Qui sont les chefs des têtes couronnées ?

C’est l’un des clubs les plus prestigieux du monde… Méconnu, il réunit ceux qui tiennent les tables des rois et des présidents. De la cour du Royaume-Uni ou des Pays-Bas au grand-duché de Luxembourg, de l’Élysée à la Maison-Blanche, nous avons suivi ces artisans discrets des divines saveurs diplomatiques, en visite à Paris.

Par Olivier Josse - 24 août 2021, 15h16

 Les membres du Club des chefs des chefs devant l’entrée de l’hôtel Plaza Athénée, à Paris, équipés des tabliers bleu, blanc, rouge de fabrication française de l'Atelier TB.
Les membres du Club des chefs des chefs devant l’entrée de l’hôtel Plaza Athénée, à Paris, équipés des tabliers bleu, blanc, rouge de fabrication française de l'Atelier TB. © Julio Piatti

Participer à un dîner de gala à Windsor, être reçu par le président des États-Unis, porter un toast en l’honneur du Premier ministre canadien… Qui n’en a pas rêvé ? Le "G20 de la gastronomie", comme l’a baptisé avec malice Gilles Bragard, secrétaire général et fondateur du Club des chefs des chefs, vient de se réunir dans la capitale.

Reçus par le président de la République à l’Élysée pour un déjeuner, ils étaient également les hôtes du chef de l’État dans la tribune présidentielle pour le défilé du 14 Juillet. Leur parcours les a ensuite conduits dans les vignobles de champagne, dans le Bordelais, au château Lafite Rothschild, dans les Landes et au marché de Rungis. Ils ont même profité de leur séjour pour offrir un dîner de gala au Quai d’Orsay, à l’invitation du ministre des Affaires étrangères, en faveur de la fondation École de Félix à Madagascar.

Mark Flanagan, chef de S.M. la reine du Royaume-Uni, et Christian Garcia, chef de S.A.S. le prince Albert II de Monaco. © Julio Piatti
Mark Flanagan, chef de S.M. la reine du Royaume-Uni, et Christian Garcia, chef de S.A.S. le prince Albert II de Monaco. © Julio Piatti

La liste donne le tournis. Parmi ces défenseurs du goût, vous trouverez le chef de S.M. la reine du Royaume-Uni, celui de S.A.S. le prince de Monaco, mais aussi du roi des Pays-Bas, du grand-duc de Luxembourg et de la cour du royaume du Maroc. Également de cette joyeuse réunion, la cheffe – car c’est une femme – de la Maison-Blanche, accompagnée de ceux des Premiers ministres du Canada, d’Espagne et d’Israël, des présidents de la République d’Italie, de Grèce, du Kremlin, de la chancelière d’Allemagne, d’Autriche, de la Confédération helvétique, de Finlande, d’Islande et d’Estonie ainsi que, bien sûr, Fabrice Desvignes, le chef du palais de l’Élysée, qui succède depuis peu à Guillaume Gomez, nommé ambassadeur de France pour la gastronomie.

Des cuisiniers reçus "comme des chefs d'État"

Issu d’une famille du sérail, Fabrice Desvignes a passé vingt-deux ans dans les cuisines de la présidence du Sénat, où son travail a été couronné de l’une des plus importantes distinctions internationales, le Bocuse d’or, en 2007 à Lyon, suivie de la réussite au concours du Meilleur Ouvrier de France en 2015.

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Pour ce séjour, une fois n’est pas coutume, ces artistes des fourneaux sont à l’honneur. Logés à l’hôtel Plaza Athénée, à Paris, ils sont reçus "comme des chefs d’État, eux qui travaillent si durement toute l’année au service des grands de ce monde. C’est pour nous une fierté", confie François Delahaye, directeur général de l’établissement.

Gilles Bragard a dû concocter le programme 2021 du Club en quelques semaines, situation sanitaire oblige. "Nous avons l’habitude d’organiser une rencontre annuelle des membres du club, mais rien n’avait été possible depuis 2019 ! Il fallait que l’édition 2021 soit réussie et prestigieuse. La précédente réunion s’était déroulée à La Mamounia, à Marrakech, en octobre 2018." 

Gilles Bragard, fondateur du Club des chefs des chefs. © Julio Piatti
Gilles Bragard, fondateur du Club des chefs des chefs. © Julio Piatti

Créé en 1977, ce club est né du constat que les cuisiniers des chefs d’État ne se connaissaient pas entre eux, contrairement à Gilles Bragard, grâce à sa maison familiale de confection de vêtements professionnels, dont des vestes haut de gamme, portées notamment par Paul Bocuse. La première réunion, en 1980, à l’invitation du roi de Suède, fut un succès qui ne se démentira plus, année après année.

Une visite du marché de Rungis au programme 

"Nous avons été trois fois à la Maison-Blanche, et mon plus grand souvenir restera d’avoir été accueilli la première fois par Ronald Reagan dans le Bureau ovale. J’avais 40 ans ! J’ai également été très honoré que le club soit reçu par la reine Élisabeth II dans ses appartements privés du palais de Buckingham", nous confie Gilles Bragard, amusé des précisions apportées par son épouse Monica, qui l’accompagne dans tous ses voyages.

Willem-Peter van Dreumel, chef de S.M. le roi des Pays-Bas, dans les entrailles de Rungis, côté spécialités laitières. © Julio Piatti
Willem-Peter van Dreumel, chef de S.M. le roi des Pays-Bas, dans les entrailles de Rungis, côté spécialités laitières. © Julio Piatti

Pour ces chefs qui ne font aucune concession sur la qualité des produits qu’ils choisissent, la visite du marché international de Rungis était comparable à un lâcher d’enfants dans un magasin de confiserie. Le chef de la maison royale des Pays-Bas, Willem-Peter van Dreumel, n’en croyait pas ses yeux. Emmené par le passionnant président de Rungis, Stéphane Layani, il cherchait les produits lui permettant de réaliser son plat de prédilection: foie gras, sorbet Granny Smith, anguille, accompagné de la réduction de son jus.

Malgré l’heure matinale, celui dont le roi Willem-Alexander des Pays-Bas dit qu’il est "une tempête dans la cuisine" goûtait tout, discutait avec les représentants de tous les secteurs du marché : fruits et légumes, produits carnés ou de la mer, spécialités laitières et bien d’autres. "C’est une véritable ville dans la ville", remarquait-il, impressionné par les quelque 12.500 personnes qui y travaillent quotidiennement.

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Au cours de la promenade, le chef néerlandais nous a également confié la joie qu’il a ressentie d’avoir pu cuisiner des cookies avec Maxima, pour son anniversaire. "La mère de la reine était même spécialement venue d’Argentine pour l’occasion." Celui qui, avant de rejoindre la maison d’Orange-Nassau, a été à la tête des plus grandes tables du pays et a souvent conquis leurs étoiles, ne dissimule pas sa règle d’or : toujours contrôler la qualité des produits, mais aussi être sûr de l’excellence des équipes.

L’exigence absolue de ces chefs est une règle internationale. Pour la maison de Luxembourg, Franck Panier examinait avec une grande attention les produits de saison, lui qui veille depuis quatorze ans "sur la santé du grand-duc et de la grande-duchesse". À Monaco, Christian Garcia fait pour sa part venir les légumes biologiques des jardins de la ferme princière de Roc-Agel, refuge secret de 56 hectares.

LIRE AUSSI >> Les plats préférés des têtes couronnées 

À la Maison-Blanche, Cristeta Comerford, qui œuvre depuis vingt-sept ans au service des présidents américains, a déclaré que cette visite de Rungis était un "rêve", enthousiasme confirmé par les photos et les vidéos qu’elle ne cessait de prendre. Elle a également confessé ne pas avoir été à l’origine du dîner "hamburgers" servi à l’équipe de football des Clemson Tigers par le prédécesseur de l’actuel président des États-Unis : "J’étais contre, mais c’était il y a deux ans, à un moment où le pays était bloqué en raison du débat sur le financement d’un mur à la frontière mexicaine !" 

Cristeta Comerford, cheffe du président des États-Unis d’Amérique, émerveillée par sa visite de Rungis. © Julio Piatti
Cristeta Comerford, cheffe du président des États-Unis d’Amérique, émerveillée par sa visite de Rungis. © Julio Piatti

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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