La vente du mobilier de Jean-Claude Brialy au château de Monthyon

Monthyon était son refuge, celui de ses amis. Le lieu aussi des déjeuners du dimanche avec le Tout-Paris du théâtre et du cinéma, sa première maison, celle où il s’est éteint, où Bruno Finck, son grand amour, a continué de vivre tant qu’il en a eu la force. Les 3 et 4 juillet 2021, tableaux, meubles, vaisselle, objets, plus de mille lots partiront aux enchères. Les derniers feux de la mémoire.

Par Antoine Michelland - 02 juillet 2021, 07h00

 Sophie Litras, présidente des Amis de Jean-Claude Brialy, et Valérie Payet, tuteur de Bruno Finck, devant Monthyon, avec un portrait du comédien par Just Jaeckin.
Sophie Litras, présidente des Amis de Jean-Claude Brialy, et Valérie Payet, tuteur de Bruno Finck, devant Monthyon, avec un portrait du comédien par Just Jaeckin. © Julien de Rosa

Il est des lieux très aimés que, même mort, l’on ne quitte jamais. Ainsi en est-il de Monthyon où flotte encore la présence ineffable de Jean-Claude Brialy. Chacun s’attend à le voir s’avancer dans le grand salon peuplé d’angelots, comme s’il entrait sur scène. En quête perpétuelle d’une vie qu’il voulait faire plus belle que la terne réalité.

"Monthyon est la maison des souvenirs après avoir été celle de l’élégance, de rencontres magnifiques", confie Valérie Payet, animatrice de télé et de radio, tuteur de Bruno Finck, le compagnon de Jean-Claude Brialy. "Cette demeure représente l’amitié, l’amour, les enfants. Il la prêtait à tout le monde. Je m’y suis reposée durant mon dernier mois de grossesse, j’y ai fêté les deux ans de ma fille Jeanne. C’était aussi l’endroit où Bruno et Jean-Claude se retrouvaient vraiment tous les deux, loin du tourbillon de la vie parisienne."

Parmi les pièces phares de la vente, ce Portrait de Jacques Chazot par Bernard Buffet, daté de 1954. À côté, une école anglaise de 1800, Enfant tenant son lévrier. © Julien de Rosa
Parmi les pièces phares de la vente, ce Portrait de Jacques Chazot par Bernard Buffet, daté de 1954. À côté, une école anglaise de 1800, Enfant tenant son lévrier.© Julien de Rosa

Leur destin s’était croisé au Festival de Cannes, un jour du printemps 1979, pour se confondre à jamais. Le long garçon timide de 17 ans et le plus délicieux des comédiens ne vivront plus l’un sans l’autre. Le premier devient attaché de presse de cinéma "chez Dominique Segall, comme mon compagnon, Stéphane Gateau. C’est comme cela que nous nous sommes liés d’amitié, sourit Valérie. Nous étions les enfants terribles. Le dimanche, à Monthyon, Bruno était encore au lit à midi quand Jean-Claude arrivait depuis Paris, où il avait travaillé toute la semaine et encore le matin à la radio. Il était passé prendre le déjeuner à son restaurant L’Orangerie et quand il débarquait sans voir personne, il lançait un irrésistible et parfois irrité, 'elle est où la comtesse ? Elle va se lever?' Et Bruno descendait l’escalier en robe de chambre, un peu contrit."

Sur cette table bouillotte, devant une photo de Brialy enfant en uniforme du Prytanée, un nécessaire à écrire Napoléon III. © Julien de Rosa
Sur cette table bouillotte, devant une photo de Brialy enfant en uniforme du Prytanée, un nécessaire à écrire Napoléon III. © Julien de Rosa

Le théâtre ! Quant au décor de leur vie, il n’est jamais fini. "Jean-Claude a aiguisé mon goût, confiait Bruno à Point de Vue, en 2013, lors d’une précédente vente, quand il pouvait encore parler, avant que la maladie de chorée ne le paralyse tout à fait. Il n’aimait que l’excellence. Nous avons acheté ensemble et beaucoup. Après ou durant une tournée. Un film. Lorsque nous avions vu quelque chose à l’étranger, en vacances ou pour le travail, nous le signalions alors à nos amis. Ils se chargeaient de nous l’expédier."

Au mur du grand salon, où se déroula le dîner des 70 ans de Brialy, trône cette Jeune femme à la robe blanche, par Leonor Fini. © Julien de Rosa
Au mur du grand salon, où se déroula le dîner des 70 ans de Brialy, trône cette Jeune femme à la robe blanche, par Leonor Fini. © Julien de Rosa

Aujourd’hui, Bruno n’habite plus Monthyon. Il n’en a plus la force. Et la demeure va voir une large part de ses trésors dispersée aux enchères. Pour atteindre l’épure, continuer de faire vivre par d’autres moyens la mémoire de celui qui l’acheta à 25 ans, sans un sou, en empruntant la moitié de la somme à la banque et en se faisant prêter l’autre moitié par des amis qui se nommaient Chabrol, Truffaut, Godard. Le Tout-Paris des arts et du spectacle se retrouvait à Monthyon.

Sophie Litras, présidente de l’association des Amis de Jean-Claude Brialy, se souvient du dîner donné dans le grand salon, en 2003 pour les 70 ans du maître des lieux. "C’était une surprise, concoctée par Bruno. Nous étions en petit comité, une vingtaine de personnes et cinq tables rondes. Il y avait Rochefort, Arditi, Marielle, Mme Chirac, Nana, Aznavour…"

La façade principale de Monthyon, cette demeure achetée par le comédien à 25 ans, sans argent et sur un coup de cœur. © Julien de Rosa
La façade principale de Monthyon, cette demeure achetée par le comédien à 25 ans, sans argent et sur un coup de cœur. © Julien de Rosa

Bruno et Sophie étaient les petits anges, lui de Brialy, elle du peintre et sculpteur Raymond Moretti. "Quand Moretti s’est éteint, en 2005, Jean-Claude ne m’a pas lâché la main pendant deux ans, alors que lui-même était déjà malade. Il a toujours été d’une fidélité, d’une générosité, d’une élégance absolues." En témoigne, entre mille lots qui seront en vente sur deux journées, ce superbe Portrait de Jacques Chazot par Bernard Buffet. Recueilli par Brialy, l’ancien danseur étoile, incarnation du mondain et de l’humour des loges s’est éteint, ruiné, à Monthyon, en 1993. Il a légué son portrait à celui qui avait adouci de son amitié ses dernières années.

Le premier salon, peuplé d’angelots. © Julien de Rosa
Le premier salon, peuplé d’angelots. © Julien de Rosa

Ce culte de l’amitié, André Chapelle, époux et producteur de Nana Mouskouri, le salue, lui aussi. "Nous arrivions le samedi après-midi à Monthyon, il mettait la table avec des verres anciens, des nappes brodées, l’argenterie. C’était sa passion. Le dimanche, le déjeuner nous réunissait avec d’autres invités venus de Paris. Ce sont de grands souvenirs. Nous allions à la piscine, il faisait du cheval. Le domaine était une petite ville très organisée. À Genève, à Athènes, nous allions chez les marchands, il achetait souvent des pierres sculptées, des visages."

Partout des objets, comme ce lot de pots à crème. © Julien de Rosa
Partout des objets, comme ce lot de pots à crème. © Julien de Rosa

Ils sortent des...

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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