Le comte Nikolai von Bismarck immortalise Kate Moss pour Fendi

À 34 ans, l’arrière-arrière-petit-fils du chancelier Otto von Bismarck photographie les femmes et la nature avec la poésie de l’argentique. Compagnon de Kate Moss et familier des mariages princiers, ce grand romantique cosigne The Fendi Set, beau livre qui raconte la première collection haute couture du styliste Kim Jones pour la maison italienne.

Par Marie-Eudes Lauriot Prévost - 21 février 2022, 08h13

 Adepte du procédé argentique, Nikolai von Bismarck a réalisé son autoportrait avec une chambre Sinar vintage.
Adepte du procédé argentique, Nikolai von Bismarck a réalisé son autoportrait avec une chambre Sinar vintage. © 2022 Nikolai von Bismarck

Livre de mode, voyage artistique, portrait de famille, comment qualifieriez-vous The Fendi Set

Au départ, il y a la belle amitié qui me lie à Kim Jones. Nous nous connaissons depuis une dizaine d’années, rions beaucoup et partons parfois en voyage tous les deux, notamment pour observer la nature et les oiseaux. Nous attendions le bon moment pour travailler ensemble. Ce fut d’abord le livre The Dior Sessions en 2019, puisque Kim dirige aussi la ligne homme pour la griffe. Avec la maison Fendi, il a voulu un travail différent, autour de l’élaboration de sa première collection haute couture inspirée de l’histoire du Bloomsbury Group, une vieille obsession de Kim. Il a grandi dans le Sussex près de Charleston Farmhouse, la maison de Vanessa Bell et Duncan Grant, deux figures de ce mouvement artistique anglais très bohème du début du XXe siècle, et collectionne toute une série d’objets, des éditions rares de Virginia Woolf par exemple. Kim a réussi à me transmettre sa passion. Hasard ou pas, Fendi est né en 1925, au plus fort de l’activité du Bloomsbury Group, dont certains membres ont fait de fréquents voyages en Italie, à Rome surtout, la patrie de Fendi. La boucle était bouclée.

Kate Moss et sa fille Lila Grace photographiées par Nikolai von Bismarck.
Pour les besoins du livre The Fendi Set, il a photographié la première collection haute couture dessinée par Kim Jones pour la griffe italienne portée par plusieurs mannequins, dont sa compagne Kate Moss et sa fille Lila Grace. © 2022 Nikolai von Bismarck

Comment avez-vous travaillé ? 

Avec le temps long, ce qui est une vraie chance. Ce voyage a commencé en septembre 2020, au sud de l’Angleterre d’abord, entre Kent et Sussex. Ce fut Charleston Farmhouse, la maison de Vanessa Bell et Duncan Grant, Sissinghurst, le château de Vita Sackville-West, et Knole House, sa maison natale, ou encore Monk’s House, maison de Virginia et Leonard Woolf. Puis nous sommes partis pour le défilé de la collection à la Bourse de Paris, en janvier 2021. Et, enfin, nous sommes arrivés à Rome pour retrouver la famille Fendi à la Villa Borghèse. Silvia Delettrez-Fendi et sa fille Delfina travaillent énormément. Les voir ensemble rire, échanger a été passionnant. J’ai utilisé plusieurs procédés photographiques, des appareils des années 1930 qui me permettaient de rester au plus près des couleurs fanées du Bloomsbury Group, des Polaroid périmés, une chambre Sinar 8x10, des tirages au plomb. J’ai beaucoup appris. 

Trois générations de la famille Fendi photographiées par Nikolai von Bismarck.
À Rome, la Villa Borghèse a servi de cadre au portrait des trois générations de la famille Fendi. © 2022 Nikolai von Bismarck

Vous n’utilisez que l’argentique ? 

Cela fait au moins cinq ans que je ne me suis pas servi du numérique. Travailler les films physiques permet d’obtenir une texture impossible à obtenir avec le numérique. Ils possèdent une âme à travers laquelle on peut voir. Chaque prise de vue est soignée. Sans parler du délai du développement qui permet d’y penser. J’ai l’impression que l’argentique fait de vous un meilleur photographe. 

Comment votre vocation est-elle née ?

À l’adolescence, nous avons voyagé en Afrique avec mes parents, et j’ai commencé à prendre beaucoup de photos. J’avais 14 ans, en 2001, lorsque j’ai découvert New York et les Twin Towers. Je n’avais jamais rien vu de si grand. Nous sommes montés au sommet, et, deux mois plus tard, c’était le 11-Septembre. Je suis retombé il n’y a pas longtemps sur les photos que j’avais prises alors. À l’école, il y avait une dark room, où j’ai appris à développer. J’ai tout de suite adoré me retrouver seul dans le noir avec la musique. C’était une vraie échappatoire. Puis en école d’art, tout s’est confirmé. 

La mannequin anglaise Kate Moss photographiée par Nikolai von Bismarck.
Kate Moss devant l'objectif de son compagnon, le comte Nikolai von Bismarck. © 2022 Nikolai von Bismarck

Vous considérez-vous comme un photographe de mode ? 

Je ne pense pas. La mode n’est présente que depuis trois ans dans mon travail. J’aime surtout photographier la nature, les paysages, les animaux. Ce que j’aime dans la mode, c’est l’imagination qu’elle engendre, la construction du rêve. À vos yeux, la photographie est-elle l’art de l’instant ? J’aime prendre mon temps, au maximum. Je viens de faire un travail qui m’a demandé deux semaines de tests, j’ai besoin de construire avant de me lancer. Je pense que cela vient de mon expérience auprès d’Annie Leibovitz. À mes débuts, j’ai été son assistant. Avant chaque shooting, elle travaille énormément sur l’histoire et les références, et j’ai fait beaucoup de recherches pour elle. 

La ville de Rome où est née la marque italienne Fendi, en 1925.
La ville de Rome, berceau de la griffe Fendi, née en 1925, photographiée par le comte Nikolai von Bismarck. © 2022 Nikolai von Bismarck

En matière de photographie, quels sont vos maîtres ? 

J’ai beaucoup d’admiration pour Diane Arbus, Robert Frank, Malick Sidibé, Sally Mann, ces maîtres du portrait et du noir et blanc… En remontant dans le temps, j’ai découvert l’œuvre magnifique de Julia Margaret Cameron — encore une portraitiste —, née en Inde au début du XIXe siècle, et qui, par ailleurs, était la grand-tante de Virginia Woolf… 

Le top model anglais Cara Delevingne devant l'objectif de Nikolai von Bismarck.
L’Anglaise Cara Delevingne s’est prêtée au jeu de la pose longue. © 2022 Nikolai von Bismarck

Comment définiriez-vous votre style ? 

Il évolue sans arrêt, mais une forme de noirceur est toujours là. Quand je regarde un peu en arrière, je la vois, elle m’attire. Tout comme la lumière d’ailleurs. Les extrêmes… 

Seriez-vous un grand nostalgique ?

Je me demande souvent si je suis bien dans mon époque. Je rêve parfois d’avoir grandi dans les années 1970 ou à Paris dans les années 1920, avec ses mouvements artistiques incroyables, ou encore au XVIIe siècle en Angleterre. Finalement, je suis heureux de vivre dans le monde d’aujourd’hui, même si la technologie me dépasse. J’aime toucher les choses, régler mes appareils, manipuler les négatifs. Finalement, je dois être nostalgique… et sentimental.

The Fendi Set, photos de Nikolai von Bismarck, textes de Kim Jones, Jerry Stafford et Mark Hussey, Rizzoli, 110 euros. À partir de la fin février 2022.

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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