L’incroyable collection de Naty Abascal, reine de Séville

L’histoire de cette Sévillane, devenue icône de l’élégance et duchesse de Feria dans les seventies, fait défiler maîtres de la mode, artistes pop, grands d’Espagne et autres aristocrates du monde entier. Alors qu’un ouvrage* est sorti récemment sur sa collection personnelle de vêtements haute couture, elle évoque pour nous ses plus belles amitiés.

Par Fanny del Volta - 17 août 2021, 14h49

 Icône de l’élégance, Naty Abascal a marqué de son empreinte le monde de la mode.
Icône de l’élégance, Naty Abascal a marqué de son empreinte le monde de la mode. © Fotonoticias/WireImage/Getty Images

Pour Natividad Abascal y Romero Toro, tout commence en 1964. Elle vient tout juste d’avoir 21 ans quand le créateur de mode espagnol Elio Berhanyer lui demande de défiler à l’Exposition universelle de New York. Le couturier n’a pas trouvé une perle, mais deux, puisque Natividad conquiert la Grosse Pomme avec sa sœur jumelle, Ana María. Ensemble, elles font le show.

Au lendemain de l’événement, un journaliste du New York Times s’interroge sur ce jeune mannequin aux traits racés "qui bat tous les records de rapidité et se retrouve toujours sur le podium"! Aujourd’hui encore, celle qui est tout simplement devenue Naty s’amuse toujours de ce succès. "Dès que je quittais la scène, ma sœur faisait son entrée et vice versa ! Ana María et moi avons tant d’anecdotes de ce genre à raconter !"

Naty Abascal lors du Bal Blanc organisé à New York en janvier 1969. C'est dans la cité new-yorkaise qu'a débuté sa carrière cinq ans plus tôt.  © Ron Galella/Ron Galella Collection via Getty Images
Naty Abascal lors du Bal Blanc organisé à New York en janvier 1969. C'est dans la cité new-yorkaise qu'a débuté sa carrière cinq ans plus tôt. © Ron Galella/Ron Galella Collection via Getty Images

Après ce baptême du feu, Richard Avedon propose une prise de vue aux deux sœurs. Dans le studio du photographe sur la 58e Avenue, elles croisent les icônes du moment, Twiggy et Veruschka, tout juste habillées et maquillées pour une séance de pose. "Après ce shooting en blanc et noir, nous avons fait la couverture du Harper’s Bazaar." Les deux Espagnoles regagnent Séville, mais la carrière de Naty est déjà tracée. "Ma sœur a gardé le goût des belles choses. Elle est aujourd’hui antiquaire à Séville et a ouvert une boutique face au fleuve Guadalquivir."

Naty, un oiseau de Paradis pour Valentino

Le jeune mannequin se lie alors d’amitié avec les plus grands noms de la haute couture : Oscar de la Renta, Valentino... Naty parcourt le monde entier, pose pour Andy Warhol, Salvador Dalí et joue même dans Bananas, le deuxième film de Woody Allen. "C’était une époque de grande découverte, de liberté totale." L’audacieuse pose même dans Playboy.

En 1977, elle met néanmoins cette vie entre parenthèses lorsqu’elle épouse un descendant du roi Alphonse X de Castille : Rafael de Medina y Fernández de Córdoba, duc de Feria. Leur union dure une douzaine d’années. À la suite desquelles la jeune femme reprend le chemin des studios et des podiums, comme si de rien n’était...

Ses amis disent de Naty Abascal qu’elle est l’élégance incarnée. Le couturier Valentino la compare à un oiseau de Paradis et loue sa fraîcheur. "Le style, c’est la relation que chacun entretient avec la vie, c’est une façon de dormir, de voyager, de nouer des relations", aime-t-elle à dire en se remémorant les superbes créations de mode qu’elle a eu le privilège de porter.

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D’une robe flamenco à un manteau de soie ottomane, chacune des pièces de sa garde-robe, présentée dans l’ouvrage Naty Abascal : The Eternal Muse Inspiring Fashion Designers, devient un élément de portrait, une façon de se raconter et de rendre hommage à tous ceux qu’elle a inspirés.

Pourquoi cet ouvrage sur votre collection de haute couture ?

Cette idée a vu le jour l’année dernière, après une exposition organisée par Eugenio López Alonso, créateur de la fondation d’art Jumex, à Mexico. Quatre-vingt-deux de mes modèles préférés dessinés par Valentino, Oscar de la Renta, Balenciaga, Givenchy ou encore Armani ont été présentés. À ma plus grande joie, c’était la première fois que le musée Jumex proposait un tel événement, présentant la mode comme un art à part entière.

Comment avez-vous choisi les modèles exposés ?

C’était une aventure en soi ! Le vêtement n’est rien sans la vie qu’on y met, l’histoire qu’on lui offre. Certaines pièces sont de vraies œuvres d’art. Chaque tenue est spéciale pour moi. La robe en crêpe de soie verte de Valentino que j’ai portée le jour du mariage de mon fils Rafael est l’une de mes préférées. La jupe courte en soie jaune, dessinée dans les années 1960 par Oscar de la Renta, me rappelle aussi de beaux souvenirs.

Vous avez travaillé pour les plus grands. Quels créateurs vous touchent le plus ?

J’ai connu Oscar de la Renta en 1964. Il est devenu comme un frère pour moi. Il était généreux, humain et possédait un goût exceptionnel. J’aimais sa sensibilité et son humilité. Il me manquera toujours. En 1965, j’ai défilé à Rome pour Valentino. J’ai envers lui une profonde reconnaissance pour tout ce qu’il m’a appris. Sa maîtrise esthétique, sa passion des belles choses et sa collection d’art en font le meilleur hôte sur terre. Avec Christian Lacroix, que j’ai rencontré en 1985 lors d’une fête à Madrid, la connexion a été immédiate. Nous avons ri dès la première minute. Je l’aime de tout mon cœur et j’admire son originalité.

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Quels ont été vos autres mentors ?

Eileen Ford, qui m’a donné ma chance dans sa célèbre agence de mannequins. Ses précieux conseils me guident encore. Elle m’a appris que la beauté était le fruit d’une vie saine. Exigeante, perfectionniste et très protectrice, elle a révolutionné le monde de la mode dont elle avait saisi l’importance dans le panorama économique et culturel.

Et du côté des photographes ?

Tous étaient talentueux. Si je devais faire un lien entre Mario Testino, Richard Avedon, Horst P. Horst et lord Snowdon par exemple, je dirais qu’ils avaient un sens aigu de l’élégance et savaient créer une forme de magie autour du modèle. Testino possède une allégresse et une force contagieuses. Richard Avedon et Horst P. Horst sont des magiciens de la lumière. Je me souviens de ma rencontre avec lord Snowdon, en 1987. C’était à Séville, pour le reportage The Flame in Spain ! paru dans Vanity Fair. Je posais auprès de la duchesse d’Albe et de la comtesse de Romanones. Ma coiffure était incroyable ! C’était un portraitiste plein d’idées.

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Devenir duchesse de Feria, en 1977, vous a fait mettre de côté votre carrière professionnelle...

Disons que je travaillais moins mais, même entre Madrid et Séville, je restais proche du milieu de la mode. J’ai de très bons souvenirs de cette vie-là. Les meilleurs sont évidemment la naissance de mes fils, Rafael et Luis. J’ai grandi dans une famille nombreuse. Avoir des enfants a été ma plus grande joie.

Vous dites les avoir souvent abandonnés pour des shootings. Quelle relation avez-vous avec eux aujourd’hui ?

Les séparations étaient un crève-cœur, mais mes fils ont toujours compris la nécessité pour moi de travailler. Je devais leur donner la meilleure éducation possible. Aujourd’hui, je suis très fière d’eux. Tous deux sont entrepreneurs dans le monde du luxe. Rafael a fondé Scalpers, une marque de vêtements. Il est aussi à la tête...

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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