffes. "Les Anglais trouvent très chic que les tissus et les meubles soient abîmés par les animaux : une chance pour nous lorsque nous recevons !"

Aujourd’hui, la maison Iksel ne conçoit plus uniquement ses décors à la commande, mais propose aussi des panneaux sur mesure (le client sélectionne un dessin d’une collection et envoie ses dimensions) ou standards. Que l’on habite un 50 m2 ou un 500 m2 , la vie de château est possible. En 2023, une première collection de textiles, d’inspiration indienne, est prévue. Elle sera, comme beaucoup de papiers peints, visible dans le showroom parisien que le couple a ouvert en septembre dernier, dans le VIe arrondissement. "Nous voulions revenir à nos débuts, là où tout a commencé. Une fois encore, c’est notre histoire qui nous sert de trame."
*Iksel Decorative Arts, 20, rue Bonaparte, 75006 Paris.www.iksel.com
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