Quel a été votre premier contact avec la cuisine ?
Mon père, Kim, cuisinait beaucoup, sans recettes. Je passais mon temps à le regarder, à goûter. Il était doué pour les sauces, j’en profitais avec un morceau de pain. Il m’a appris à choisir les herbes, à faire le marché. Il venait d’Argentine, avec cette culture des grandes tablées.

Vos parents recevaient souvent ?
Énormément. Mon père était designer, il a commencé par des meubles en aluminium, puis en bronze, dans les années 1960. Il dessinait aussi des jardins. C’était un épicurien. Ma mère était une égérie de Chanel, lorsque Coco a rouvert la maison, en 1954. Ils étaient très intégrés à la vie parisienne. Nos week-ends en Normandie étaient l’occasion d’accueillir des gens de tous horizons. Marie-Hélène de Rothschild pouvait être assise à côté d’un jeune peintre rencontré deux jours plus tôt. Il y avait aussi Georges et Claude Pompidou, tous deux témoins de mariage de mes parents.

Pouvez-vous nous dire quand vous est venu le plaisir d’organiser des dîners ?
J’ai commencé vers 17 ans, pour des amis. Je leur préparais des pintades au chou, ce genre de choses. J’ai toujours pris du plaisir à organiser des repas pour les autres. Je baignais dans une culture du partage. C’est devenu ma vie.
Souhaitiez-vous déjà en faire votre métier ?
Non, je n’avais pas planifié cela. Une partie de mon enfance s’est déroulée dans des pensionnats suisses et anglais. Je suis sortie d’Oxford sans avoir vraiment réussi mes études. Puis j’ai travaillé un peu à Drouot, à Vogue pendant cinq ans avec Colombe Pringle (ancienne directrice de la rédaction de Point de Vue, ndlr), et pour d’autres magazines. J’écrivais des articles sur l’art de vivre. J’ai fini par faire de la décoration d’intérieur. La cuisine est venue par accident.
Comment avez-vous débuté ?
Je n’y avais jamais pensé avant que Pierre Sauvage, qui dirige la société d’édition de tissus Casa Lopez, me propose d’organiser un dîner pour 40 personnes, il y a huit ans. C’était pour le lancement d’un whisky du groupe Baron Philippe de Rothschild. Il voulait que j’utilise ma vaisselle. J’ai réfléchi pendant une nuit et je lui ai signifié mon accord. Cela m’a lancée. Ma première activité était la décoration, mais les arts de la table, m’ont toujours amusée.

Avez-vous pris des cours de cuisine ?
Jamais. Je ne suis pas cheffe, je déteste ce mot. Je suis une bonne cuisinière qui aime les jolies tables. Peut-être faudrait-il que j’aille chez Ferrandi, pour me perfectionner. Mais pour l’instant, cela se passe très bien (rires). Ma préférence va vers les recettes classiques françaises, comme la blanquette aux morilles, que je prépare régulièrement. Je suis douée en risotto aussi et pour certains plats italiens, les polpettes (boulettes) de veau par exemple. Je cuisine le poisson en fonction des saisons, comme les coquilles Saint-Jacques lutées, c’est-à-dire fermées avec de la pâte feuilletée. Au printemps, j’aime m’amuser avec des farcis provençaux.
Comment trouvez-vous l’inspiration ?
Cela démarre souvent avec le choix de l’assiette. Elle donne le ton, la couleur de ce que je peux proposer. Ensuite, j’envoie au client un petit carnet de tendances. Mais cela dépend aussi du lieu, du décor, de la personnalité des invités, de leur nombre. Vous ne préparez pas la même chose pour 20 filles ou pour 40 garçons (rires). En fait, mon plaisir est de leur donner l’impression d’être dans une vieille maison de famille, avec un bel assortiment de décoration et de nourriture.

Comment renouvelez-vous vos services de table ?
Ah, les services ! J’en achète tout le temps, c’est un peu une maladie. Il m’est impossible de connaître leur nombre exact. Je me fournis le plus souvent aux Tables d’Eva ou chez Nicolas Giovannoni, aux Puces de Saint-Ouen. J’en trouve aussi sur des sites, des gens me préviennent…
Qu’est-ce qui est le plus important dans un dîner ?
Que les invités n’attendent pas entre les plats. Lorsqu’ils sont assis, il faut que cela se déroule assez vite, avec un bon rythme. Il faut aussi un excellent service. Je travaille depuis le début avec la même équipe, ils sont vigilants, alertes et à l’écoute. Mais, surtout, il faut que tout soit réussi.

Vous travaillez pour les particuliers ?
Peu, car j’aime avoir la maîtrise de toute la décoration, du service choisi, et c’est rarement le cas chez les particuliers. Et pour des dîners ou des déjeuners professionnels, il est toujours agréable de découvrir de vraies jolies tables. C’est le premier pas vers un beau moment.
Et quand vous êtes vous-même convive, quelle est votre définition du dîner presque parfait ?
Que votre voisin soit sympathique autant que sa conversation. Qu’il y ait du vin délicieux et un bon repas. Et que l’on reste là toute la nuit à refaire le monde, "sobre mesa", sur la table, comme on dit en espagnol.
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